Je n’aime pas trop les formules… Mais la philosophie générale du texte est très simple : tendre vers un traitement des demandes d’asile plus court. Il est aujourd’hui trop long, voire indécent, pour ceux qui font l’objet de persécutions, ont subi des exactions, ont fui un pays en guerre… Mais il est aussi trop long pour ceux qui, plutôt issus de l’exode économique, demandent l’asile pour bénéficier d’une forme de protection, de répit. Plus le refus et l’obligation de quitter le territoire français interviennent tard, plus on prend le risque de leur faire subir un nouveau déchirement. Finalement, ce projet de loi s’inscrit plutôt dans la continuité des lois de 2015 et 2016(1).
Concrètement, les conditions d’accueil et les moyens consacrés à l’asile ne relèvent pas du champ législatif, mais réglementaire. Cependant, des mesures ont été déjà prises en moins d’un an. Pour ce qui est de l’amont, il faut souligner la multiplication des CAES [centres d’accueil et d’examen des situations] qui concentrent toutes les fonctions – dépôt des demandes, hébergement, accompagnement social et médical… – et réduisent considérablement les délais de dépôt des demandes d’asile. L’objectif est d’aller vers un déploiement départemental.
En parallèle, avec la prise de rendez-vous téléphonique auprès du GUDA [guichet unique de demande d’asile], on commence à voir le délai moyen d’enregistrement des demandes d’asile se réduire. Enfin, en aval de la demande, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d’asile ont vu leurs effectifs croître. Et, pour rappel, nous avons voté un projet de loi de finances pour 2018 prévoyant une hausse de 26 % du budget consacré à l’asile.
Le comité interministériel doit se réunir bientôt sur le thème de l’intégration pour analyser les propositions du rapport d’Aurélien Tâché [député LREM, auteur du rapport sur l’intégration des étrangers arrivant en France].
En attendant, quelques mesures ont été prises, comme le doublement du nombre d’heures de cours de français pour les demandeurs d’asile, la continuité des droits dans le cadre du renouvellement des titres de séjours – y compris provisoires – ou encore l’abaissement du délai à partir duquel un demandeur d’asile pourra demander une autorisation de travail.
D’autres sujets font débat. On ne peut pas, par exemple, ouvrir un droit opposable et universel à l’hébergement pour toute personne arrivant sur le territoire. Dans aucun pays cela n’est possible. Mais le projet de loi fixe tout de même l’objectif pour l’Etat de répondre à la demande d’hébergement y compris dans la phase en amont du dépôt des demandes.
Sur l’allongement de la rétention : le fait d’avoir renoncé au 135 jours mais d’être passé de 45 à 90 jours n’est pas le fruit d’un compromis mais d’une étude de ce qui était efficace. Dans le cadre des reconduites dans le pays d’origine, un des principaux obstacles est l’obtention des visas de retour. Le gouvernement travaille à ces questions-là, notamment en ayant une diplomatie beaucoup plus active sur ce sujet que ses prédécesseurs. Dans le cadre de la loi, nous avons donc décidé de lier la possibilité d’allongement de la période de rétention aux problèmes de laisser-passer ou de comportement d’obstruction volontaire.
Sur la rétention des mineurs, j’ai proposé la création d’un groupe de travail qui va se réunir, probablement d’ici à fin juin, pour travailler à une proposition de loi. Toutes les hypothèses allant de l’interdiction totale de la rétention à un encadrement de l’autorisation seront étudiées.
(1) Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile et loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers.