Un des maux – et peut-être le mal français par excellence – est la multiplication et l’empilement des lois. Le rêve de tout ministre est de voir son nom accolé à vie à une loi et d’en tirer ainsi une gloire éternelle, comme André Malraux ou Simone Veil. Mais tout le monde n’est pas Malraux ou Veil…
Les députés – dont l’absentéisme dans l’hémicycle est un sujet récurrent de débats – ne sont jamais autant heureux que lorsqu’ils peuvent faire des effets de manche en déposant des amendements plus ou moins sérieux à un projet de loi.
Il est vrai que le mauvais exemple vient d’en haut. Les gouvernements abreuvent le Parlement de textes de lois pour que l’opinion soit convaincue qu’ils agissent et prennent en compte ses attentes.
Le champion en la matière a été Nicolas Sarkozy. Pendant sa présidence, dès qu’un fait divers tragique faisait la Une des journaux et l’ouverture des « 20 heures », il se précipitait pour annoncer une loi qui allait régler le problème à l’origine du drame. Combien de lois d’opportunité ont-elles été votées ? Combien ont-elles été réellement appliquées ? Et, surtout, quelle a été leur efficacité ? La délinquance a-t-elle diminué ? Le trafic et la consommation de drogues ont-ils reculé ?
L’inflation législative continue sa course inexorable et touche tous les secteurs.
Sophie Cluzel, la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, doit prochainement présenter une réforme tendant à renforcer l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap. L’intention est louable. Mais avant de sortir l’artillerie législative, ne serait-il pas préférable de faire une évaluation du cadre légal actuel.
Notre événement (pages 6 à 9) et un colloque en début de semaine montrent que la situation dans ce domaine s’améliore, même si tout est loin d’être parfait. La discrimination recule, et surtout les entreprises – contrairement à une idée reçue – préfèrent embaucher des handicapés plutôt que de payer des pénalités en cas de non-respect de la fameuse règle des 6 %.
Le système d’aide à l’accès à l’emploi des handicapés est constitué d’une myriade de dispositifs aux noms et aux acronymes plus ésotériques que les autres.
Et si, avant de faire une loi – qui en créera d’autres –, la secrétaire d’Etat faisait une évaluation et sans doute un peu de ménage nécessaire dans cet enchevêtrement ? De fait, l’empilement des structures et des offices en tout genre est consubstantiel à la multiplication des lois, puisque chacune en instaure de nouveaux sans supprimer les anciens.
Si Sophie Cluzel se lançait dans cette action peu médiatique, elle partirait – si l’on peut dire – avec un handicap, parce que les animateurs de ces dispositifs et autres structures seraient vent debout contre la menace potentielle à l’encontre de ce qui les fait vivre, dans tous les sens du terme.
Tous les ministres étant confrontés à cette réalité, la fatalité de l’inflation législative n’est pas près d’être terrassée.