En application de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, une récente ordonnance révise les modalités de contrôle des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) et des séjours de vacances adaptés pour les personnes handicapées majeures. Elle a pour objet de « remédier aux difficultés d’interprétation et aux lacunes signalées par l’inspection générale des affaires sociales et par les services d’inspection et de contrôle des services déconcentrés et des agences régionales de santé », tenant principalement à la « coexistence de deux corpus de textes comportant des références entrecroisées d’une articulation difficile », indique le rapport accompagnant l’ordonnance. Il était en effet nécessaire de se référer à des dispositions éparses dans le code de l’action sociale et des familles (CASF) et dans le code de la santé publique (CSP) pour avoir une vision complète du dispositif. De plus, le dispositif était peu lisible entre les prérogatives différentes des autorités publiques chargées du contrôle (entre le préfet, le directeur général de l’agence régionale de santé et le président du conseil général).
La nouvelle rédaction du CASF permet ainsi de clarifier la distinction entre le contrôle administratif et le contrôle judiciaire. Elle comble certaines lacunes comme le contrôle des cessions d’autorisations et la possibilité de contrôler les fonctions support au niveau du gestionnaire. Elle prévoit, en outre, un panel de mesures de police plus large permettant aux autorités de contrôle de prendre des dispositions plus graduelles allant de l’injonction à la cessation définitive des activités d’une structure.
Ce dossier ne traite que du contrôle des structures au regard du respect des dispositions du CASF. Cependant, les ESSMS sont susceptibles de faire l’objet d’autres contrôles et inspections qui ne sont pas traités ici, comme par exemple :
→ les contrôles menés par la direction de la concurrence ;
→ les audits de la protection judiciaire de la jeunesse(1) ;
→ les contrôles de l’inspection du travail ;
→ les missions d’enquête ordonnées par le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) (CASF, art. R. 313-34).
L’ordonnance du 17 janvier 2018 étend le nombre des structures susceptibles d’être contrôlées et précise la distinction entre le contrôle administratif et le contrôle judiciaire.
Les structures principalement concernées sont les établissements et services sociaux et médico-sociaux et les lieux de vie et d’accueil. L’ordonnance étend la possibilité de contrôle à toutes les structures relevant de l’article L. 312-1 du CASF, même celles ne relevant pas de l’autorisation mais relevant d’un simple régime de déclaration. L’ordonnance de 2018 a élargi aussi la possibilité de contrôle aux services des organismes gestionnaires qui concourent à la gestion des ESSMS (CASF, art. L. 313-13, I). Sont visées ici les structures support type sièges sociaux qui regroupent par exemple les fonctions de gestion des ressources humaines ou encore la direction financière (CASF, art. L. 313-13, I).
Cette rédaction du CASF n’exige pas que les sièges sociaux soient eux-mêmes autorisés au sens de l’article R. 314-87 du CASF pour être susceptibles de faire l’objet d’un contrôle.
Selon le rapport accompagnant l’ordonnance, l’article L. 331-1 du CASF a été modifié afin de rendre les modalités de contrôle applicables aux structures suivantes :
→ les structures habilitées à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale en vertu de l’article L. 221-1 du CASF (lorsqu’elles ne sont pas en même temps autorisées) ;
→ les organismes accompagnant l’insertion des victimes de la prostitution (CASF, art. L. 121-9) ;
→ les services assurant la domiciliation des personnes sans résidence stable (CASF, art. L. 264-1) ;
→ les communautés assurant l’accueil et l’hébergement de personnes en difficulté (CASF, art. L. 265-1) ;
→ les espaces de rencontre dédiés au maintien des relations entre un enfant et ses parents ou un tiers (CASF, art. D. 216-1) ;
→ les établissements déclarés pour l’hébergement des mineurs ou des adultes en difficulté en vertu des articles L. 321-1 et L. 322-1 du CASF créés par des collectivités publiques (CASF, art. L. 331-8).
Les structures d’accueil collectif de mineurs relevant de l’article L. 227-4 du CASF sont exclues du contrôle (CASF, art. L. 331-1).
Les ESSMS sont susceptibles d’être contrôlés par l’autorité qui les a autorisés ou auprès de laquelle ils ont dû déclarer leur activité, c’est le « contrôle administratif ». Les nouvelles dispositions du CASF prévoient en outre un cadre particulier pour contrôler les cessions des autorisations. En parallèle, tous les ESSMS peuvent être contrôlés par le préfet de département dans le cadre d’un contrôle dit « judiciaire ». Les personnes physiques exerçant la profession de mandataire judiciaire à la protection des majeurs ou de délégué aux prestations familiales peuvent également faire l’objet d’un contrôle. Enfin, les services du ministère de la Justice dispose d’un cadre particulier pour contrôler les ESSMS de protection de l’enfance.
