Le discours dominant sur la longévité est celui de la crainte. Crainte de la « dépendance », des coûts, une vision d’« assistanat pour tous », à tel point que la « longévité pour tous » est présentée comme un désastre. C’est pour mettre fin à ces jugements négatifs que l’association Old’Up a organisé, jeudi 5 avril, le colloque « Un nouveau regard sur la longévité ». En effet, l’espérance de vie ne cesse d’augmenter en France : les habitants âgés de 65 ans et plus représentaient 18,8 % de la population au 1er janvier 2016, selon l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques). Pourtant, ces personnes âgées se sentent de plus en plus déconsidérées par le reste de la société.
« Il est inquiétant de constater une fracture entre les générations qui se produit dans une sorte d’indifférence généralisée. Ce qui est paradoxal compte tenu de l’évolution démographique actuelle », déplore Claudine Attias, sociologue et directrice de recherche à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV). Et d’ajouter : « Aujourd’hui, il y a une dictature du jeunisme dans les médias. La jeunesse représente la modernité fondée sur la valorisation du changement et la critique de la tradition. La jeunesse devient le modèle à imiter, l’anti-âgisme est à la mode. »
« Dans la société dans laquelle on vit, les droits des personnes âgées sont bafoués. A partir d’un certain âge, elles n’ont plus le droit de conduire, de travailler, d’emprunter… », ajoute Monique Ferry, gériatre et membre de la Société française de la gériatrie et gérontologie (SFGG), qui estime que « la longévité peut être une chance, ce n’est pas de l’assistanat. C’est faux de considérer que les personnes âgées ne sont pas maîtres de leur vieillesse. La vieillesse est une chance et il faut s’en saisir », poursuit-elle avant de regretter que l’on ne parle jamais de « ceux qui vieillissent avec succès, ceux qui sont en pleine possession de leurs moyens même s’ils sont vieux ».
« Quand on parle des personnes âgées dans notre société, on a toujours l’impression qu’elles sont oubliées, mises de côté, insuffisamment valorisées, indique Luc Broussy, président de France Silver Eco et auteur du rapport interministériel sur « L’adaptation de la société au vieillissement de la population » remis au Premier ministre en mars 2013, qui a servi de base à la loi du même nom. Pourtant, elles sont nécessaires. La preuve, aucune association, aucun conseil municipal ne fonctionnerait correctement sans les personnes âgées. Cela montre bien que les seniors ont un rôle à jouer. »
Serge Guérin, sociologue et président du comité scientifique de la Fondation Korian pour le bien vieillir, va encore plus loin : « Si les personnes âgées arrêtaient d’aller chercher leurs petits-enfants à la sortie de l’école (cela représente 23 millions d’heures par semaine tout de même), arrêtaient d’être bénévoles dans des associations, arrêtaient de consommer, arrêtaient d’être des aidants… Bref, si les personnes âgées faisaient grève, le pays serait à l’arrêt. »
Créée en 2008 par le docteur Marie-Françoise Fuchs, médecin et psychanalyste, et animée exclusivement par des bénévoles, l’association Old’Up a pour vocation de donner du sens et de l’utilité à l’allongement de la vie, d’instaurer un vieillissement durable créateur, d’éveiller, d’accompagner la dynamique de cette nouvelle génération, de transformer et de mettre en valeur l’image des vieux par eux-mêmes et dans la société, de faire connaître les résultats des travaux et de devenir experts en matière de vieillissement.