Le président Emmanuel Macron s’était engagé à l’été 2017 à « apporter un toit à toutes celles et ceux qui sont aujourd’hui sans abri ». Le « 3e regard sur le mal-logement en Europe », un rapport établi par la Fondation Abbé-Pierre (FAP) et la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri (Feantsa), démontre que l’urgence de la situation se joue aussi au-delà des frontières. Publié le mercredi 21 mars, le rapport est alarmant : près de 11 millions de ménages européens (sur 220 millions) sont « en privation sévère » de logement, soit une hausse de 4,8 % par rapport à 2014.
Si tous les pays n’ont pas la même définition du sans-abrisme, le rapport met en évidence l’explosion du nombre de personnes sans domicile dans la majorité des pays membres, excepté en Finlande, qui a mis en place une politique volontariste de lutte contre le mal-logement. Bien que « toute comparaison entre pays soit impossible », comme le précise Sarah Coupechoux, chargée de mission à la Fondation Abbé-Pierre, « les hausses des sans-domicile par pays sont spectaculaires ». Entre 2014 et 2016, l’Allemagne a vu le nombre de ses sans-abri bondir de 150 % pour atteindre 860 000 personnes.
De son côté, la France enregistre également un triste record avec une hausse de 17 % des demandes d’hébergement effectuées auprès du 115 entre juin 2016 et 2017, soit 20 845 personnes. Les femmes, les enfants et les 18-24 ans sont les catégories de population les plus fragilisées. L’exemple de l’Irlande illustre ce phénomène grandissant. Pas moins de 3 333 enfants y étaient sans domicile en novembre 2017, soit une hausse de 176 % par rapport à 2014. Par ailleurs, les femmes, souvent chargées des enfants dans les familles monoparentales, mais également plus touchées par les emplois précaires, sont particulièrement vulnérables concernant les expulsions locatives. Les jeunes ont tendance également à se paupériser dans l’ensemble des pays européens. « Les 18-24 ans sont particulièrement touchés par le mal-logement. Les plus pauvres d’entre eux cumulent les difficultés d’emploi combinées à la hausse des prix du logement. Leur situation est de plus en plus critique », alerte Sarah Coupechoux.
Au Danemark, par exemple, les plus précaires des 18-24 ans consacrent jusqu’à 87 % de leurs revenus disponibles pour le logement et sont ceux qui occupent les logements les plus vétustes et les plus surpeuplés.
Alors que les négociations sur le budget de l’Union européenne pour 2020 ont lieu à Strasbourg, les associations craignent que la perte de 12 milliards d’euros, conséquence du Brexit, impacte brutalement les politiques sociales. « Il faut que l’Europe se tourne vers les plus démunis ! On ne peut pas vanter les mérites d’une reprise de croissance alors que le nombre de personnes sans logement explose », plaide Sarah Coupechoux. Selon un récent rapport du Parlement européen, pour permettre la mise en place de vraies orientations, le budget communautaire consacré au mal-logement devrait représenter 1,3 % du produit intérieur brut (PIB) de l’Union quand il atteint aujourd’hui péniblement 1 %.