Les dispositions relatives au contrôle administratif sont maintenant clairement identifiables dans le CASF. Elles sont regroupées aux articles L. 313-13 à L. 313-20. Le contrôle dit « administratif » a pour objet de vérifier que le gestionnaire de la structure respecte les dispositions du code, comme celles relatives aux droits des usagers et aux obligations de qualité.
Le contrôle administratif est le contrôle par lequel l’autorité qui a délivré l’autorisation peut s’assurer que le gestionnaire respecte les obligations posées par le code de l’action sociale et des familles, par l’autorisation qui lui a été délivrée (public accueilli, capacité autorisée…) et éventuellement par les règlements locaux (par exemple, le règlement départemental d’aide sociale).
Le contrôle administratif est exercé par l’autorité compétente pour délivrer l’habilitation ou l’agrément, ou recevoir la déclaration prévue aux articles L. 321-1 et L. 322-1 du CASF (CASF, art. L. 331-1). En cas d’autorisation conjointe, le contrôle est effectué de façon séparée ou conjointe par les deux autorités dans la limite de leurs compétences respectives (CASF, art. L. 313-13, V).
L’ordonnance du 17 janvier 2018 précise et renforce les compétences de l’autorité administrative en matière de contrôle des cessions d’autorisation, notamment à l’égard des éventuelles fonctions support du cessionnaire.
Auparavant, une personne de droit public (centre communal d’action sociale, établissement de santé, établissement public…) pouvait céder l’autorisation d’un établissement ou service qu’elle gérait sans solliciter l’avis de l’autorité ayant délivré l’autorisation initiale. Cette différence entre gestionnaire de droit public et gestionnaire de droit privé, n’étant pas justifiée et étant en contradiction avec la logique de planification de l’offre, a été supprimée.
Ainsi, tout gestionnaire, privé ou public, ne peut céder la gestion d’un établissement ou d’un service qu’après avis de l’autorité compétente, ou des autorités compétentes en cas d’autorisation conjointe.
L’autorisation ne peut être cédée qu’avec l’accord de l’autorité compétente pour la délivrer, qui doit s’assurer que le cessionnaire pressenti remplit les conditions pour gérer l’établissement, le service ou le lieu de vie et d’accueil dans le respect de l’autorisation préexistante, le cas échéant au regard des conditions dans lesquelles il gère déjà d’autres structures (CASF, art. L. 313-1).
Ce contrôle recouvre également les fonctions supports du gestionnaire, type siège social (rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2018-22 du 17 janvier 2018).
L’ordonnance réduit également le délai au-delà duquel l’absence de réponse de l’autorité d’autorisation vaut refus de la cession de l’autorisation. Il est aujourd’hui de 3 mois, contre 6 mois auparavant (CASF, art. L. 313-1).
Quelle que soit l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation, le préfet de département peut, à tout moment, diligenter un contrôle à l’égard de tous les établissements et services ainsi que les lieux de vie et d’accueil établis dans son département. Pour ce faire, il dispose des personnels, placés sous son autorité ou sous celle de l’agence régionale de santé ou mis à sa disposition par d’autres services de l’Etat ou par d’autres ARS, ou par des personnels des services déconcentrés de la protection judiciaire de la jeunesse (CASF, art. L. 313-13, VI).
Le préfet doit alors informer l’autorité compétente qui a délivré l’autorisation des résultats de ces contrôles (CASF, art. L. 313-13, VI).
En outre, le président du conseil départemental doit avertir sans délai le représentant de l’Etat dans le département de tout événement survenu dans un établissement ou service qu’il autorise, dès lors qu’il est de nature à compromettre la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral des personnes accueillies. Le représentant de l’Etat doit alors en informer le procureur de la République lorsque l’établissement ou le service accueille des majeurs bénéficiant d’une mesure de protection juridique (CASF, art. L. 313-13, VI).
L’ordonnance du 17 janvier 2018 tend à « renforcer les droits de la défense dont peuvent se prévaloir les structures contrôlées », a indiqué Agnès Buzyn, la ministre des Solidarités et de la Santé, lors de la présentation du texte en conseil des ministres le 17 janvier dernier.
Chaque autorité publique qui autorise les ESSMS (préfet, directeur général d’ARS et président de conseil départemental) dispose d’agents chargés de mener les missions d’inspection.
