Le mouvement a véritablement commencé ce jour-là : 500 étudiants qui occupaient la Sorbonne sont évacués, sans trop de ménagement, par les forces de police et embarqués au poste pour vérification d’identité. C’est de là que vient le fameux slogan « Libérez nos camarades ! » Le recteur décide la fermeture de la Sorbonne. Pour protester contre ces arrestations et cette fermeture, une première manifestation a lieu le soir même au Quartier latin. Les jets des premiers cocktails Molotov, l’érection des premières barricades et les premiers affrontements avec les CRS – qui fondent la légende en noir et blanc de Mai 68 – ont lieu cette nuit-là. Le pouvoir politique ne réagit pas à ce qu’il pense être une crise de jeunesse. A l’Elysée, le général de Gaulle estime que c’est au gouvernement de rétablir l’ordre. Oui, mais le gouvernement est absent. Le Premier ministre, Georges Pompidou, est parti la veille pour un voyage officiel de onze jours en Iran et en Afghanistan. Informé de la situation, il ne juge pas utile de rentrer.
Après cette première nuit chaude, les deux principaux syndicats étudiants, l’UNEF et le Snesup, appellent à la grève générale. Le pouvoir ne s’émeut toujours pas. Pompidou continue son périple.
La justice condamne quatre manifestants du 3 mai à de la prison ferme, ce qui échauffe les esprits étudiants.
Les grèves et les manifestations s’étendent à de nombreuses universités à Paris et en province. Huit étudiants – dont un certain Daniel Cohn-Bendit – comparaissent devant la commission disciplinaire de la faculté de Nanterre. Plusieurs manifestations ont lieu dans le Quartier latin et du côté de Denfert-Rochereau, donnant lieu à de violents affrontements avec les CRS et se concluant par l’arrestation de 400 personnes. Les syndicats étudiants se rapprochent de la FEN (Fédération de l’Education nationale), le grand syndicat des enseignants, et s’accordent sur trois revendications : l’abandon des sanctions universitaires, des poursuites administratives et pénales contre les étudiants, l’évacuation du Quartier latin par les forces de l’ordre et la réouverture de la Sorbonne.
La classe politique commence à se réveiller, notamment du côté des gaullistes, qui réclament le retour à l’ordre et l’expulsion de ce « Dany le Rouge » (Cohn-Bendit), de nationalité allemande…
Nouveau défilé de Denfert-Rochereau à l’Etoile. Le général de Gaulle, qui s’agace de ces manifestations, déclare : « Il n’est pas possible de tolérer les violences de la rue. »
En réponse aux commémorations officielles de l’armistice de 1945, les syndicats appellent à des manifestations dans le Quartier latin qui se dérouleront sans heurts…
sUn calme trompeur, car Mai 68 va connaître son apogée de violences et prendre les allures d’une véritable crise de régime à partir des 9 et 10 mai. « Une émeute ? Non, monsieur le Président, une révolution » aurait pu être un échange entre le général de Gaulle et un de ses ministres.