La fusion de la Haute Autorité de santé (HAS) et de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM), ou plus exactement l’absorption de la seconde par la première, peut être considérée comme un simple acte de bonne gestion. Notre dossier-décryptage (pages 22-25) démontre qu’il n’en est rien. Cette opération est même l’amorce d’une révolution copernicienne pour le secteur social et médico-social.
Petite structure, dépourvue de moyens, ayant une faible expertise interne comme externe, l’ANESM est donc mangée par une grosse machine, comme une PME est rachetée par une multinationale. Créée en 2005, la HAS a conquis, au fil du temps, sa respectabilité et sa crédibilité en matière de recommandations de bonnes pratiques, d’évaluation médico-économique des actes et des dispositifs médicaux et d’accréditation des établissements sanitaires en développant des outils et des méthodologies reconnus pour leur pertinence.
Pourquoi l’Etat a-t-il créé une entité aussi puissante ?
La Haute Autorité de santé – qui a pris la suite d’une première agence (l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé [ANAES]) – est une conséquence des grandes crises sanitaires des années 1980-1990 : sang contaminé, vache folle, amiante, Distilbène… qui ont fait prendre conscience que le système de santé était un électron libre. Des médicaments mis sur le marché sur la base d’études faites par les laboratoires demandeurs, des hôpitaux autorisés mais pas accrédités, des médecins sans obligation de formation continue, des dispositifs médicaux non évalués… constituaient le cadre de fonctionnement du secteur de la santé.
Il a fallu ces grands drames – et les crises politiques qui en ont été les conséquences – pour que l’Etat décide de se donner les moyens de garantir la qualité mais aussi – autant que possible – l’efficience du système et des produits de santé. Le dispositif – avec la HAS mais aussi les agences de santé publique et du médicament – n’est pas parfait, et il est toujours possible de passer à travers les mailles du filet, comme l’affaire du Mediator l’a démontré.
Néanmoins, la culture dans le système de santé a profondément changé. Plus personne ne conteste la nécessité d’une structure indépendante qui pilote les acteurs du système et conseille les ministres sur des sujets médico-scientifiques alors que, à l’exception de quelques-uns, comme Agnès Buzyn, ils ne sont pas médecins. C’est cette culture de l’encadrement, du développement institutionnel des bonnes pratiques et de l’évaluation a priori et a posteriori qui va gagner le secteur social et médico-social avec cette intégration de l’ANESM dans la HAS.
A l’heure où il est question de diversification des modes de prise en charge des personnes âgées et de celles en situation de handicap, de création de parcours et de médicalisation de la prise en charge, les acteurs sociaux ont tout à gagner à être accompagnés, conseillés et évalués par une agence forte et respectée.