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Bernard Bensaid : « Nous sommes un acteur à fort impact social et solidaire »

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Discret mais omniprésent. Le groupe DocteGestio fait peu parler de lui mais a une stratégie de croissance forte qui l’amène à contrôler 46 établissements médico-sociaux dont 21 EHPAD. L’originalité de ce groupe atypique est d’être diversifié dans la santé, l’hôtellerie, l’immobilier et l’innovation technologique, de reprendre des établissements en difficulté pour les redresser et de faire cohabiter des structures associatives et des entreprises commerciales. Il fonde sa réussite sur les synergies entre ces différents métiers et sur le numérique. Quelles sont ses recettes, ses objectifs, son modèle économique ? Pour la première fois, le président fondateur du groupe s’explique.
Vous avez récemment recruté deux « pointures », issues du secteur sanitaire et social, Guy Fontaine et Johan Girard, auxquels s’ajoute Agnès de Vigan, directrice générale en charge du contrôle et de l’amélioration de la performance. Que signifie ce renforcement de la structure ? Un recentrage sur la santé et le médico-social au détriment de l’hôtellerie et l’immobilier ou, à l’inverse une volonté de développer les synergies entre ces quatre univers ?

Au bout de huit ans de croissance à deux chiffres, nous ressentions le besoin d’étoffer le management pour harmoniser les pratiques au sein des métiers du groupe, en structurer les fonctions et, effectivement, identifier et déployer toutes les synergies possibles entre nos métiers qui nous mettent en contact avec plus d’un million de Français.

Le recrutement de Guy Fontaine et de Johan Girard participe de cette volonté d’harmonisation, de consolidation et de multiplication des synergies transversales.

Le positionnement du groupe sur ses cinq métiers en fait un acteur économique et social unique en son genre. Les projets transversaux qu’ils permettent sont nombreux et font déjà entrer le groupe dans une nouvelle phase, passionnante, de son développement.

Par exemple, la conjugaison de notre métier de professionnels de l’hôtellerie avec celui de professionnels de la santé a été identifiée par les plus grands promoteurs immobiliers de France avec qui nous portons plusieurs projets d’hôtels hospitaliers. Nous sommes ainsi au cœur du virage ambulatoire décidé par les politiques publiques de santé.

Cette phase « synergétique » est nouvelle pour le groupe qui s’est fondé jusqu’ici, et qui continue à le faire, sur la reprise et le redressement de modèles économiques défaillants. Il faut savoir que, dans le seul secteur social et médico-social, il y a une faillite par mois. On a ainsi sauvé 90 services et 50 établissements.

Vous êtes une sorte de Bernard Tapie du secteur social avec cette série de reprises d’établissements en difficulté comme le faisait l’homme d’affaires dans les années 1980 ?

Non, Bernard Tapie reprenait des entreprises pour en tirer un maximum de profit et les céder. Nous sommes dans une logique de développement. Les projets de création pour lesquels nous sommes sollicités permettent de dégager des marges nouvelles au niveau du groupe pour continuer à reprendre des établissements et services en difficulté dans les secteurs du médico-social et de la santé comme de l’immobilier et de l’hôtellerie, mais aussi pour continuer à financer des start-up innovantes.

Votre objectif est-il de dépasser les deux grands du secteur que sont Korian et Orpéa ?

Notre modèle est unique. Nous ne nous comparons pas. La construction d’un modèle différent passe évidemment pas l’analyse des modèles existants, des raisons de leur défaillance ou de leur succès.

Les groupes que vous citez sont des groupes privés commerciaux d’EHPAD qui réalisent désormais l’essentiel de leur activité à l’étranger. Lorsqu’ils sont diversifiés, c’est autour des cliniques et parfois des services à domicile.

Au sein du groupe DocteGestio, les marques sanitaires (Doctocare) et médico-sociales (Amapa) peuvent préserver le statut associatif ou mutualiste de l’activité : plusieurs n’ont pas d’actionnaires et les éventuels excédents sont réinvestis soit dans des activités déficitaires, soit dans la reprise de nouvelles structures, soit dans leur développement et non pas dans la rémunération d’actionnaires. Nous sommes un acteur à très fort impact social et solidaire.

