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L’asile ne sera plus un long fleuve tranquille

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L’examen en première lecture du projet de loi communément appelé « asile et immigration », entamé le 16 avril au soir, ne devait pas se clôturer par un vote solennel, mais par un vote discret programmé dans la nuit du vendredi 20 au samedi 21 avril. Deux volants de mesures, principalement, font débat depuis la présentation du projet devant le conseil des ministres, en février : la réduction des délais de procédures de demande d’asile à six mois (contre en théorie un maximum de 11 mois et, dans les faits, huit mois) et le renforcement de la lutte contre l’immigration régulière.

Le projet de loi « immigration maîtrisée, asile effectif et intégration réussie » revient en particulier sur la procédure de demande d’asile, notamment en abaissant de 120 à 90 jours la durée maximale d’enregistrement des demandes d’asile. L’intention paraît bonne dans la mesure où le dépôt de la demande d’asile conditionne l’accès aux « conditions matérielles d’accueil » (une couverture maladie, une allocation aux demandeurs d’asile, majorée si le demandeur n’est pas hébergé en centre). Toutefois, l’absence de moyens attribués à cette ambition fait craindre des effets pervers.

Le défenseur des droits l’a encore redit, dans le compte rendu d’une visite effectuée le 12 avril par ses équipes sur le site d’un campement à Paris (voir http://bit.ly/2vlUzo5) : « Les moyens alloués au pré-accueil – notamment la PADA mais surtout le GUDA[1] – sont à ce point sous-dimensionnés qu’ils conduisent à voir se former quotidiennement des files de plus de 200 personnes, stationnant sur le trottoir plusieurs jours et plusieurs nuits pour accéder à leur enregistrement. » Il en va de même dans d’autres communes. Dans ces conditions, dénoncent unanimement les associations de défense des migrants, la réduction du délai de dépôt de la demande n’aura qu’un effet : renvoyer le plus possible de demandeurs vers une procédure accélérée (voir l’interview de Férielle Kati, page 8).

Par ailleurs, le texte vient réduire le délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) de 1 mois à 15 jours. Déjà en vigueur dans le cadre de la procédure accélérée, il n’offre pas, selon les acteurs de l’asile, les garanties d’une bonne préparation. Il prévoit également que la notification du rejet de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puisse se faire « par tous les moyens », une mesure toutefois amendée par la commission des lois afin que l’administration s’assure de la réception de l’information. Dans certains cas (pays dits « sûrs »), le recours auprès de la CNDA ne sera plus suspensif du renvoi hors des frontières. Enfin, la CNDA pourra imposer des audiences vidéo, ce que les avocats du droit d’asile – malgré quelques amendements encadrant ce dispositif – jugent inadapté à la réalité de personnes vulnérables ayant à raconter des récits de vie et parcours migratoires douloureux.

Enfin, le projet de loi entend attribuer à chaque demandeur d’asile une région de résidence sans pour autant y garantir un hébergement. Le refus de cette attribution ou un déplacement hors de cette région sans autorisation préalable de l’Office français de l’immigration et de l’intégration pourra être sanctionné par une interruption des « conditions matérielles d’accueil ». « Il s’agit d’un véritable cantonnement inédit », affirme la Cimade.

Des possibilités d’enfermement renforcées

L’autre cible des critiques est le volet consacré à la lutte contre l’immigration irrégulière, en particulier l’augmentation de la durée légale de rétention à 90 jours (initialement prévue à 135 jours mais revue à la baisse par la commission des lois), contre 45 jours actuellement. Les opposants à cette mesure font valoir que la durée de rétention n’a aucune incidence significative sur le nombre d’expulsions mais qu’elle en a, en revanche, sur l’état de santé physique et mentale des personnes concernées, en particulier des mineurs retenus avec leurs familles. Le projet de loi n’interdit pas en effet leur rétention, malgré les remous au sein de la majorité sur ce sujet, et les nombreux avis (défenseur des droits, contrôleuse générale des lieux de privations de liberté…) en faveur d’une interdiction totale.

Alors qu’elle attendait d’un tel projet qu’il fixe des quotas d’accueil, qu’il réduise les possibilités de regroupement familial – le texte tend à le faciliter dans certains cas – ou encore qu’il facilite les expulsions, la droite parlementaire a dénoncé en ouverture de débat à l’Assemblée des « ambitions bien modestes » et une forme de « laxisme ». Dans la majorité, malgré les menaces d’exclusion, certains députés annonçaient encore en début de semaine qu’ils ne voteraient pas le texte ou s’abstiendraient. Et à gauche, on évoque un projet de loi « inutile et dangereux », dans la même tonalité que les associations qui s’interrogent : un tel projet était-il si urgent alors même qu’il y a un an, la Commission européenne a lancé un processus de réforme du régime d’asile européen commun, auquel le droit français devra s’adapter ?

Notes

(1) Plateforme d’accueil des demandeurs d’asile (PADA), passage obligé pour obtenir un rendez-vous auprès du guichet unique de demande d’asile (GUDA) qui enregistrera officiellement leur demande d’asile.

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