« Nous essuyons les plâtres, nous verrons bien ce que cela va donner. » Marc Olivier, responsable actif-passif à l’Association pour le droit à l’initiative économique (Adie), chargé de la mise en place du contrat à impact social (CIS), est confiant, mais a bien conscience des difficultés d’être les premiers à tester un nouveau modèle. « Le contrat à impact social que nous avons signé consiste à pouvoir faire du microcrédit accompagné, c’est-à-dire faire du financement et de l’accompagnement à la création d’entreprise dans des zones rurales isolées », renseigne-t-il.
Concrètement, après une étude de faisabilité menée conjointement avec la Fondation Avril, en 2015, « nous nous sommes rendu compte qu’un besoin émanait des élus locaux comme des habitants. Nous avons donc réfléchi à ce que nous pouvions mettre en place pour lever toutes les barrières liées à la mobilité ». Afin de rendre accessibles ses services en zones rurales isolées, l’Adie va développer de nouvelles méthodes de travail dont les deux principales caractéristiques sont :
→ l’instruction à distance des demandes de financement (via une plateforme téléphonique) ;
→ l’accompagnement renforcé de proximité (directement chez le bénéficiaire ou sur son lieu de travail…).
« Comme il est de plus en plus difficile d’obtenir des financements publics, nous ne trouvions pas de ressources publiques pour pouvoir financer et expérimenter ce projet, assure Marc Olivier. C’est pourquoi nous nous sommes tournés vers le CIS en répondant à l’appel à projets du gouvernement. Notre dossier a été retenu en juillet 2016. » Le CIS s’étend sur six ans : « trois années d’expérimentation et trois années d’évaluation », pour un montant de 1,3 million d’euros pour trois territoires : l’Ariège, la Nièvre et les Hautes-Alpes. À noter que, au maximum, si les objectifs sont dépassés, l’État paiera 1,5 million d’euros. Les investisseurs sont BNP Paribas, la Caisse des dépôts et consignations, AG2R La Mondiale, Mobiliz Invest et la Fondation Avril.
« L’objectif principal du CIS est de permettre à 320 personnes d’être insérées, indique Marc Olivier. Les premières personnes financées l’ont été en avril-mai 2017. Au total, sur l’année 2017, nous avons financé près de 120 personnes. On espère que les 8/10 seront, au final, insérées au bout de deux ou trois ans. Le financement maximal est de 10 000 euros avec une moyenne de 4 000 euros. » « Si plus de 320 personnes sont durablement insérées (jusqu’à 400 maximum), cela déclenche la prime de succès de 200 000 euros, ajoute le responsable de l’association. Cette prime est répartie en un tiers pour l’Adie et deux tiers pour les investisseurs. On récompense donc les investisseurs pour le risque financier pris. Mais l’ensemble des partenaires trouvait légitime que l’action de l’Adie soit aussi reconnue dans cette éventuelle réussite. Ce qui permettrait d’amorcer avec plus de sérénité la suite, une fois le contrat terminé. » Car l’après-CIS est encore très flou. « Si c’est un succès, il faut que cela perdure parce que sinon ça sera un gâchis pour tout le monde, estime Marc Olivier. L’objectif est de tester, d’expérimenter pour pouvoir pérenniser et, mieux, multiplier cette innovation. »
Mais qui financera ce programme ? « Il faudrait que ce soit les Régions, les Départements, que cela reprenne le schéma classique des dotations publiques », poursuit le responsable de l’Adie. « De toute façon, cela ne peut pas être de nouveau un CIS. En effet, une fois que vous avez démontré que cela fonctionne, cela n’a pas d’intérêt. Par exemple, si la dernière année on finance 150 personnes, on sera donc à une cadence de projet qui fait que l’on sait très bien que l’année suivante on fera sensiblement la même chose. La marge de risque n’existe quasiment plus. La logique d’entrer dans un CIS n’a donc plus de sens. » Et de se montrer quelque peu critique : « Il manque dans les CIS une clause qui dirait que, en cas de succès, le programme sera repris par telle collectivité ou telle autre pendant X années. J’imagine que c’est très complexe juridiquement à mettre en place mais c’est un réel manque. Il faudra vraiment l’anticiper pour les prochains CIS, car si on ne finance pas la suite, je ne vois pas comment ces contrats pourraient continuer. Ils perdront probablement de leur sens. »