Le groupe DocteGestio exerce son activité aujourd’hui exclusivement au cœur des territoires où nous essayons de préserver et de développer les emplois de proximité dans les métiers qui sont les nôtres, de l’hôtellerie, de l’immobilier, du médico-social et de la santé. Nous le faisons en reprenant des associations ou des entreprises gestionnaires qui sont en difficulté, en redressement judiciaire. Nous sommes parfois les seuls repreneurs déclarés : sans nous, nombre d’emplois auraient été détruits. Notre modèle économique repose sur une mutualisation des fonctions support et sur des synergies au sein d’un Groupe d’économie collaborative. C’est la raison pour laquelle nous voudrions inviter les associations, les mutuelles et les entreprises gestionnaires de SAAD, SSIAD, EHPAD, résidences autonomie, résidences services seniors, cliniques, centres de santé… à ne pas rester isolés et à ne pas attendre d’être au bord de la liquidation mais à nous rejoindre pour envisager plus sereinement l’avenir, ensemble. Chez nous, l’un des objectifs de la mutualisation des fonctions support est de permettre aux professionnels d’intervention, d’accompagnement, de se concentrer sur leur métier, l’organisation des prestations et l’amélioration constante de leur qualité. Un médecin doit avant tout pouvoir soigner et, pour cela, consacrer le moins de temps possible aux tâches administratives.

Nous ne cherchons donc à dépasser personne. Nous traçons notre voie, qui est originale et, comme tout ce qui est un peu différent, disruptif, peut susciter des craintes.

Nous avons, il est vrai, un objectif très clair, sur lequel repose la pérennité à long terme de notre modèle : celui d’atteindre 1 milliard de chiffre d’affaires, contre 360 millions aujourd’hui. Au rythme actuel, cela sera fait à l’horizon 2022-2023, c’est-à-dire dans moins de cinq ans.

Quelle est votre analyse de l’évolution de la prise en charge des personnes âgées ? Certains estiment que l’EHPAD, c’est fini et que l’avenir est au domicile ou aux résidences autonomie. Etes-vous sur cette ligne ?

La volonté des Français est claire : nous souhaitons tous nous maintenir chez nous aussi longtemps que possible et, pourquoi pas, le moment venu, nous endormir paisiblement un soir et ne pas nous réveiller le lendemain.

Si la vie n’est pas toujours simple, la fin de vie, malheureusement, ne l’est pas toujours non plus. Elle est même parfois très compliquée pour la personne âgée, comme pour son entourage, au point que le maintien à domicile n’est plus possible, même entourée de ses proches et soutenue par des professionnels formés et dévoués.

C’est la raison pour laquelle les résidences médicalisées existent, tout simplement parce qu’elles répondent à un besoin. Comme répondent à un autre besoin les résidences autonomies, pour personnes âgées autonomes ayant de faibles revenus, ou les résidences services seniors qui n’ont pas la même vocation « sociale » mais s’adressent aussi à des seniors qui ne veulent plus rester isolés, même s’ils sont en bonne santé et qui recherchent un logement autonome au sein d’un ensemble collectif aux services dédiés.

Toutes ces formes de « domicile » existent et sont présentes au sein du groupe DocteGestio. Nous ne les opposons pas, nous savons tout simplement qu’elles répondent à un besoin différent. Nous préférons parler de filière « autonomie », plutôt que de « parcours », car on ne passe pas systématiquement de son domicile à l’EHPAD en faisant un arrêt par la case résidence autonomie ou résidence services. Il n’y a pas un type de parcours, mais une multitude et DocteGestio entend proposer une réponse adaptée à chacun d’entre eux.

Cette réponse adaptée à de multiples parcours passe par la mise en œuvre de synergies intelligentes.

Par exemple, dans un couple où l’un des conjoints doit demeurer en EHPAD, celui qui est autonome souhaite pouvoir demeurer à proximité tout en gardant son autonomie. C’est pour cela qu’à côté de l’EHPAD de 95 lits que nous construisons dans la ZAC des Sansonnets à Metz, une résidence services seniors de 16 appartements T2-T3 lui sera accolée.

Nous avons même prévu trois appartements pour les familles qui viendront visiter leurs aînés en EHPAD : il ne s’agit plus seulement de leur réserver une table pour déjeuner avec leurs parents, un peu à l’écart des autres résidents, mais de leur permettre de passer du temps avec leurs enfants en visite, en toute intimité.

Nous ne cherchons donc pas à opposer l’établissement au domicile, le sanitaire au médico-social mais, bien au contraire, à penser quelle est la meilleure solution pour les personnes âgées ou handicapées dont nous prenons soin, en fonction de leurs besoins et de leurs attentes, et en intégrant la famille et les proches dans notre réflexion.

Comment se situe DocteGestio dans le mouvement dit de la « silver économie » ?

Le groupe DocteGestio, pense « solution globale ».

La silver économie est donc forcément une composante de la stratégie « autonomie » du groupe qui consiste aujourd’hui à dépasser la notion de parcours pour penser en termes de « filière » et même de « filière intégrée ».

