Mais que sont les structures régionales d’appui (SRA) ? Sandrine Buscail, responsable de la coordination des structures de vigilance et d’appui à l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France, définit les SRA comme un « réseau de structures de vigilance et d’appui, créées par la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, qui ont chacune un domaine d’expertise dans les différentes activités de soins, et dont nous sommes partenaires ». Les SRA sont en effet sous l’autorité des ARS et de leurs délégations départementales, dont dépendent pour grande partie leurs financements (qui peuvent être complétés par des dons, des cotisations, des appels à projets…). Ces subventions sont conditionnées au respect d’un cahier des charges que les ARS élaborent avec les SRA.
« Le mécanisme est toujours le même : le pilotage des SRA se fait au niveau régional, détaille Sandrine Buscail. Elles s’appuient sur un programme de travail défini chaque année avec les ARS dans leur domaine d’activité. Les financements versés sont conditionnés par la réussite de ces programmes de manière quantitative et qualitative, on vérifie que les indicateurs ont été suivis en faisant attention à l’adéquation ressources-moyens. »
La SRA, bien que n’ayant pas de pouvoir coercitif à proprement parler, fait cependant figure d’autorité parmi les professionnels du milieu. Un directeur d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), qui a souhaité gardé l’anonymat, confie que « le fait de me rapprocher d’une SRA, face à une opposition des équipes en place concernant une pratique de distribution du médicament, a permis un déblocage de la situation. Cette simple sollicitation a fait entendre raison au personnel qui ne voulait pas respecter les obligations réglementaires. »
Malgré cette aura singulière, la synergie entre SRA et EHPAD n’en est qu’à ses balbutiements, de l’aveu de Sandrine Buscail : « La structure régionale d’appui à la qualité et à la sécurité des prises en charge [Staraqs] a un travail important à faire dans les EHPAD pour aider les professionnels à déclarer les dysfonctionnements qui arrivent dans ce secteur. Elle a une responsabilité importante dans la promotion de la culture du risque, notamment sur la diffusion du “déclarer pour s’améliorer”. »
« La certification des établissements sanitaires, à la suite de la fusion de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux [ANESM] avec la Haute Autorité de santé [HAS], développe des réflexions », poursuit Anne de Saunière, responsable de la cellule politique régionale du médicament et des produits de santé à l’ARS d’Ile-de-France. « On pourrait transposer de manière adaptée le modèle sanitaire aux EHPAD, en modifiant le format de leur évaluation interne. » Les établissements médico-sociaux pourraient ainsi dans les années à venir monter en compétences sur la gestion des risques. « Les SRA ont leur rôle à jouer pour aider les établissements à s’approprier ces démarches d’amélioration », conclut-elle. Une démarche d’amélioration qualitative et de gestion du risque qui constitue le socle des missions de ces structures.
Les SRA ont des missions d’expertise et de gestion du risque très précises. Un arrêté du 19 décembre 2017 fixant le cahier des charges des structures régionales d’appui à la qualité des soins et à la sécurité des patients détaille ces missions ainsi que les publics concernés. Leur objectif est de « promouvoir la culture de la sécurité des patients auprès des professionnels, quels que soient leur lieu et leur mode d’exercice, des secteurs sanitaire et médico-social », afin de coller au mieux à la transversalité du parcours de soins. Ces organismes à but non lucratif apportent donc leur aide aux établissements de santé, aux établissements ou services médico-sociaux (ESMS) ainsi qu’à tous les professionnels de santé, dont ceux qui exercent en ville. Il s’agit en premier lieu d’une expertise et d’un accompagnement médical, technique ou scientifique, pouvant inclure des actions de formation, dans une optique de prévention des risques.
Leur seconde mission est plus délicate. Comme l’indique le décret du 25 novembre 2016 relatif à la déclaration des événements indésirables graves associés à des soins (EIAS), si « un EIAS réalisé lors d’investigations, de traitements, d’actes médicaux à visée esthétique ou d’actions de prévention est un événement inattendu au regard de l’état de santé ou de la pathologie de la personne et dont les conséquences sont le décès, la mise en jeu du pronostic vital, la survenue probable d’un déficit fonctionnel permanent », tout professionnel de santé, représentant légal d’établissement de santé ou de service médico-social, doit déclarer cet événement au directeur de l’ARS grâce à un formulaire en ligne. La requête sera alors traitée par une SRA intervenant en fonction du domaine concerné.
Les SRA ont également des missions complémentaires définies sur la base de risques régionaux, comme l’iatrogénie médicamenteuse(1), identifiés grâce à une cartographie régionale permettant de cibler les zones d’intervention.
