« Une nouvelle étape franchie dans la criminalisation de l’aide humanitaire en mer. » C’est en ces termes que l’organisation non gouvernementale (ONG) franco-allemande SOS Méditerranée, dédiée au sauvetage des réfugiés, évoque dans un communiqué l’enquête récemment ouverte par le procureur de Catane contre l’ONG espagnole ProActiva du chef d’« association criminelle visant à faciliter l’immigration clandestine ». En cause, le débarquement en Sicile de 218 personnes, que ProActiva avait refusé de livrer aux garde-côtes libyens. Une attitude contraire, selon les magistrats italiens, au code élaboré par l’Italie et signé à contrecœur par la plupart des ONG dédiées aux sauvetage en Méditerranée en août 2017.
« Tout l’hiver, l’Open Arms et l’Aquarius ont été les seuls navires d’ONG à mener des opérations de recherche et de sauvetage en mer en continu, combinant leurs ressources à de multiples reprises afin de sauver des vies sous la coordination du Centre de coordination des secours en mer de Rome, rappelle SOS Méditerranée dans un communiqué. […] La saisie de l’Open Arms et les enquêtes criminelles lancées à l’encontre de ProActiva constituent des développements très préoccupants pour les activités de sauvetage en Méditerranée centrale. » Car depuis peu, parmi les ONG qui patrouillaient en Méditerranée, trois ont cessé leurs activités et deux, avec ProActiva, ont vu leurs bateaux saisis par les autorités italiennes. Aujourd’hui, l’Aquarius reste le seul navire humanitaire à patrouiller en Méditerranée, avec le risque de voir le bilan humain s’alourdir par manque de moyens et de temps.
« L’incertitude règne, souligne Francis Vallat, président de SOS Méditerranée, avec, d’une part, les comportements erratiques des garde-côtes libyens qui interviennent en haute mer – ce qui va à l’encontre du droit international – et, d’autre part, une situation de plus en plus tendue en Italie qui complexifie les débarquements. »
« Nous respectons toutes les dispositions du droit international. Cette criminalisation politique en est d’autant plus insupportable », dénonce-t-il. Si pour le moment, l’Aquarius n’est pas inquiété, l’ONG confie ne pas se sentir « à l’abri ». En France, les poursuites pour « délit de solidarité »(1) tendent en effet à se multiplier. Un avis de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme publié au Journal officiel du 4 juin 2017 appelant à le dépénaliser recense plus d’une douzaine d’affaires, concernant 19 personnes pour les cinq premiers mois de 2017. La dernière en date, Martine Landry, membre d’Amnesty International, venue en aide à deux mineurs isolés, attend son procès, reporté au 11 avril, devant le tribunal correctionnel de Nice.
(1) Ce délit n’existe pas dans les textes, mais fait référence à l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ayant pour origine une ordonnance de 1945, qui punit l’aide au séjour ou à la circulation de toute personne migrante, un texte initialement pensé pour les organisations criminelles mais régulièrement utilisé contre des personnes physiques et des associations.