« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. » Cette morale de la célèbre fable de La Fontaine « Le Lion et le Rat » devrait inspirer les politiques.
A l’heure d’Internet, des réseaux sociaux, de l’instantanéité de l’information, les politiques sont plus tentés de faire des coups que d’engager des actions au long cours dont ils ne sont pas sûrs de voir les résultats car ils sont eux-mêmes dans une situation incertaine.
Ministre est, en effet, un emploi d’une extrême précarité. On peut être viré du jour au lendemain, voire d’une minute à l’autre, en raison d’un remaniement d’opportunité décidé par le Président, à cause d’une phrase malencontreuse, d’un tweet précipité ou d’une affaire ancienne révélée par un média. S’il existait un syndicat des ministres, il croulerait sous les dossiers…
Dans la Ve République, seul le Président est assuré d’une stabilité de cinq ans au minimum et même cette durée n’est pas toujours suffisante. François Hollande en a fait l’amère expérience. L’inversion de la courbe du chômage qu’il a attendue pendant tout son quinquennat s’est produite après son départ de l’Elysée alors même que, selon les économistes, sa politique y a beaucoup contribué.
Les politiques ont donc le choix entre avoir une ambition de carrière – qui suppose une exposition médiatique, nécessitant de prendre des initiatives choc pour capter lumière, notoriété et si, possible, popularité – et l’abnégation qui suppose de travailler discrètement pour le long terme et pour le bien public.
Parce qu’ils sont issus – pour beaucoup d’entre eux – de la société civile et qu’ils peuvent, le cas échéant, y retourner, les ministres d’Emmanuel Macron échappent-ils à ce dilemme entre le court et le long terme ?
Quel est le choix d’Agnès Buzyn, face à ses lourds dossiers tant du côté de la santé que du côté des solidarités.
S’attaquer à la réforme du système de santé, c’est prendre le risque de réveiller un mammouth, ce qui a fait reculer nombre de ses prédécesseurs. La volonté de décloisonner la ville et l’hôpital relève de l’effet d’annonce et le virage libéral se prend à une si petite allure qu’on ne risque pas l’embardée.
Du côté des solidarités, les sujets sensibles ne manquent pas et ils ne sont pas secondaires, à commencer par celui du vieillissement de la population et de la prise en charge des personnes âgées.
Bien sûr, il y a l’hypothèse de la création du « 5e risque », évoquée par le Président. Mais, en attendant, il y aurait des réformes structurantes à prendre : création de véritables parcours dépendance, rapprochement des structures, harmonisation des financements, réseaux ville-établissements…
Or, on ne voit pas, à ce jour, de signes annonciateurs du côté de l’avenue de Ségur. Agnès Buzyn pense-t-elle avoir quatre ans devant elle pour transformer le paysage de la prise en charge des personnes âgées ?