Nous nous sommes rendus à l’aube à la gare de Menton-Garavan où le train arrive de Vintimille, en Italie. Des CRS sont ensuite montés dans la rame afin de contrôler les identités des passagers. Un migrant est ensuite descendu avec eux et j’ai souhaité les suivre dans l’enceinte de la gare afin de voir comment les démarches administratives étaient faites. On m’a alors répondu que le « refus d’entrée » [document qui notifie l’interdiction d’entrée sur le territoire si la personne ne dispose pas des documents ou visas exigés] était rempli directement dans le van qui conduit les migrants au poste-frontière de Menton.
J’ai tout d’abord demandé à consulter la liste des migrants reçus la veille sur laquelle il y avait notamment deux noms à côté desquels la mention « mineurs » figurait. Le policier m’a expliqué que les personnes se trouvaient toujours sur place, dans la pièce d’à côté alors que la durée maximale de la détention est de 4 heures. Les jeunes migrants m’ont alors confirmé qu’ils avaient dormi dans cette pièce, fermée à clé. L’un d’eux a d’ailleurs dû dormir à même le sol. C’est donc un lieu de rétention qui ne dit pas son nom. Puis, alors que je regardais à nouveau le registre, je me suis aperçue que l’officier de police avait noté dans la case correspondant à la date de naissance « 01/01/2000 ». J’ai donc demandé pourquoi avoir inscrit cette date si ces jeunes étaient mineurs, ce qui était manifestement le cas, car ils ne devaient pas avoir plus de 15 ans, l’agent m’a alors répondu : « C’est une erreur. Nous allons rectifier. »
Oui, ce qui se passe est très grave. Les policiers inscrivent des dates qui ne correspondent à rien. Cela traduit une volonté de ne pas garder les mineurs sur le territoire et de les faire passer pour majeurs afin de les renvoyer aux autorités italiennes sans risquer le refus de ces dernières. Si je n’avais pas été là, ces jeunes auraient été déboutés. Sur place, les associations présentes, italiennes comme françaises, m’ont confirmé que ce genre de procédé était courant. Mais les jeunes qui sont reconduits à la frontière tentent de repasser dès le lendemain soit par les sentiers de randonnée, soit en reprenant le train. C’est un cycle permanent. Les agents de police m’ont eux-mêmes confirmé l’absurdité de cette situation.