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La salade niçoise

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Accompagnement lieux d’accueil (ALC), qui travaille depuis plus de vingt ans auprès des personnes étrangères en situation de prostitution à Nice, a été la première association à déposer en France des dossiers pour les parcours de sortie. Sur 16 dossiers, seuls deux ont été acceptés par la préfecture, après délibération de la commission départementale. Une situation contraire à l’esprit de la loi, selon Patrick Hauvuy, directeur du pôle « prévention, hébergement et insertion » d’ALC.

« La décision du préfet est tombée sans aucune explication, explique Patrick Hauvuy, directeur du pôle « prévention, hébergement et insertion » de l’association Accompagnement lieux d’accueil (ALC) à Nice. Avant de déposer ces dossiers, nous avons pourtant effectué un travail titanesque pour les faire cadrer avec les critères des arrêtés. On a travaillé en amont avec la direction départementale de la cohésion sociale : on a pu transformer cinq places en CHRS [centre d’hébergement et de réinsertion sociale] pour qu’elles soient réservées aux parcours de sortie, ce qui était crucial pour leur permettre de survivre avec seulement 330 € par mois. Des cours de français ont été dispensés, on leur a fait passer des tests, on a embauché une conseillère d’insertion professionnelle pour que chacune d’elles ait un projet précis de reconversion. Tout était prêt pour que cela fonctionne très bien. On n’a jamais pensé que leur situation irrégulière pourrait constituer un obstacle, justement parce que la loi était faite pour elles. Si on regarde les dispositions de la loi, elle n’a que peu d’intérêt pour les Françaises et ressortissantes européennes, qui bénéficient du droit commun. Elle concerne en réalité les personnes qui ne peuvent bénéficier de l’asile et qui n’ont pas porté plainte contre un réseau : il s’agit des plus vulnérables, celles qui ont trop peur pour témoigner. »

Depuis que la décision du préfet a été portée à la connaissance des associations et des travailleuses du sexe, Accompagnement lieux d’accueil n’est plus contactée pour des parcours de sortie. L’association se cantonne pour le moment aux demandes de renouvellement pour les deux dossiers acceptés. « On est face à une vraie situation de blocage. Tant que les critères de sélection continuent à se fonder sur la situation irrégulière ou non de la personne, cela ne nous encourage pas à faire la promotion de la loi. Toute la communauté nigériane a été informée du traitement réservé à leurs collègues. Tout notre travail en est décrédibilisé, notamment quand on va à la rencontre des personnes dans la rue. L’engagement de ces femmes était réel, leur déception a été terrible. Quelques-unes ont fait un recours, mais les autres ont disparu dans la nature. Nos collègues des autres départements ont été échaudés par ce qu’il s’est passé ici. »

Selon Patrick Hauvuy, le message renvoyé est incompréhensible : « On nous demande de faire la promotion de cette loi, nous sommes financés pour ça et, dans les faits, nous ne pouvons la faire appliquer. […] L’application de la loi est différente d’un territoire à l’autre, c’est un problème pour un Etat qui se dit centralisateur, poursuit-il. On avait fortement milité, lors de la loi pour la sécurité intérieure, pour que la décision d’accorder des titres de séjour revienne non pas au préfet mais au procureur, qui a une vue d’ensemble sur le dossier, que l’autorité judiciaire s’en saisisse plutôt que l’autorité administrative. On l’a dit, on l’a écrit, mais on n’a jamais été entendus. » Surtout, la lutte menée contre l’immigration a, pour le travailleur social, fait péricliter le débat sur le trafic d’êtres humains, et oublier l’essence même de la loi, qui consiste à protéger les victimes de l’exploitation sexuelle.

Violence faite aux femmes

« La prostitution est considérée comme une violence faite aux femmes. On devrait les secourir – si l’on se réfère à la position du secrétariat d’Etat chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes – et non pas les considérer comme des prostituées sans papiers. D’autant qu’on n’est pas sur des processus d’immigration classique, on est sur de l’exploitation. Ces femmes sont en situation d’exploitation avec des dettes considérables à rembourser pour la traversée en Méditerranée notamment. En France, nous disposons de tous les éléments nécessaires en termes d’outils, de dispositifs pour lutter contre cet état de fait et pour prendre en charge les victimes. On devrait être dans l’excellence ; or, si on regarde les rapports du GRETA[1], l’Hexagone est souvent rappelé à l’ordre. La France était pourtant, en 1958, le premier pays à se doter d’une unité de lutte contre la traite humaine. »

Notes

(1) Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains, instance qui dépend du Conseil de l’Europe.

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