Tous les agents inspecteurs, quelle que soit l’administration dont ils relèvent, doivent être habilités et assermentés dans des conditions qui seront fixées par décret afin d’être autorisés à établir des procès-verbaux (CASF, art. L. 331-8-2).
Pour les établissements, services et lieux de vie et d’accueil relevant de la compétence du préfet, les contrôles sont effectués par les personnels, placés sous son autorité ou sous celle de l’agence régionale de santé ou mis à sa disposition par d’autres services de l’Etat ou par d’autres ARS, ou par les personnels des services déconcentrés de la protection judiciaire de la jeunesse. Ils peuvent être assistés par d’autres personnes dans les conditions prévues à l’article L. 1421-1 du code de la santé publique (CASF, art. L. 313-13, II).
Le directeur de l’agence régionale de santé dispose d’agents spécifiquement dédiés aux missions d’inspections et de contrôle et disposant de prérogatives spécifiques. Ils interviennent dans le cadre d’un contrôle des établissements de santé ainsi que dans le cadre d’un contrôle des établissement et services médico-sociaux. Il s’agit (code de la santé publique [CSP], art. L. 1421-1) :
→ des médecins inspecteurs de santé publique ;
→ des inspecteurs de l’action sanitaire et sociale ;
→ des pharmaciens inspecteurs de santé publique, les ingénieurs du génie sanitaire ;
→ des ingénieurs d’études sanitaires ;
→ des techniciens sanitaires.
Les personnels chargés de l’inspection peuvent faire appel à des personnes qualifiées pour les assister dans leur mission de contrôle (CSP, art. L. 1421-1, al. 2).
Les visites d’inspection des structures autorisées par le directeur général de l’ARS sont conduites par un médecin inspecteur de santé publique ou par un inspecteur de l’action sanitaire et sociale (CASF, art. L. 313-13, II).
Les personnels chargés de l’inspection peuvent opérer sur la voie publique et pénétrer entre 8 heures et 20 heures dans les locaux, lieux, installations et moyens de transport dans lesquels ont vocation à s’appliquer les dispositions qu’ils contrôlent. Ils peuvent également y pénétrer en dehors de ces heures lorsque l’accès au public est autorisé ou lorsqu’une activité est en cours. Lorsque l’occupant refuse l’accès, celui-ci peut être autorisé par l’autorité judiciaire, sans préjudice de la mise en œuvre des sanctions prévues, de 1 an d’emprisonnement et de 75 000 Ä d’amende (CSP, art. L. 1421-2).
Pour les établissements et services autorisés par le président du conseil départemental, la visite de contrôle est menée par des agents départementaux selon les modalités prévues par le règlement départemental (CASF, art. L. 133-2).
Les membres de l’inspection générale des affaires sociales sont compétents pour contrôler tous les ESSMS, quelle que soit l’autorité ayant délivré l’autorisation (CASF, art. L. 313-13, dernier alinéa).
Le gestionnaire ou toute autre personne qui fait obstacle à la visite d’inspection et, plus généralement, à l’exercice des fonctions des agents inspecteurs encourt une peine de 1 an d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende (CASF, art. L. 313-22-1).
Les visites d’inspection ne peuvent avoir lieu qu’après autorisation du juge des libertés et de la détention. Le juge compétent est celui du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se situent les locaux inspectés. L’ordonnance autorisant la visite peut faire l’objet d’un appel devant le premier président de la cour d’appel suivant les règles prévues par le code de procédure civile (CSP, art. L. 1421-2-1).
Le juge des libertés et de la détention rend une ordonnance qui indique l’adresse des lieux à visiter, le nom et la qualité des agents inspecteurs ainsi que les heures auxquelles ils sont autorisés à se présenter (CSP, art. L. 1421-2-1).
Le juge peut également assister à la visite et décider à tout moment de son arrêt ou de sa suspension (CSP, art. L. 1421-2-1).
Cependant, le CASF a été modifié pour ne plus rendre obligatoire cette autorisation préalable dans le cas où les locaux visités sont également à usage d’habitation, donc spécifiquement dans les établissements assurant un hébergement. L’agent inspecteur habilité et assermenté doit néanmoins effectuer son contrôle en présence de l’occupant et avec son accord écrit ou celui de son représentant légal (CASF, art. L. 313-13-1).
L’autorisation du juge des libertés et de la détention reste nécessaire si la visite se fait hors de la présence du résident. Dans ce cas, les agents inspecteurs doivent également effectuer la visite en présence de deux témoins qui ne sont pas sous leur autorité (CSP, art. L. 1421-2-1, IV).