Pour accomplir ces missions, les SRA disposent de leurs propres effectifs, à savoir une équipe opérationnelle composée a minima d’un médecin, d’un infirmier et d’un professionnel ayant exercé des fonctions de direction ou d’encadrement dans une structure sanitaire ou un ESMS. Elles s’appuient également sur des « personnes ressources », professionnels en activité qui exercent des missions ponctuelles auprès de la SRA sur leur domaine d’expertise. L’instance de gouvernance doit être « représentative des différents modes d’exercice comprenant des représentants du secteur sanitaire (secteur ambulatoire, établissement de santé public, établissement de santé privé lucratif et non lucratif, président de commission médicale d’établissement), des représentants du secteur médico-social et un ou plusieurs représentants d’associations ayant une activité dans le domaine de la qualité de la santé et de la prise en charge des malades », indique l’arrêté du 19 décembre 2017 fixant le cahier des charges des SRA. Enfin, des personnes relais peuvent être désignées par les établissements afin de communiquer aux SRA les informations ou les besoins des professionnels. Ces référents internes peuvent occuper des postes variées (infirmière, médecin coordonnateur…). « Les SRA sont souvent des reprises d’anciennes structures qui occupaient des fonctions semblables, explique le docteur Estelle Yamani, référente régionale « infections associées aux soins » (IAS). Leur création a permis un élargissement à l’ensemble des secteurs, une organisation coordonnée en réseau avec des missions plus cadrées. »
Il existe trois structures d’appui en Ile-de-France : le centre régional de prévention des infections associées aux soins (CPIAS), l’observatoire des médicaments, des dispositifs médicaux et de l’innovation thérapeutique (Omedit), et la Staraqs. Ce triptyque se décline dans les autres régions, avec certaines spécificités : la Staraqs n’est pas présente partout sous le même nom, « mais les missions sont aujourd’hui les mêmes, car les structures qualité ont pris en charge la sécurité », explique le docteur Henri Bonfait, directeur médical de la Staraqs (voir interview page 22). « Notre structure a deux domaines d’intervention, poursuit-il. L’accompagnement des établissements d’un point de vue méthodologique pour garantir la qualité et la sécurité des prises en charge, ainsi que la gestion et l’analyse des événements indésirables graves. Dès lors qu’un problème survient dans un établissement, l’ensemble des acteurs de la chaîne de soins se réunissent, analysent le dysfonctionnement, essaient de comprendre pourquoi il est survenu, puis mettent en place des plans d’amélioration pour éviter la réitération du problème et pour que la prise en charge s’améliore. »
Les CPIAS, quant à eux, fusionnent les anciens centres de coordination des comités de lutte contre les infections nosocomiales (CCLIN) et les antennes régionales de lutte contre les infections nosocomiales (ARLIN). « Il y a de la gestion à chaud, certaines épidémies, comme les infections respiratoires aiguës et les gastro-entérites, doivent être signalées, détaille Estelle Yamani. L’établissement, une fois l’épidémie déclarée, la signale et indique s’il a besoin d’un appui. Un échange est ensuite réalisé pour identifier le besoin, qui peut aller jusqu’à une intervention sur le terrain s’il n’arrive pas à maîtriser la propagation. » Après la mise en place des mesures adaptées, qui peuvent aller de l’audit à des actions de formation du personnel, un suivi est fait jusqu’à la fin de l’épidémie. Le risque peut aussi être anticipé, explique la référente régionale IAS : « Dans le cadre du risque bactérie hautement résistante émergente [BHRE], un EHPAD dont le résident revient de l’hôpital peut faire appel au CPAIS pour l’aider à mettre en place les éléments nécessaires pour accueillir ce patient. »
Du côté de la prévention, chaque établissement concerné doit mettre en place une démarche d’analyse du risque infectieux. En Ile-de-France, cette démarche est réalisée par des infirmières mobiles, adossées à des établissements de santé et coordonnées par le CPIAS. Les indicateurs sont recueillis au niveau régional et un plan d’action est défini en accord avec les établissements, après adhésion volontaire.
Enfin, l’Omedith apporte son appui et son expertise dans le domaine du médicament et des dispositifs médicaux stériles pour l’ensemble du secteur sanitaire, médico-social et ambulatoire. Sur la gestion à chaud, Anne de Saunière reconnaît que « l’Omedith est très peu sollicité, on fait plus appel à des pharmaciens ou des inspecteurs ». La structure a cependant un rôle clé dans le déploiement de la politique de prévention du risque médicamenteux. « L’Omedith définit des plans d’action et d’amélioration de la prise en charge médicamenteuse dans les EHPAD, de concert avec les structures. Une fois élaborés, la SRA vient accompagner les établissements en leur donnant la méthodologie, en posant les jalons et en évaluant », détaille Anne de Saunière. Un travail d’accompagnement discret mais efficace.
Le décret du 24 août 2016 relatif au portail de signalement des événements sanitaires indésirables indique qu’un site Internet « est mis à disposition du public, des professionnels de santé et des professionnels des secteurs sanitaire et médico-social pour faciliter, promouvoir et recueillir la déclaration » de ces événements. Ils peuvent concerner un acte de soin et ses suites, ainsi que l’exposition à un produit, en milieu naturel ou après un achat. Après avoir indiqué si vous êtes un particulier ou un professionnel, il vous sera demandé de répondre à un rapide questionnaire en indiquant l’origine du problème avant de compléter la demande avec vos informations personnelles.
(1) Terme qui désigne les effets indésirables provoqués par les médicaments.