Pour Médecins du monde, onze associations et les quelques travailleuses du sexe présentes lors de la présentation, jeudi 12 avril, des résultats de l’enquête menée de juin 2016 à février 2018, la loi de lutte contre le système prostitutionnel est loin d’avoir atteint son objectif.
« Malgré l’intention de protection des personnes affichée par la loi, la majorité des travailleuses du sexe interrogées considèrent que la pénalisation des clients s’avère plus préjudiciable pour elles que l’ancienne mesure de pénalisation du racolage public », souligne le rapport, chapeauté par Hélène Le Bail, chercheuse au CNRS et au CERI.
Avec l’introduction d’amendes de 1 500 €, pouvant aller jusqu’à 3 750 € en cas de récidive, les clients se font plus rares, ce qui pousse les prostituées à travailler plus longtemps et dans des lieux plus isolés. Pour autant, note le rapport, le nombre de prostituées n’a pas diminué. La quasi-totalité des personnes interrogées décrivent une perte de pouvoir dans la relation au client, ce dernier imposant plus souvent ses conditions : baisse des prix et rapports non protégés dans de nombreux cas. 62,9 % des répondants constatent une détérioration de leurs conditions de vie depuis avril 2016 et 78,2 % une baisse de leurs revenus.
Surtout, l’enquête a révélé localement de fortes disparités dans l’application de la loi. La mise en place du « parcours de sortie », dispositif qui permet aux prostituées d’obtenir une aide à la reconversion de 330 € par mois et un titre de séjour de 6 mois reconductible, n’est effective que dans 34 départements. « Les critères de sélection sont très variables selon les départements, créant une inégalité territoriale », fustigent les auteurs du rapport. De fait, seules une cinquantaine de personnes en ont bénéficié en 2017.