« Nous sommes en train de trouver une solution pour qu’il n’y ait aucun établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes [EHPAD] perdant avec la nouvelle tarification », a déclaré Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, la semaine dernière, annonçant que les effets de la réforme seraient neutralisés en 2018 et 2019. C’était la principale recommandation du rapport de Pierre Ricordeau, membre de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), nommé médiateur en janvier en vue d’apaiser le mouvement social qui agite les EHPAD depuis janvier.
Car la réforme de la tarification des EHPAD, qui vise à faire converger sur sept ans les budgets des établissements publics et privés concernant les enveloppes « soins » et « dépendance », n’aurait pas été suffisamment anticipée, selon Pierre Ricordeau. Depuis la mise en place de la réforme, « 20 % à 25 % des établissements se retrouvent avec une recette “soin + dépendance” nette en baisse », souligne le rapport. La part des établissements « perdants » est par ailleurs nettement plus forte dans le secteur public qui met en avant des surcoûts spécifiques liés à son statut. Ils sont 35 % à 40 %, d’après le rapport, à connaître une baisse de leurs moyens, contre 20 % à 25 % dans le secteur non lucratif et 8 % dans le secteur privé commercial.
Cette neutralisation temporaire des impacts les plus négatifs de la convergence, préconisée par Pierre Ricordeau devrait être mise à profit pour discuter des ajustements et permettre aux départements de mettre en place des crédits complémentaires pour les établissements en difficulté. Quitte à en sortir au bout d’un an si des solutions sont trouvées.
« L’Etat bouge, estime Romain Gizolme, directeur de l’Association des directeurs au service des personnes âgées, au travers des recommandations de Pierre Ricordeau, reprises par Agnès Buzyn, et surtout au travers de l’engagement fort d’Emmanuel Macron pour ouvrir un large débat sur un financement pérenne de la dépendance. Et ce, avec un calendrier assez court fixé à fin 2018, début 2019, ce qui nous semble être un engagement fort de sa part. »
« Mais des mesures peuvent être prises dans l’immédiat, comme l’arrêt des baisses de dotation pour les structures, ou la revalorisation des salaires dans l’aide à domicile de 0,44 %, refusée par le gouvernement fin 2017. Cette revalorisation pourrait être un signe fort, souligne Romain Gizolme. Nous avons des réponses du gouvernement pour le moyen terme, mais nous avons aussi besoin de mesures de court terme pour stabiliser la situation. »
Un constat partagé par l’Intersyndicale représentant les personnels, qui note dans un communiqué qu’« aucune amélioration des conditions de travail et des conditions de vie de nos ainés » n’a été proposée et menace d’en appeler à une nouvelle mobilisation des professionnels du secteur.
Les modalités de mise en place de la neutralisation n’ont, par ailleurs, pas encore été précisées. « Nous avançons dans un environnement extrêmement mouvant », regrette Benoît Calmels, délégué général de l’Union nationale des centres communaux d’action sociale, qui fédère les centres communaux ou intercommunaux d’action sociale. Si un 5e risque est mis en place, comme l’a suggéré Emmanuel Macron, cela risque d’impacter le système tout entier de la tarification. » D’autant que le secteur est encore en attente de la feuille de route d’Agnès Buzyn sur la stratégie en direction des personnes âgées, annoncée pour avril. Une feuille de route qui pourrait encore modifier le cadre stratégique et financier dans lequel évolue le secteur.