« Dans le cas de la trisomie 21, le déficit mental est associé à des signes physiques particuliers, souligne Grégoire François-Dainville, directeur général de l’Institut Lejeune (centre médical spécialisé dans la trisomie 21 et les déficiences intellectuelles d’origine génétique). Contrairement à la surdité ou à certaines maladies psychiques, c’est un handicap qui se voit. Vous le portez sur votre visage et donc la question du regard des autres est beaucoup plus forte que pour d’autres syndromes. »
« Avant la médicalisation de la trisomie 21 en France, c’est-à-dire jusque dans les années 1960, la fréquence de la maladie était de 1 sur 700 pendant la grossesse, analyse de son côté Rodolphe Dard, généticien au centre hospitalier intercommunal (CHI) de Poissy-Saint-Germain-en-Laye. Comme le dépistage prénatal n’existait pas, cette fréquence était quasiment la même à la naissance. En revanche, l’espérance de vie n’était pas élevée : plus de la moitié des personnes qui naissaient avec la maladie ne dépassaient pas l’âge de 10 ans. »
Mais depuis les années 1960, la situation a bien évolué. « Désormais, dans les pays occidentaux, grâce à une meilleure prise en charge médicale et aux progrès de la médecine moderne, l’espérance de vie est de 50-60 ans, assure Rodolphe Dard. On considère qu’une personne sur 10 porteuse d’une trisomie 21 vivra au-delà de l’âge de 70 ans. Cette espérance de vie, avec la prise en charge médicale adéquate, tend donc à se rapprocher de celle de la population générale. »
Pour autant, cette augmentation de l’espérance de vie n’est pas sans conséquence : « Désormais les problèmes médicaux ne sont plus liés à la naissance mais au vieillissement, souligne le professeur Dard. Les personnes porteuses d’une trisomie 21 présentent, à partir de 40 ans, les problèmes de santé classiques des personnes âgées de la population générale. Concrètement, elles ont les mêmes problèmes de santé qu’une personne de 70 ans : pneumopathie, infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque, respiratoire ou rénale, cancers… »
Si ces progrès scientifiques sont bien réels, Grégoire François-Dainville y met un bémol : « Ces progrès ne sont pas forcément connus et partagés par tous. Les nouveaux médecins ne sont pas formés à la trisomie 21 et, en cas de grippe, maux de ventre ou autre, cela a pour conséquence de mauvaises prises en charge des personnes porteuses de la trisomie 21. » « C’est pourquoi cette prise en charge doit être régulière, poursuit-il. Il faut prendre du temps avec ces personnes. »
Si d’un point de vue médical, les avancées sont nombreuses, il n’existe pas à ce jour de possibilités de guérir de ce handicap. Un accompagnement au long cours est donc nécessaire. Et s’il existe des centres spécifiquement dédiés à l’accueil des enfants porteurs de la trisomie 21, leur intégration scolaire en milieu ordinaire en école maternelle, voire primaire ou collège, est souvent devenue possible, accompagnée par des soutiens multiples et la présence auprès de l’enfant d’auxiliaires de vie scolaire.
« Aujourd’hui, on est dans une période de grande intégration, inclusion. Il y a de plus en plus de personnes porteuses de la trisomie 21 qui vont à l’école, qui travaillent et ont parfois même un logement autonome, assure Grégoire François-Dainville. Ce qui est compliqué, c’est que les personnes handicapées veulent être comme tout le monde et doivent avoir les mêmes droits que tout le monde mais, en même temps, elles ont des besoins spécifiques. On est donc toujours tiraillé entre les deux. »
L’espérance de vie des personnes porteuses de trisomie 21 est passée, en un demi-siècle, de 30 ans à 65 ans. Ce progrès est accompagné d’un vieillissement accéléré et précoce, de besoins spécifiques de prise en charge et d’accompagnement ainsi que d’un risque accru de développer certaines maladies, parmi lesquelles la maladie d’Alzheimer. « C’est un vrai sujet, car la France est extrêmement en retard sur cette question du vieillissement : il n’y a aucune offre alors même que les adultes porteurs de trisomie 21 et les aidants doivent être convenablement préparés à cette étape de la vie », estime Grégoire François-Dainville, directeur général de l’Institut Lejeune. L’Institut Lejeune a récemment publié un guide « Bien vieillir avec une trisomie 21 » dont les objectifs sont d’« informer, sensibiliser et soutenir les familles et les aidants de personnes âgées porteuses de trisomie 21 ; préparer les familles et les aidants aux pathologies fréquemment rencontrées à l’âge adulte ; fournir des informations précises aux familles et aux aidants afin qu’ils puissent accompagner de façon adaptée et positive la personne adulte porteuse de trisomie 21 tout au long de sa vie et diffuser les bonnes pratiques médicales et éducatives ».