Les agents inspecteurs peuvent recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement, toute justification ou tout document nécessaires au contrôle. Ils peuvent exiger la communication ou procéder à la saisie de tout document nécessaire à l’accomplissement de leur mission d’inspection. Pour le contrôle des opérations faisant appel à l’informatique, ils ont accès aux logiciels et aux données stockées, ainsi qu’à la restitution des informations.
Ils peuvent prélever des échantillons. Les échantillons sont analysés par un laboratoire de l’Etat, de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ou par un laboratoire désigné par le directeur général de l’ARS.
Les agents ayant la qualité de médecin ou de pharmacien ont accès à toutes données médicales individuelles nécessaires à l’accomplissement de leurs missions (CSP, art. L. 1421-3 et CASF, art. L. 313-13-1).
Dans le cadre de leurs contrôles, les inspecteurs de l’action sanitaire et sociale et les inspecteurs de l’agence régionale de santé ayant la qualité de médecin assermentés peuvent procéder, sur autorisation judiciaire préalable, à la saisie de tout document, objet ou produit (CASF, art. R. 313-26).
Sauf impossibilité dûment constatée dans le rapport établi à la suite du contrôle, les documents, objets ou produits doivent être saisis en présence du responsable de l’établissement ou du service concerné et, le cas échéant, en présence de la personne à laquelle ils appartiennent. Ils sont immédiatement inventoriés. L’inventaire comportant une description précise doit être signé par les parties en cause et annexé au rapport établi à la suite du contrôle (CASF, art. R. 313-26).
Les agents inspecteurs doivent établir un procès-verbal (PV) juste après la visite, indiquant les modalités et le déroulement de la visite et les constatations faites durant celle-ci. Le gestionnaire doit signer le PV et est destinataire d’une copie (CSP, art. L. 1421-2-1, IV).
Ils établissent ensuite un rapport de leur inspection qui doit être dressé en trois exemplaires transmis à l’autorité dont relèvent les inspecteurs et à celles qui ont délivré l’autorisation. Une copie est transmise par lettre recommandée avec accusé de réception à l’organisme gestionnaire ainsi qu’au responsable de l’établissement ou du service concerné. Le rapport doit être transmis dans les 5 jours suivant la clôture de la mission d’inspection (CASF, art. R. 313-26).
Les infractions aux dispositions du CASF sont constatées par des procès-verbaux transmis au procureur de la République. Lorsque l’établissement ou le service accueille des majeurs bénéficiant d’une mesure de protection juridique, une copie doit également être transmise pour information aux juges des tutelles du ressort (CASF, art. L. 331-8-2).
L’ordonnance du 17 janvier 2018 module et permet de graduer les réponses que les autorités publiques sont en mesure d’apporter à la suite d’une mission d’inspection. Le CASF ne prévoyait auparavant que la possibilité de prononcer une mise sous administration provisoire ou la fermeture de l’ESSMS en cas de non-respect des injonctions.
La nouvelle rédaction des textes permet notamment « la modulation des mesures administratives, outre la désignation d’un administrateur provisoire, qui peuvent être prises lorsqu’il n’est pas satisfait à une injonction, sous la forme d’interdictions partielles et de sanctions financières et d’astreintes, dans le respect du principe de proportionnalité » (rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2018-22 du 17 janvier 2018).
En cas de structure relevant d’une autorisation conjointe, les sanctions peuvent être prononcées par une seule des autorités compétentes, qui doit en informer les autres sans délai (CASF, art. L. 313-14, VI).
L’ordonnance permet en particulier d’« enjoindre à un établissement de prendre les mesures nécessaires pour prévenir tout risque pour les personnes accueillies ou pour garantir le respect de leurs droits, quelle que soit la qualification juridique de ce risque », a souligné Agnès Buzyn, lors de la présentation de l’ordonnance en conseil des ministres.
Ainsi, lorsque les conditions d’installation, d’organisation ou de fonctionnement de l’établissement, du service ou du lieu de vie et d’accueil méconnaissent les dispositions du présent code ou présentent des risques susceptibles d’affecter la prise en charge des personnes accueillies ou accompagnées ou le respect de leurs droits, l’autorité compétente peut enjoindre au gestionnaire d’y remédier, dans un délai qu’elle fixe. Ce délai doit être raisonnable et adapté à l’objectif recherché. L’autorité compétente doit en informer le conseil de la vie sociale quand il existe et, le cas échéant, le préfet, ainsi que le procureur de la République dans le cas des établissements et services accueillant des majeurs protégés bénéficiant d’une mesure de protection juridique. Elle peut également prévoir les conditions dans lesquelles le responsable de l’établissement, du service ou du lieu de vie et d’accueil assure l’affichage de l’injonction à l’entrée des locaux par le responsable de l’ESSMS (CASF, art. L. 313-14).
