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Le secteur médico-social est un grand corps malade

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Malade, complètement malade… Le secteur occupe la première place en termes d’affections psychiques, troubles musculo-squelettiques, accidents du travail. En cause : les conditions et la surcharge de travail, les évolutions réglementaires permanentes. Même l’encadrement est touché. Une mission gouvernementale sur la qualité de vie au travail dans les établissements prenant en charge des personnes âgées et des personnes handicapées doit rendre prochainement son diagnostic. De vrais remèdes à venir ou un simple effet placebo ?

Tous les voyants sont au rouge. Les professionnels du secteur sont en souffrance. Les nombreuses mutations vécues dans le secteur social et médico-social s’expriment par une augmentation du mal-être au travail. Si les salariés français sont plus exposés que les autres salariés européens aux risques psychosociaux (RPS), d’après une étude DARES publiée en 2015, le champ social et médico-social compte parmi les moins bien portants. Une situation qui dure et perdure. Ainsi, selon une étude publiée en janvier dernier par la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) de l’assurance maladie, la part des affections psychiques dans l’ensemble des accidents du travail est passée de 1 % à 1,6 % en cinq ans (2011/2016). Champion du mal-être professionnel, le secteur médico-social concentre, à lui seul, 20 % des affections psychiques reconnues en accident du travail, alors qu’il emploie 10 % des salariés. Ces 20 % se répartissent entre l’hébergement médico-social et social (900 cas), l’action sociale sans hébergement (517) et les activités pour la santé humaine (413).

Un Cocktail explosif

« Le syndrome d’épuisement professionnel vise principalement les personnes dont l’activité professionnelle implique un engagement relationnel important comme c’est le cas pour les travailleurs sociaux et les professionnels du secteur médico-social », rappelle Martine Keryer, médecin du travail et secrétaire nationale santé au travail du syndicat CFE-CGC. Et de poursuivre : « Les établissements et services sont soumis à une évolution continue du contexte législatif et réglementaire depuis plus d’une dizaine d’années. En tant que médecin du travail, je vois énormément de directeurs de structures et de cadres intermédiaires en inaptitude professionnelle au bout d’un certain temps. »

Une charge de travail de plus en plus importante, des injonctions financières, la perte de sens, les conflits de valeurs, la souffrance éthique, tous les ingrédients du cocktail explosif qui mène au fameux burn-out sont présents. « Ce terme n’est ni médicalement, ni scientifiquement reconnu. Il faut parler de troubles psychologiques liés au travail. Parmi eux, nous comptons mettre en avant trois pathologies : la dépression d’épuisement, le stress post-traumatique et l’anxiété généralisée », précise Martine Keryer.

Si l’exposition aux risques psycho­sociaux est très forte dans le secteur médico-social, ce dernier occupe également la première place du podium en ce qui concerne les troubles musculo-squelettiques (TMS), principale cause d’arrêt de travail et d’inaptitude médicale de salariés. « Ce n’est pas étonnant car les déterminants des TMS sont les mêmes que pour les risques psychosociaux. Contrairement à l’idée reçue, les TMS ont des origines multifactorielles et pas seulement biomécaniques », rappelle Magali Ollier, chargée de mission « prévention et santé au travail », chez Chorum-Cides.

Les facteurs de risques des TMS regroupent, en effet, les facteurs biomécaniques (répétition, effort excessif, travail statique, posture contraignante) mais également les facteurs psychosociaux (stress, charge mentale de la tâche, manque d’autonomie, impression de ne pas être apprécié à sa juste valeur), détaille l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), organisme public de référence dans les domaines de la santé au travail et de la prévention des risques professionnels.

Autre signe d’une santé des professionnels en péril : le taux de sinistralité est plus fort dans le secteur du médico-social que dans celui du bâtiment et des travaux publics. La fréquence des accidents est particulièrement élevée pour l’aide et les services à la personne (aide à domicile, hébergement pour personnes âgées), avec une moyenne de 94,6 accidents du travail pour 1 000 salariés, principalement dus à la manutention manuelle des personnes et aux chutes.

