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La police aux frontières sur la sellette

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Les policiers affectés à la frontière franco-italienne falsifieraient-ils l’âge des migrants afin de les faire passer pour majeurs et ainsi les renvoyer en Italie ? Une accusation grave portées par des associations. Démenties par la préfecture, en partie confirmées par des députés européens, ces pratiques sont-elles avérées ? La Commission européenne est saisie. Enquête.

La police française bafoue-t-elle la Convention internationale des droits de l’enfant à la frontière franco-italienne ? Un article du Guardian publié le 12 avril et qui relayait une lettre de sept associations italiennes d’aide aux migrants a mis le feu aux poudres. Les organisations non gouvernementales (ONG) ont mis en cause les pratiques de la police qui modifierait les dates de naissance indiquées sur les « refus d’entrée »(1) de migrants, les faisant ainsi passer de mineurs présumés à majeurs.

Des « falsifications » qui se dérouleraient dans les locaux de la police aux frontières (PAF) de Menton dans les Alpes-Maritimes, point de passage entre la France et l’Italie. Jointes à cette lettre, des photos prises par les jeunes interpellés montrent des dates de naissance qui semblent avoir été raturées ou grossièrement modifiées. La Commission européenne et le ministère de l’Intérieur italien ont été alertés.

« La police française exerce un refus de minorité aux jeunes migrants pour empêcher leur passage », dénonce Daniela Ziterosa, d’Intersos, l’une des associations transalpines signataires. Cette juriste dit avoir constaté à plusieurs reprises le procédé lors de missions d’observations coordonnées par des ONG italiennes et françaises.

Le refus de minorité devenu monnaie courante ?

Egalement observées par des avocats et plusieurs élus (voir notre interview page 19), ces pratiques seraient devenues monnaie courante depuis la fin du mois de février. Le 23 février, le tribunal administratif de Nice a en effet contesté le refus d’entrée en France de 19 mineurs africains non accompagnés qui s’étaient vu remettre un formulaire disant qu’ils voulaient repartir, sans accès à un interprète, ni saisine du procureur de la République, ni possibilité de demander l’asile. Un revers judiciaire pour la préfecture des Alpes-Maritimes, qui aurait poussé les forces de l’ordre à changer de « stratégie » pour empêcher l’entrée de mineurs sur le territoire.

« Avant, les mineurs étaient directement renvoyés par le train dans l’autre sens, ce qui est évidemment illégal. Mais après la décision du tribunal de Nice, cette méthode est devenue trop flagrante », rembobine Anita Bouix, avocate au barreau de Toulouse. « Les mineurs qui arrivent par le train sont sortis de la rame par les CRS qui notent la date de naissance indiquée par les migrants qui sont ensuite amenés à la PAF française de Pont-Saint-Louis. C’est à ce moment qu’une autre date est indiquée afin de les rendre majeurs », détaille l’avocate. Ainsi, des jeunes déclarant être nés en 2001 gagnent souvent une année en quelques minutes. Dans certains cas, des CRS signeraient eux-mêmes ces documents sur le parking de la gare bien que seule la police aux frontières soit habilitée à le faire.

Mais ces violations présumées sont pourtant bien difficiles à prouver. Les migrants ne reçoivent qu’une photocopie de ce « refus d’entrée », qui est ensuite conservée par les policiers italiens. Et même s’ils parvenaient à la garder, il faudrait qu’ils portent plainte contre l’Etat français.

La préfecture dénonce des accusations révoltantes

Des attaques que dément avec force la préfecture des Alpes-Maritimes en charge de la supervision du travail des policiers à la frontière. « Les policiers se contentent de reporter ce qu’on leur donne. Ces accusations sont totalement révoltantes », se défend Jean-Gabriel Delacroy, chef de cabinet de Georges-François Leclerc, préfet des Alpes-Maritimes. En 2017, selon la préfecture, environ 800 mineurs ont été pris en charge par le conseil départemental des Alpes-Maritimes.

De leur côté, les ONG françaises restent pour le moment prudentes quant à la démarche judiciaire à entamer face à ce qui s’apparenterait à une « écriture en faux commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ». Un délit punit de 15 ans de réclusion criminelle et de 225 000 € d’amende par le code pénal.

Notes

(1) Document qui notifie l’interdiction d’entrée sur le territoire délivré par la police aux frontières.

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