Le contenu de cette injonction n’est pas fixé par les textes. C’est à l’autorité compétente de déterminer les mesures à prendre pour permettre de revenir à un fonctionnement « normal et respectueux » des droits des usagers. Cependant, le CASF précise que l’injonction peut inclure des mesures de réorganisation ou relatives à l’admission de nouveaux bénéficiaires et, le cas échéant, des mesures individuelles conservatoires, en application du code du travail ou d’accords collectifs (CASF, art. L. 313-14, I).
Si le gestionnaire ne prend pas les mesures nécessaires préconisées par l’injonction dans le délai imparti et ne remédie pas aux dysfonctionnements, l’autorité compétente peut prononcer à son encontre deux types de mesures complémentaires (CASF, art. L. 313-14) :
→ une astreinte journalière, dont le montant est proportionné à la gravité des faits sans pouvoir être supérieure à 500 € par jour ;
→ une interdiction de gérer toute nouvelle autorisation relevant de sa compétence, proportionnée à la gravité des faits et ne pouvant excéder 3 ans.
Par ailleurs, le procureur de la République a également le pouvoir de prononcer des injonctions à l’encontre (CASF, art. L. 313-14, VI) :
→ des services mettant en œuvre les mesures de protection des majeurs ;
→ des services mettant en œuvre les mesures judiciaires d’aide à la gestion du budget familial ;
→ de tous les établissements et services accueillant des majeurs protégés.
Dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux, gérés par des organismes de droit privé à but non lucratif, lorsque la situation financière fait apparaître un déséquilibre financier significatif et prolongé ou lorsque sont constatés des dysfonctionnements dans la gestion financière de ces établissements et de ces services, l’autorité de tarification compétente doit adresser à la personne morale gestionnaire une injonction de remédier au déséquilibre financier ou aux dysfonctionnements constatés et de produire un plan de redressement adapté, dans un délai qu’elle fixe. Ce délai doit être raisonnable et adapté à l’objectif recherché (CASF, art. L. 313-14-1). Sont concernées toutes les structures citées à l’article L. 312-1 du CASF, à l’exception (CASF, art. L. 313-14-1) :
→ des foyers de jeunes travailleurs ;
→ des établissements ou services, dénommés, selon les cas, « centres de ressources », « centres d’information et de coordination » ou « centres prestataires de services de proximité », mettant en œuvre des actions de dépistage, d’aide, de soutien, de formation ou d’information, de conseil, d’expertise ou de coordination au bénéfice d’usagers, ou d’autres établissements et services ;
→ des établissements ou services à caractère expérimental ;
→ des centres d’accueil pour demandeurs d’asile ;
→ des services mettant en œuvre les mesures de protection des majeurs ordonnées par l’autorité judiciaire au titre du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d’accompagnement judiciaire ;
→ des services mettant en œuvre les mesures judiciaires d’aide à la gestion du budget familial ;
→ des services qui assurent des activités d’aide personnelle à domicile ou d’aide à la mobilité dans l’environnement de proximité au bénéfice de familles fragiles et dont la liste est fixée par décret.
Le gestionnaire peut également être condamné à une sanction financière en cas de non-respect des dispositions du code de l’action sociale et des familles. Son montant est proportionné à la gravité des faits constatés et ne peut être supérieur à 1 % du chiffre d’affaires réalisé, en France et dans le champ d’activité en cause, par le gestionnaire lors du dernier exercice clos. A défaut de pouvoir déterminer ce plafond, le montant de la sanction financière ne peut être supérieur à 100 000 € (CASF, art. L. 313-14, III).
Lorsque la sanction financière est susceptible de se cumuler avec une amende pénale infligée à raison des mêmes faits, le montant global des amendes et sanctions financières prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé (CASF, art. L. 313-14, III).
Les sanctions financières, comme les astreintes, doivent être versées au Trésor public et ne peuvent en aucun cas être prises en charge par des financements publics (CASF, art. L. 313-14, IV).
(A noter) La sanction ne fait pas nécessairement suite à une injonction préalable. Le pouvoir d’injonction n’est qu’une possibilité ouverte à l’administration qui peut décider de recourir directement à la sanction financière.
S’il n’est pas satisfait à l’injonction dans le délai fixé, l’autorité compétente peut désigner un administrateur provisoire pour une durée qui ne peut être supérieure à 6 mois, renouvelable une fois. Celui-ci doit accomplir, au nom de l’autorité compétente et pour le compte du gestionnaire, les actes d’administration urgents ou nécessaires pour mettre fin aux difficultés constatées. Il dispose à cette fin de tout ou partie des pouvoirs nécessaires à l’administration et à la direction de l’établissement, du service ou du lieu de vie et d’accueil, dans des conditions précisées par l’acte de désignation (CASF, art. L. 313-14, V).