Bientôt nous ne parlerons plus de DocteGestio comme ayant un métier médico-social et un métier sanitaire. Nous parlerons de DocteGestio comme d’un acteur majeur de la filière « autonomie », parce que nous aurons parfaitement imbriqué nos deux métiers et que nous aurons mis en œuvre une synergie parfaite.

Cette filière « autonomie » ne peut pas se construire sans la silver économie. Elle est déjà présente au sein du groupe par le site de e-commerce pasolo.com qui commercialise des produits paramédicaux pour personnes âgées et personnes handicapées. Mais, au-delà de la fourniture de produits, nous allons bientôt mettre en œuvre notre propre LivingLab, sans doute, au sein de l’EHPAD de Metz en construction, pour concevoir nos propres solutions et améliorer encore la qualité de nos prestations et services. Et cela, nous ne pouvons le faire qu’en collaboration, en coconstruction avec les seniors eux-mêmes qui font confiance à nos 51 établissements de santé et 96 établissements et services médico-sociaux.

Pour ce projet de Living Lab, nous lançons d’ailleurs un appel aux collectivités locales, aux entreprises, aux laboratoires de recherche que ce projet intéresse et avec qui nous sommes prêts à étudier les collaborations possibles.

Mettre les nouvelles technologies au service des publics dont il prend soin fait partie de l’ADN du groupe DocteGestio. Il s’agit par exemple, en le digitalisant autant que possible, de fluidifier le parcours de santé de nos patients : cela passe par la digitalisation du parcours usager depuis la prise de rendez-vous jusqu’au dossier patient, mais aussi en milieu hospitalier, jusqu’au dossier médical partagé.

Le groupe DocteGestio sait aussi que l’intelligence artificielle peut être mise au service de l’amélioration de la qualité de nos prestations. Nous annoncerons, le moment venu, l’état de nos recherches sur le sujet et les projets que nous allons mettre en œuvre.

Je suis moi-même un chercheur. Je me considère comme un chef d’entreprise en perpétuel mouvement pour renouveler sans cesse mes idées et l’organisation de mon groupe. Je suis tout aussi curieux des innovations technologiques que des nouvelles organisations sociales. Tout progrès peut être au service de l’humanité, pourvu qu’on l’humanise. Et pour l’humaniser, il faut garder en tête la question éthique, car c’est elle qui donne le sens. C’est essentiel pour aborder l’avenir avec confiance et se prémunir des apprentis sorciers.

Les territoires de DocteGestio

Le groupe DocteGestio est structuré autour de cinq métiers : le médico-social avec 46 SAAD, 19 SSIAD, 21 EHPA/EHPAD(1), la santé avec 51 établissements de santé : cliniques, centres de santé, centres audio, centres optiques, centres dentaires, thermes, l’hôtellerie avec 91 établissements et 7 000 chambres, l’immobilier avec 3 500 investisseurs individuels, 40 millions d’euros de loyers sous gestion, l’innovation avec 3 start-up incubées. DocteGestio emploie plus de 7 000 collaborateurs directement et 1 000 autres « indirectement » avec l’activité d’aide à domicile en mode mandataire, dans 244 établissements en exploitation directe dont 16 établissements supports répartis dans une trentaine de départements français. Le groupe a réalisé en 2017 un chiffre d’affaires de 360 millions d’euros, revendiquant d’être l’une des 200 plus grandes entreprises françaises.

Repères

Une tête bien pleine. Polytechnicien en 1981, titulaire d’un Dea de mathématiques en 1984 et de sciences économiques en 1985, il décroche le diplôme de l’ecole nationale de la statistique et de l’administration économique (eNsae) en 1986, qui est son école d’application, et, en 1988, il devient docteur en sciences économiques avec une thèse sur les « mécanismes d’incitation ». avec sa tête bien pleine, Bernard Bensaid participe à la création du centre de recherche de la banque de France puis devient consultant au Groupe de la recherche opérationnelle du crédit Lyonnais. après avoir occupé plusieurs postes de recherche et d’enseignant, il se lance en 1999 dans l’aventure entrepreneuriale. en 1999, il fonde DirectGestion, le premier administrateur de biens en France sur internet, et développe une foncière généraliste dans les secteurs de l’habitation, du commerce et du bureau. Fort de cette expérience, il décide de se lancer dans la gestion d’hôtels et de résidences. c’est un premier tournant dans son entreprise qui change de nom et de dimension. L’ensemble des activités de son groupe porte, à partir de 2005, le nom de DocteGestio (« gestion savante » en latin).

Notes

(1) SAAD : services d’aide et d’accompagnement à domicile – SSIAD : services de soins infirmiers à domicile – EHPA/EHPAD : établissements d’hébergement pour personnes âgées/dépendantes.

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