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La désunion européenne

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En matière d’immigration et d’asile, il n’y a pas de position européenne. Chaque Etat a sa propre logique, souvent dictée par des considérations de politique intérieure.

En 2016, 710 000 personnes ont bénéficié d’une protection internationale accordée par l’un des pays membres de l’Union européenne (UE). C’est plus du double de l’année précédente. Et, ce n’est rien. En effet, à en croire les prévisions à long terme, il pourrait y avoir en 2050 jusqu’à 250 millions de réfugiés climatiques. Face à ce tsunami migratoire, le droit d’asile en Europe n’est pas assez harmonisé pour permettre une répartition équitable des réfugiés.

« Au début des années 2000, les Etats membres se sont mis d’accord sur des normes minimales d’accueil », détaille Violaine Carrère, chargée d’études au Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI). « A partir de 2008, la deuxième phase d’harmonisation a une préoccupation centrale : accueillir le moins possible. La directive “Accueil”, modifiée en 2013, ouvre la voie à une rétention systématique des demandeurs d’asile, ce qui était dans la lettre de la Convention de Genève inimaginable. Les modifications de la directive “Procédure” en 2013 réduisent les délais de traitement. Or cette accélération, même si l’opinion publique pense souvent qu’elle est dans l’intérêt du demandeur, peut conduire à le priver d’un certain nombre de droits : se faire envoyer des documents par des proches depuis le pays qu’il a fui, consulter les banques de données de la presse… C’est pourtant au cœur du projet de loi discuté cette semaine. »

« Le droit d’asile se confond avec les règles diplomatiques »

Un rapport publié par un collectif d’ONG(1) souligne l’ampleur des écarts de taux de protection par nationalité. Pour l’année 2014, ils varient en fonction de l’Etat membre de 13 % à 100 % pour les Irakiens, de 20 % à 100 % pour les Afghans… La liste des « pays d’origine sûrs », présente dans le droit communautaire mais qui varie considérablement d’un pays à l’autre, explique pour partie ces disparités. « Le droit d’asile se confond ici avec les règles diplomatiques », explique Violaine Carrère. « Il ne faut pas oublier que l’Office français de protection des réfugiés et apatrides [Ofpra] était jusqu’en 2007 placé sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères. Même s’il ne reçoit pas de consignes au sens strict, il y a des discours nationaux qui fonctionnent presque comme des modes, et la communauté nationale s’émeut du sort d’une population : un Syrien, même s’il a un récit flou des persécutions qu’il allègue, a infiniment plus de chances d’obtenir un statut que d’autres. »

« Dublin IV », actuellement en discussion, risque d’être dans la continuité des dispositions actuelles. L’externalisation de l’asile, qui consiste à sous-traiter les demandes d’asile à l’extérieur de l’UE, est déjà en phase de « test » à travers plusieurs projets comme le processus de « Khartoum », ouvrant la possibilité pour des Etats situés entre la Corne de l’Afrique et l’Europe de retenir les personnes en échange d’une assistance technique, ou les hotspots au Niger ou au Tchad, des lieux où « l’OFPRA s’est déjà déplacé pour examiner les besoins de protection », souligne Violaine Carrère. « L’UE met en avant le fait que ça évite les passeurs et les traversées dangereuses, mais avec l’éloignement on prend le risque que les droits fondamentaux et les garanties procédurales soient bafoués. » Autres idées, l’abolition des délais de transfert des « dublinés » entre Etats membres, supprimant leurs possibilités de recours, et l’accès des forces de police nationales au fichier Eurodac. Ou encore définir des quotas de réfugiés au-delà desquels les pays seraient indemnisés. « Cela suppose que tous les pays jouent le jeu », rappelle Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile. « Or les pays de Visegrád ne veulent pas en entendre parler. On ne pourra pas résoudre le problème avec une Union européenne basée seulement sur un espace économique sans prendre en compte l’adhésion à des valeurs. Il faut inventer un modèle à partir des bonnes pratiques de chacun, c’est notre intérêt commun de travailler ensemble à des perspectives d’harmonisation. Est-ce qu’il faut le faire à 27 ? C’est un autre problème… »

Notes

(1) Aida, rapport annuel 2014-2015.

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