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« Ce projet vise à empêcher les demandeurs d’asile d’exercer leurs droits »

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Spécialiste du droit d’asile, Férielle Kati, avocate à Paris, explique que le projet de loi « asile et immigration » va aggraver le parcours administratif et judiciaire déjà difficile des demandeurs d’asile, en réduisant les délais d’instruction et de recours.
Le projet de loi veut accélérer les délais du dépôt de la demande d’asile et celui de la procédure. En quoi cela est-il préjudiciable ?

Un étranger arrivant sur le territoire a actuellement 120 jours pour faire enregistrer sa demande d’asile auprès du guichet unique de demande d’asile. Au-delà de ce délai, sa demande passe en procédure accélérée. Cela signifie des délais d’instruction très courts, un délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile réduit à 15 jours – donc des conditions de préparation mauvaises – et une audience devant un juge unique. Tout cela ne joue pas en faveur de l’exercice des droits fondamentaux des demandeurs d’asile.

Dans les débats, c’est à peine voilé : l’objectif de cette réduction de délai est de démultiplier les procédures accélérées car, en parallèle, aucun moyen n’est prévu pour améliorer le pré-accueil. Aujourd’hui, l’accès à la plateforme d’accueil des demandeurs d’asile, passage obligé pour obtenir un rendez-vous au guichet unique de demande d’asile, est très difficile. A Paris, ce sont des queues jour et nuit et sans certitude d’obtenir le rendez-vous. Et en attendant, le délai court.

Par ailleurs, en réduisant les délais, on renforce la pression sur les institutions, notamment la Cour nationale du droit d’asile. Avec le risque de voir se multiplier les ordonnances de tri, c’est-à-dire des décisions de rejet des recours, prises par le juge sur dossier, sans que le demandeur ait pu se faire entendre.

Vous estimez que le projet de loi va aggraver les difficultés déjà existantes. Quelles sont ces difficultés ?

La précarité des demandeurs d’asile fait obstacle de plein de manières au droit d’asile. Entre 50 % et 60 % d’entre eux vivent en dehors d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile car le dispositif d’hébergement est insuffisant. Ils doivent se débrouiller avec la couverture maladie universelle et l’allocation pour demandeur d’asile (366 € pour une personne seule). Cela signifie qu’ils bénéficient rarement d’un suivi médical et psychologique, et d’un faible accompagnement social, qu’ils vivent pour partie dans la rue. Les organismes de domiciliation postale limitent parfois le relevé du courrier à une fois par semaine. Ils n’ont souvent pas les moyens d’avoir un téléphone portable « moderne », un forfait Internet et un numéro de téléphone permanents.

Tout cela a des conséquences sur leur capacité à réunir correctement les preuves de leurs récits et à répondre aux exigences de la procédure : fournir un certificat médical justifiant leur fragilité, recevoir à temps les notifications et des convocations, communiquer, financer la traduction assermentée des documents d’état civil et judiciaires, mais également un interprète pour ses démarches – l’aide juridictionnelle ne l’inclut pas.

Avec des délais raccourcis, évidemment, tous ces obstacles seront renforcés puisque, dans le même temps, rien n’est prévu dans la loi pour améliorer les conditions matérielles et d’accompagnement des demandeurs d’asile.

Pourtant, l’intitulé du projet de loi, à la sortie de la commission des lois, faisait état d’un « droit d’asile effectif » et d’une « intégration réussie » ?

Je ne vois pas beaucoup de mesures garantissant une bonne intégration du demandeur d’asile. Par exemple, rien n’est encore fait pour mettre en place des cours de langue dès l’arrivée. Aucun effort n’est porté sur l’accompagnement social et médical. Tout dans ce projet de loi vise à empêcher des demandeurs d’asile d’exercer ce qui constitue un droit fondamental. Au fond, on fait peser sur ces personnes par définition vulnérables, qui ont fui un pays où leur vie était menacée, les défaillances liées à un manque de moyens dans un contexte d’augmentation de la demande d’asile.

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