L’administrateur provisoire doit pouvoir justifier d’une parfaite indépendance pour l’exercice de sa mission. Il ne doit pas, au cours des 5 années précédentes, avoir perçu à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement (CASF, art. L. 313-14) :
→ une rétribution ou un paiement de la part de la personne physique ou morale gestionnaire, ou, dans le cas d’une personne morale, d’une personne qui détient le contrôle de la personne morale gestionnaire ou de l’une des sociétés contrôlées par elle ;
→ ne pas s’être trouvé en situation de conseil de la personne concernée ou de subordination par rapport à elle.
Il doit, en outre, n’avoir aucun intérêt dans l’administration qui lui est confiée. Il doit justifier d’une assurance couvrant les conséquences financières de la responsabilité. Le coût de cette assurance est pris en charge par les structures qu’il administre, au prorata des charges d’exploitation de chacun d’eux.
Avant l’ordonnance du 17 janvier 2018, le code de l’action sociale et des familles prévoyait la possibilité de prononcer la fermeture de l’établissement. La nouvelle rédaction du texte préfère la notion de « suspension » ou de « cessation d’activité » car elle est mieux adaptée, notamment en l’absence d’hébergement et dans les cas de réduction d’activité. En effet, l’ESSMS concerné peut éventuellement continuer de fonctionner pour une partie de ses activités. Toutefois, certaines activités ou une partie des places autorisées peuvent être suspendues ou retirées.
La cessation est définitive alors que la suspension est temporaire.
La cessation d’activité donne lieu à l’abrogation concomitante, totale ou partielle, de l’autorisation. Par exception, l’autorisation peut être transférée à un autre gestionnaire public ou privé en vue de poursuivre l’activité considérée. Le transfert est décidé par la ou les autorités compétentes pour délivrer l’autorisation (CASF, art. L. 313-18).
Lorsque la santé, la sécurité, ou le bien-être physique ou moral des personnes accueillies ou accompagnées sont menacés ou compromis, et s’il n’y a pas été remédié dans le délai fixé par l’injonction ou pendant la durée de l’administration provisoire, l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation peut décider la suspension ou la cessation de tout ou partie des activités de l’établissement, du service ou du lieu de vie et d’accueil (CASF, art. L. 313-16).
En cas d’urgence ou lorsque le gestionnaire refuse de se soumettre au contrôle, l’autorité compétente, pour délivrer l’autorisation, peut, sans injonction préalable, prononcer la suspension de l’activité en cause pour une durée maximale de 6 mois (CASF, art. L. 313-16).
Lorsque l’autorité compétente, pour délivrer l’autorisation, est le président du conseil départemental et en cas de carence de ce dernier, le préfet de département peut, après mise en demeure restée sans résultat, prendre en ses lieu et place les décisions de cessation ou de suspension d’activité. En cas d’urgence, il peut prendre ces décisions sans mise en demeure adressée au préalable (CASF, art. L. 313-16, II).
Lorsque la structure relève d’une autorisation conjointe, la décision de suspension ou de cessation d’activité est prise conjointement par les autorités compétentes. En cas de désaccord entre ces autorités, la décision peut être prise par le préfet (CASF, art. L. 313-16, III).
Les services mettant en œuvre les mesures de protection juridique des majeurs ou les mesures d’aide à la gestion du budget familial, ainsi que toutes les structures qui accueillent des majeurs protégés, ne peuvent faire l’objet d’une suspension ou cessation d’activité qu’après avis du procureur de la République, ou à la demande de celui-ci. En cas de suspension ou cessation d’activité en urgence, le procureur de la République est simplement informé (CASF, art. L. 313-16, IV).
En cas de suspension ou de cessation définitive de l’activité d’un établissement, d’un service ou d’un lieu de vie et d’accueil, la ou les autorités compétentes peuvent prendre en tant que de besoin les mesures nécessaires à la continuité de la prise en charge des personnes qui y étaient accueillies. En cas de carence des autorités compétentes, le préfet peut prendre ces mesures (CASF, art. L. 313-17).
Un administrateur provisoire peut alors être désigné. La date d’effet de la cessation définitive de l’activité est alors fixée au terme de l’administration provisoire (CASF, art. L. 313-17).
