« Une femme effondrée vient me voir, elle est au bord du suicide à cause de son enfant Juan Carlos qui ne parle pas, ne marche pas et s’automutile. » Avec cet exemple extrême, Liliana Mayo, fondatrice du Centro Ann Sullivan del Perú (CASP), une école des familles qui associe professionnels et parents pour une prise en charge de la naissance jusqu’à l’insertion dans le monde professionnel, va démontrer qu’aucune personne atteinte de troubles du spectre autistique n’est une cause perdue. « A 4 ans, Juan Carlos marchait, ne se frappait plus et pouvait communiquer. »
Un changement radical que Liliana Mayo attribue à son entrée dès l’âge de 3 ans au CASP. En continuant avec l’exemple de Juan Carlos, elle dévoile le parcours type au sein de l’école. « Nous cherchons les compétences de l’enfant dès 8 ans ; à 13 ans, il commence son apprentissage en milieu professionnel, qui comprend deux ans de stage. A 16 ans, Juan Carlos avait un emploi assisté. Aujourd’hui, il en a 22 et travaille dans une entreprise internationale ; je ne peux plus le voir au travail car il manie trop de données confidentielles. Durant ces 19 années, sa mère a bénéficié de 3 000 heures de formation, pour lui permettre d’accompagner son fils dans son évolution. »
Une synergie essentielle à l’épanouissement de l’enfant, souligne Myriam Luz Gómez Rivera, une Colombienne diplômée en éducation spécialisée avec un master en troubles du spectre autistique. « Les personnes autistes ont toutes les connaissances nécessaires pour se développer harmonieusement si l’entourage travaille de concert avec une équipe pluridisciplinaire composée d’éducateurs, d’orthophonistes, de psychologues… La prévention et l’intervention précoce garantissent l’inclusion. » Pays signataire de la Convention internationale des personnes handicapées de 2006, la Colombie déploie plusieurs politiques publiques en la matière. Les plans d’intervention, basés sur les droits fondamentaux, sont contextualisés et individualisés, après analyse du contexte familial et des relations avec les autres acteurs qui gravitent autour de l’enfant. Par exemple, l’orthophoniste définit un système de communication spécifique en cas de difficultés dans l’expression, pour remplacer ou améliorer le langage afin de rompre le silence avec la famille. « On constate presque systématiquement l’élimination immédiate des problèmes de comportement après entraînement des parents à l’utilisation du système », conclut la multidiplômée.
Pour l’étape suivante, à savoir l’insertion dans le monde du travail, Liliana Mayo a sa maxime : « Les personnes autistes doivent être embauchées pour leurs qualités, pas par charité. Les entreprises voient qu’ils ne font pas de commérages, ils demandent plus de travail et sont plus fidèles. » Le CASP leur donne en parallèle les outils pour réussir leur inclusion sociale, en leur apprenant à gérer l’alcool, à utiliser un distributeur, les transports publics, le droit de vote…
L’école a eu un succès tel que certains parents font des conférences dans le pays ou à l’étranger pour répandre la bonne parole. Celle-ci a donc dû mettre en place une nouvelle formation, en partenariat avec une compagnie aérienne, pour former les jeunes autistes à voyager par l’intermédiaire d’un simulateur d’aéroport. Une marche de plus vers la vie normale.