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Action sociale territorialisée

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Eric Lajarge Administrateur territorial hors classe et chargé d’enseignement à Paris-Dauphine, il travaille pour l’Etat après avoir dirigé de nombreux établissements sanitaires et médico-sociaux ou sociaux, et a été membre d’équipes de direction générale dans deux villes et un département. Ce cahier et son contenu n’engagent que son auteur.

L’action sociale et médico-sociale repose sur une myriade d’acteurs. Bien évidemment les 30 000 établissements sociaux et médico-sociaux, dont la liste est définie par la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale et codifiée à l’article L. 311-1 du code de l’action sociale et des familles, mais aussi sur les collectivités locales, les établissements publics, les agences, ou encore les services déconcentrés de l’Etat et des administrations centrales, placées sous l’autorité du ministre en charge et de son cabinet.

Chacun pour ce qui le concerne agit, impulse une politique gouvernementale ou locale, déploie des moyens, met en œuvre des services pour ses administrés ou accueille, selon l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP)(1), plus de 2,4 millions de personnes et au-delà l’ensemble de personnes prises en charge à leur domicile.

Les établissements sociaux et médico-sociaux, et avec eux l’ensemble des usagers, donc, constituent les éléments centraux d’une organisation, d’un système, où l’Etat et les collectivités locales ont vu leur rôle évoluer au fur et à mesure du développement de la décentralisation et, par la suite, du principe de déconcentration.

C’est cet équilibre entre ces deux acteurs principaux que sont l’Etat et les collectivités locales en matière de conduite de l’action sociale que cet article tente de montrer.

I. L’organisation de l’état

A. Le président de la République, les ministres, les cabinets

En régime semi-présidentiel, ou dans notre système de parlementarisme rationalisé, et depuis l’adoption du quinquennat, tout repose politiquement en France sur l’élection présidentielle.

Acte fondateur de l’impulsion politique pour une durée de 5 ans, l’élection présidentielle revêt des enjeux non perçus par nos concitoyens en matière d’action sociale, au-delà du programme de chaque candidat.

Pouvoir propre du président de la République (article 8 de la Constitution), il nomme le Premier ministre sans aucune consultation. Alors que traditionnellement, celui-ci est issu de la majorité parlementaire, le calendrier électoral (l’élection présidentielle précède les élections législatives) aussi bien que la nouvelle pratique politique du nouveau président de la République ont brouillé les repères traditionnels, avec la conséquence directe de renforcer encore les pouvoirs du président de la République.

Un Président, c’est une impulsion et c’est un gouvernement nommé dans les conditions prévues toujours à l’article 8 de la Constitution.

Celui-ci ressort de plusieurs contingences, au-delà des équilibres politiques dont nous venons de voir que la dernière séquence électorale a profondément modifié les habitudes.

Ainsi, la parité, la recherche de l’équilibre géographique, de l’équilibre entre élus locaux et nationaux et personnalités de la société civile, et bien évidemment les domaines de compétences de chacun des membres du gouvernement constituent des enjeux nouveaux.

A la suite de l’annonce par le secrétaire général de l’Elysée de la composition du gouvernement, c’est la publication de la composition de ce gouvernement au Journal officiel qui va induire des conséquences en termes d’organisation de l’action ministérielle et de conduite des politiques publiques.

Cette composition gouvernementale va se poursuivre par le jeu puissant des décrets d’attribution. Ce sont eux qui fixent le champ d’action de chaque ministre. La séquence de la rédaction des décrets d’attribution, sous la haute autorité du secrétariat général du gouvernement, est l’assurance de hautes luttes de pouvoir et de tractations. Car ce sont eux qui vont préciser le champ de responsabilité de chaque ministre et les administrations dont il ou elle disposera pour conduire cette action.

Les décrets d’attribution vont dans un premier article spécifier le champ d’action de la politique ministérielle, et, dans un second, préciser sur quelles administrations centrales ou déconcentrées le ministre a autorité.

Décret n° 2017-1076 du 24 mai 2017 relatif aux attributions du ministre des solidarités et de la santé (J.O. du 25-05-17)

NOR : SSAX1714802D

ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/ decret/2017/5/24/SSAX1714802D/jo/texte

Alias : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/ 2017/5/24/2017-1076/jo/texte

Le Président de la République,

Sur le rapport du Premier ministre,

Vu le code de la santé publique, notamment ses articles D. 1411-30, D. 1421-1 et D. 1421-2 ;

Vu le décret n° 59-178 du 22 janvier 1959 modifié relatif aux attributions des ministres ;

Vu le décret n° 2000-685 du 21 juillet 2000 modifié relatif à l’organisation de l’administration centrale du ministère de l’emploi et de la solidarité et aux attributions de certains de ses services ;

Vu le décret n° 2008-680 du 9 juillet 2008 modifié portant organisation de l’administration centrale du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;

Vu le décret n° 2010-95 du 25 janvier 2010 relatif à l’administration centrale des ministères chargés des affaires sociales et portant création d’une direction générale de la cohésion sociale ;

Vu le décret n° 2011-931 du 1er août 2011 modifié portant statut particulier du corps de l’inspection générale des affaires sociales ;

Vu le décret n° 2013-727 du 12 août 2013 modifié portant création, organisation et attributions d’un secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales ;

Vu le décret du 15 mai 2017 portant nomination du Premier ministre ;

Vu le décret du 17 mai 2017 relatif à la composition du Gouvernement ;

Le Conseil d’Etat (section sociale) entendu ;

Le conseil des ministres entendu,

Décrète :

Article 1

Le ministre des solidarités et de la santé prépare et met en œuvre la politique du Gouvernement dans les domaines de la solidarité, de la cohésion sociale, de la santé publique et de l’organisation du système de santé.