« Dans un contexte d’évolution de la branche tant en termes de regroupement, de restructuration, d’exigence de qualité du service rendu que de contraintes économiques et d’allongement de la vie professionnelle », la branche sanitaire, sociale et médico-sociale privée à but non lucratif (BASS) est l’une des premières branches en France à s’être engagée sur la thématique de la santé et de la qualité de vie au travail en signant un accord le 6 mai 2014. « L’économie sociale et solidaire se mobilise pour apporter des réponses. Il y a une prise de conscience des employeurs que lorsque l’on agit pour les salariés, on agit sur la qualité de la prise en charge des publics accompagnés », reconnaît Magali Ollier. La prévention de la pénibilité est également une des priorités des partenaires sociaux de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile (BAD). Cette prise de conscience s’est traduit, en 2013, par la signature de deux avenants à la convention collective relatifs à la prévention de la pénibilité et des risques psychosociaux.

Le corps et l’esprit

Mais pour l’heure, les efforts de prévention de la santé au travail portent davantage sur le corps que sur l’esprit. Ainsi, selon l’enquête « emploi » Unifaf 2017, publiée en mars 2018, les pratiques en matière de santé au travail sont encore très centrées sur le risque physique. La prise en compte des autres risques, et notamment psychosociaux, est moins fréquente (seulement 56 % des actions). « Pendant très longtemps, les établissements et services médico-sociaux ont investi dans du matériel d’aide au levage ou d’aide à la manutention pour faciliter les transferts en pensant que cela aiderait le travail des professionnels. Les formations “gestes et postures” ont été développées. Mais on s’est rendu compte que la formation seule ne sert à rien », analyse Magali Ollier. « Il faut laisser aux salariés la possibilité de se réapproprier leur mode d’organisation, de devenir des acteurs de leur travail. C’est le principe du “pouvoir d’agir”, dont parle Yves Clot, titulaire de la chaire de psychologie du travail du CNAM », explique-t-elle.

Pouvoir d’agir, volonté d’agir voire urgence d’agir… En effet, l’inaptitude professionnelle, autrement dit l’incapacité de certains salariés à occuper leur poste pour des raisons médicales, s’est nettement développée dans la branche sanitaire, sociale et médico-sociale et les pathologies sont très variées. En novembre dernier, la ministre du Travail et la ministre des Solidarités et de la Santé ont décidé de lancer une réflexion globale sur la santé au travail. Cette mission a été confiée à Charlotte Lecocq, députée du Nord (LREM), qui doit rendre son diagnostic et ses propositions, notamment sur la médecine du travail, fin avril 2018. Plus spécifiquement pour le secteur médico-social, véritable grand corps malade, un groupe de travail mène, depuis décembre, une réflexion sur la qualité de vie au travail dans les établissements prenant en charge des personnes âgées et des personnes handicapées. Les conclusions sont également attendues fin avril. Reste à savoir si, à face à cette situation d’urgence, les remèdes d’urgence seront prescrits.

Santé au travail : les sites ressources

www.sante-travail-unifaf.fr

En février dernier, Unifaf, l’organisme paritaire chargé de la collecte de fonds de la formation professionnelle et de sa gestion pour la branche sanitaire, sociale et médico-sociale privée à but non lucratif a lancé ce site Internet dédié à la santé au travail.

www.prevention-domicile.fr

Pour prévenir les risques professionnels au domicile des particuliers, ce site a été créé, en 2016, par la direction générale des entreprises, l’assurance maladie-risques professionnels et l’INRS en partenariat avec le groupe IRCEM, groupe de protection sociale des emplois de la famille. Il s’adresse à tous les acteurs des métiers des services à la personne : intervenants à domicile, salariés d’une structure ou d’un particulier employeur, coordonnateurs de secteur, responsables de structure, particuliers employeurs.

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