(A noter) Ces dispositions s’appliquent quand la suspension ou la cessation de l’activité sont prononcées comme mesure de police administrative à la suite d’un contrôle. Elles sont également applicables en cas de cessation volontaire de l’activité à l’initiative du gestionnaire.
En cas de cessation définitive des activités d’un établissement ou d’un service géré par une personne morale de droit public ou de droit privé, celle-ci doit reverser à une collectivité publique ou à un établissement privé poursuivant un but similaire les sommes suivantes (CASF, art. L. 313-19) :
→ les subventions d’investissement non amortissables, grevées de droits, ayant permis le financement de l’actif immobilisé de l’établissement ou du service. Ces subventions sont revalorisées selon des modalités fixées par décret ;
→ les réserves de trésorerie de l’établissement ou du service constituées par majoration des produits de tarification et affectation des excédents d’exploitation réalisés avec les produits de la tarification ;
→ les excédents d’exploitation provenant de la tarification affectés à l’investissement ;
→ les provisions pour risques et charges, les provisions réglementées et les provisions pour dépréciation de l’actif circulant constituées grâce aux produits de la tarification et non employées le jour de la fermeture ;
→ le solde des subventions amortissables et transférables ;
→ en cas de non-dévolution des actifs immobilisés au repreneur de l’établissement ou du service fermé, les plus-values sur les actifs immobilisés ayant fait l’objet d’amortissements pris en compte dans les calculs des tarifs administrés.
La collectivité publique ou l’établissement privé attributaire de ces sommes peut être (CASF, art. L. 313-19) :
→ choisi par le gestionnaire de l’établissement ou du service fermé, avec l’accord de l’autorité ou des autorités ayant délivré l’autorisation du lieu d’implantation de cet établissement ou service ;
→ désigné par l’autorité compétente de l’Etat dans le département, en cas d’absence de choix du gestionnaire ou de refus par l’autorité.
Un établissement dont la fermeture a été régulièrement prononcée ne peut être ouvert de nouveau qu’après autorisation du représentant de l’Etat dans le département. Si le préfet ne répond pas dans les 3 mois de la demande, l’autorisation est réputée acquise (CASF, art. L. 322-6).
Enfin, le responsable de l’établissement, qui ne se conformerait pas à une décision de suspension ou de cessation d’activité ou ouvrirait à nouveau l’établissement, après fermeture administrative, sans solliciter l’autorisation préfectorale, encourt une peine d’emprisonnement de 3 mois et une amende de 3 750 € (CASF, art. L. 321-4).
Pour les établissements et services relevant d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens, l’autorité compétente en matière de tarification peut demander la récupération de certains montants dès lors qu’elle constate (CASF, art. L. 313-14-2) :
→ des dépenses sans rapport ou manifestement hors de proportion avec le service rendu ou avec les coûts des établissements ou des services fournissant des prestations comparables en termes de qualité de prise en charge ou d’accompagnement ;
→ des recettes non comptabilisées.
Cette récupération vient en déduction du tarif de l’exercice au cours duquel le montant à récupérer est constaté, ou de l’exercice qui suit (CASF, art. L. 313-14-2). Cette mesure ne peut donc être mise en œuvre plus de 2 ans après le versement du tarif pour l’exercice concerné.
Les structures visées. Les ESSMS et les lieux de vie et d’accueil, et plus généralement toutes les structures relevant du code de l’action sociale et des familles ainsi que les séjours de vacances adaptées, sont susceptibles de voir leur activité contrôlée.
Les autorités de contrôle. L’ordonnance du 18 janvier 2018 est venue modifier ce dispositif de contrôle pour clarifier la distinction entre le contrôle administratif, effectué par l’autorité qui a délivré l’autorisation, et le contrôle judiciaire, effectué par le préfet.
Les sanctions. En cas de dysfonctionnement, les structures sont susceptibles de faire l’objet de plusieurs mesures de police administrative : injonction avec éventuellement mise sous astreinte, sanctions financières, mises sous administration provisoire, suspension ou cessation de leur activité.
Les établissements et services relevant de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) peuvent faire l’objet d’une inspection par des agents relevant du ministère de la Justice (CASF, art. L. 313-20).
En outre, l’inspection générale de la justice exerce une mission permanente d’inspection, de contrôle, d’étude, de conseil et d’évaluation sur l’ensemble des personnes morales de droit privé dont l’activité relève des missions du ministère de la Justice ou bénéficiant de financements publics auxquels contribuent les programmes du ministère de la Justice (décret n° 2016-1675 du 5 décembre 2016, art. 2, J.O. du 6-12-16).
Le préfet de département peut exercer un contrôle de l’activité des mandataires judiciaires à la protection des majeurs dans les mêmes conditions que pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) (CASF, art. L. 472-10).
