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Une stratégie nationale qui peine à convaincre

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La stratégie nationale pour l’autisme, dévoilée vendredi 6 avril par le Premier ministre, Edouard Philippe, se veut ambitieuse : elle vise à repérer dès la petite enfance les signes de l’autisme, un trouble neuro-développemental qui toucherait 700 000 personnes en France pour seulement 75 000 cas diagnostiqués. Avec un maître mot : l’inclusion, à l’école, au travail, dans le logement… Un changement de paradigme salué par les associations qui évoquent pourtant de réelles inquiétudes quant à la concrétisation des mesures annoncées. Pire, plusieurs associations dénoncent une « stratégie en trompe-l’œil » qui feint de s’intéresser au sort des adultes, grands oubliés des trois derniers plans.

« C’est à un sursaut que je nous appelle […] Ce sursaut national, auquel je nous convie, il est maintenant arrivé pour l’autisme, et il était temps. » L’appel du Premier ministre, Edouard Philippe, lancé à l’issue de son discours de présentation de la stratégie nationale pour l’autisme(1), vendredi 6 avril, se veut à la mesure du retard accumulé par la France en matière de détection et de prise en charge de l’autisme. Retard que le Premier ministre a souligné, en citant les propos d’une mère de famille : « La fatalité, ça n’est pas d’être autiste, c’est de naître avec un autisme en France. »

Car si, selon les estimations de la Cour des comptes, ce trouble neuro-développemental touche en France environ 700 000 personnes, seuls 75 000 ont pu bénéficier d’un diagnostic. Un écart significatif qui dénote des difficultés de dépistage que rencontre encore la France et du manque criant de prise en charge. En 2014, la France a été condamnée par le Conseil de l’Europe, pour la cinquième fois en dix ans, en raison du manque de scolarisation des enfants autistes. Aujourd’hui, on compte seulement un tiers d’enfants autistes scolarisés en maternelle et les chiffres baissent encore au collège puis au lycée, pour atteindre moins de 1 % de jeunes autistes à l’université. Un parcours de scolarisation particulièrement chaotique qui se répercute ensuite à l’âge adulte : seuls 0,5 % des autistes travaillent en milieu ordinaire, et seuls 11 % disposent d’un logement autonome. Pire, on estime que 90 % des adultes autistes ne sont pas diagnostiqués, beaucoup sont pris en charge en hôpitaux psychiatriques, d’autres se reposent exclusivement sur leur famille.

Face à une telle situation, le gouvernement a décidé non pas d’élaborer un plan « autisme », après les trois derniers qui se sont succédé en dix ans, mais une « stratégie nationale », qui fera intervenir différents ministères : Education nationale, Recherche, Santé, et Handicap. Dotée de 344 millions d’euros sur cinq ans – contre 205 millions pour le plan 2013-2017 –, cette stratégie vise à donner aux enfants et adultes autistes une vie « la plus normale possible » à travers un accent mis sur le dépistage et une prise en charge les plus précoces possibles. Un délégué interministériel sera bientôt nommé par le gouvernement auprès de la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées afin de veiller à la mise en œuvre des mesures annoncées et un comité de suivi dans lequel siégeront les associations de familles devrait se mettre en place dans la foulée. Pilotée par le haut, cette stratégie a néanmoins été conçue, selon Edouard Philippe, de manière « ascendante », à partir de l’expérience des familles et des associations au travers d’une concertation qui aura duré neuf mois.

Mais au regard de ce qui a été présenté vendredi dernier, certaines associations ne cachent pas leur déception. « Après six mois de travail, quand on en voit l’aboutissement, on se demande à quoi ça a servi », tonne Danièle Langloys, présidente d’Autisme France. « Notre expertise est réelle, notre voix devrait vraiment compter. Si on ne veut pas l’écouter, qu’on nous le dise clairement », déclare-t-elle, fustigeant le caractère purement consultatif du comité de suivi qui sera mis en place.

Si les principales mesures concernant les enfants – mise en place d’un forfait de prise en charge en janvier 2019, formation des professionnels de la médecine et de la petite enfance pour mieux détecter les signes d’un retard neuro-développemental, création de 100 postes de professeurs ressources spécialisés – ont été saluées par les associations, celles concernant les adultes sont loin d’avoir convaincu.

Faciliter l’accès au parc social à travers la création de colocations sociales, doubler le nombre d’emplois accompagnés, soutenir les établissements et services d’aide par le travail (ESAT) hors les murs, autant de mesures qui devraient pourtant permettre de soutenir l’inclusion en milieu ordinaire des personnes autistes les plus autonomes. Une manière, pour le gouvernement, de sortir d’une « logique de places » qui a longtemps prévalu en France : seules 1 500 places en établissements – prévues par le dernier plan – seront construites sur le quinquennat. « On ne veut plus ici réfléchir en termes de places, souligne-t-on à Matignon. Il s’agit de penser en termes d’accompagnement, de solutions alternatives de prise en charge. »

« C’est ce qu’on a toujours demandé, explique de son côté Danièle Langloys. Mais il n’en reste pas moins que certains ont des troubles sévères, ne sont toujours pas propres ou ne savent pas manger seuls à l’âge adulte et aucune solution concrète ne leur est proposée. Au cours de ces concertations, les Asperger ont été surreprésentés. Qu’on pense enfin aux personnes autistes qui ont des niveaux de compétences élevés, c’est très bien, mais on en profite pour laisser de côté ceux qui ont besoin d’un accompagnement permanent, or ils représentent l’écrasante majorité des autistes. » Reste que, concernant la mise en œuvre de la stratégie, rien ne semble encore établi. « Nous ne savons pas qui sera nommé par le gouvernement, il n’y a pas de calendrier, pas d’indicateurs de suivi, regrette Danièle Langloys. Nous ne sommes pas, ici, face à un véritable plan. »

Notes

(1) Les principales mesures du plan à retrouver sur notre site www.ash.tm.fr (frama.link/EA0pnsFP).

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