En cas de violation par le mandataire judiciaire à la protection des majeurs des lois et règlements ou lorsque la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral de la personne protégée est menacé ou compromis par les conditions d’exercice de la mesure de protection judiciaire, le préfet peut, après avoir entendu l’intéressé, lui adresser, d’office ou à la demande du procureur de la République, une injonction assortie d’un délai circonstancié qu’il fixe. Il en est de même lorsque l’indépendance du préposé d’un ESSMS dans l’exercice des mesures de protection qui lui sont confiées par le juge n’est pas effective. Les juges des tutelles du ressort en sont informés (CASF, art. L. 472-10).
S’il n’est pas satisfait à l’injonction dans le délai fixé, le préfet, sur avis conforme du procureur de la République ou à la demande de celui-ci, peut retirer l’agrément du professionnel ou annuler les effets de la déclaration nécessaire à la désignation d’un agent ayant la qualité de préposé d’établissement hébergeant des majeurs. En cas d’urgence, l’agrément ou la déclaration peuvent être suspendus, sans injonction préalable et, au besoin, d’office, dans des conditions fixées par décret (CASF, art. L. 472-10).
Le procureur de la République et les juges des tutelles doivent être informés de la suspension, du retrait ou de l’annulation (CASF, art. L. 472-10).
Le préfet de département peut également exercer un contrôle de l’activité des délégués aux prestations familiales. L’ordonnance renvoie aux dispositions des articles L. 313-13 et L. 313-13-1 du CASF (CASF, art. L. 474-5).
En cas de violation par le délégué aux prestations familiales des lois et règlements ou lorsque la santé, la sécurité, la moralité, l’éducation ou le développement du mineur protégé est menacé ou compromis par les conditions d’exercice de la mesure, le préfet peut, après avoir entendu l’intéressé, lui adresser, d’office ou à la demande du procureur de la République, une injonction assortie d’un délai circonstancié qu’il fixe (CASF, art. L. 474-5).
S’il n’est pas satisfait à l’injonction dans le délai fixé, le préfet peut retirer l’agrément du délégué aux prestations familiales, sur avis conforme du procureur de la République ou à la demande de celui-ci. En cas d’urgence, l’agrément peut être suspendu, sans injonction préalable et, au besoin d’office, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat (CASF, art. L. 474-5).
Le procureur de la République doit être informé de la suspension ou du retrait (CASF, art. L. 474-5).
L’ordonnance du 17 janvier 2018 modifie les dispositions du code du tourisme relatives au contrôle des activités de vacances adaptées destinées à des personnes handicapées majeures, en renvoyant notamment aux modalités du contrôle prévues par le code de l’action sociale et des familles (CASF). Ces dispositions concernent les séjours bénéficiant de l’agrément « Vacances adaptées organisées »(2). Si ces activités sont organisées par un agent de voyages, il doit être immatriculé auprès du groupement d’intérêt économique « Atout France, agence de développement touristique de la France » (code du tourisme, art. L. 211-1).
Le représentant de l’Etat dans le département dans le ressort duquel sont réalisées les activités peut, dans des conditions fixées par décret, en ordonner la cessation immédiate ou dans le délai nécessaire pour organiser le retour des personnes accueillies, lorsque ces activités sont effectuées sans agrément ou sans l’une des déclarations préalables prévues ou lorsque la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral des personnes accueillies sont menacés ou compromis (code du tourisme, art. L. 412-2).
Le fait d’organiser un séjour de vacances adaptées sans agrément ou de poursuivre l’organisation d’un séjour auquel il a été mis fin par le préfet est puni de 3 750 € d’amende (code du tourisme, art. L. 412-2).
Le contrôle est effectué par les agents placés sous l’autorité du préfet ou mis à sa disposition par le directeur général de l’agence régionale de santé. Le contrôle s’effectue dans les mêmes conditions que le contrôle administratif des ESSMS (voir page 40). Un décret en Conseil d’Etat doit venir préciser les conditions dans lesquelles ces agents effectuent leur mission de contrôle. Ils pourront constater les trois infractions précisées ci-dessus par des procès-verbaux transmis au procureur de la République, qui font foi jusqu’à preuve contraire (code du tourisme, art. L. 412-2).
(1) Activités de vacances avec hébergement d’une durée supérieure à 5 jours destinées spécifiquement à des groupes constitués de personnes handicapées majeures.
(2) Circulaire du 26 juillet 2013 relative à l’organisation de l’audit qualité à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, NOR : JUSF1320829C, B.O.M.J. n° 2013-08 du 30-08-13.