Sous réserve des compétences du ministre de l’action et des comptes publics, il prépare et met en œuvre la politique du Gouvernement dans le domaine de la protection sociale.

A ce titre :

1° Il prépare et met en œuvre la politique du Gouvernement relative à la famille, à l’enfance, aux personnes âgées et à la dépendance. Il est compétent en matière de professions sociales ;

2° Il est responsable de l’organisation de la prévention et des soins ; il élabore et met en œuvre, en liaison avec les autres ministres compétents, les règles relatives à la politique de protection de la santé contre les divers risques susceptibles de l’affecter ; il est également compétent en matière de professions médicales et paramédicales et de fonction publique hospitalière. Il est compétent en matière de lutte contre la toxicomanie. Il participe, avec les autres ministres compétents, à l’action du Gouvernement en matière de recherche et de promotion de l’innovation dans le domaine de la santé. Il prépare et suit les travaux du comité interministériel pour la santé ;

3° Il prépare et met en œuvre les règles relatives aux régimes et à la gestion des organismes de sécurité sociale ainsi qu’aux organismes complémentaires, en matière d’assurance vieillesse, de prestations familiales et d’assurance maladie et maternité, et, conjointement avec le ministre du travail, en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles. Il est chargé, conjointement avec le ministre de l’action et des comptes publics, de la préparation de la loi de financement de la sécurité sociale et du suivi de son exécution ;

4° Il participe, en lien avec le ministre de la transition écologique et solidaire, à la préparation et à la mise en œuvre de la politique de développement de l’économie sociale et solidaire ;

5° Il élabore et met en œuvre des programmes de lutte contre la pauvreté. Il participe, en lien avec les ministres intéressés, à l’action du Gouvernement en matière de minima sociaux, d’insertion économique et sociale, et d’innovation sociale. Il prépare les travaux du comité interministériel de lutte contre les exclusions et du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

Article 2

I. – Le ministre des solidarités et de la santé a autorité sur :

– la direction générale de la santé ;

– la direction générale de l’offre de soins.

II. – Il a autorité sur la direction générale de la cohésion sociale, conjointement avec le Premier ministre et le ministre de la transition écologique et solidaire.

III. – Il a autorité sur la direction de la sécurité sociale, conjointement avec le ministre de l’action et des comptes publics pour l’exercice par ce dernier de ses fonctions dans le domaine des finances sociales.

IV. – Il a autorité sur la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, conjointement avec le ministre de l’action et des comptes publics et le ministre du travail.

V. – Il a autorité sur la direction générale de la prévention des risques lorsque celle-ci exerce ses compétences en matière de radioprotection, conjointement avec le ministre de la transition écologique et solidaire.

VI. – Il a autorité sur l’inspection générale des affaires sociales, conjointement avec le ministre du travail.

VII. – Il a autorité sur le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales, conjointement avec le ministre du travail.

VIII. – Il dispose de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives. Il dispose, en tant que de besoin, de la direction générale des collectivités locales, de la direction générale des finances publiques, de la direction générale du travail, de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, de la direction générale de l’Institut national de la statistique et des études économiques, de la direction générale du Trésor, de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature, de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle et du Commissariat général à l’égalité des territoires.

Pour ses attributions en matière de retraites, il dispose de la direction du budget.

Article 3

Le Premier ministre, le ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, la ministre des solidarités et de la santé, la ministre du travail et le ministre de l’action et des comptes publics sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l’application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait le 24 mai 2017.

Emmanuel Macron

Par le Président de la République :

Le Premier ministre, Edouard Philippe

La ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn

Le ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot

La ministre du travail, Muriel Pénicaud

Le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin

Quant aux cabinets ministériels, les enjeux de réduction du déficit public, ainsi que les exigences de nos concitoyens en matière de performance de l’action publique ont conduit les présidents de la République et premiers ministres successifs depuis une vingtaine d’années à revoir toujours à la baisse les compositions des gouvernements (les compositions des cabinets, aussi bien que les rémunérations des membres de ces cabinets).

Sur ce sujet, deux parallèles : le décret n° 48-1253 du 28 juillet 1948 portant règlement d’administration publique en ce qui concerne les cabinets ministériels et le décret n° 2017-1063 du 18 mai 2017 relatif aux cabinets ministériels.

Il est important de constater que si cet enjeu a pu jusqu’à une période récente être réglé par le biais d’une circulaire ou d’une instruction (c’est-à-dire fixant des règles de bonnes conduites sans portée juridique – Conseil d’Etat, 29 janvier 1954, Notre-Dame du Kreisker, même si la jurisprudence « Mme Duvignères » du 18 décembre 2002 évoque la notion de griefs dans l’excès de pouvoir par circulaire), tel n’est plus le cas, puisque la fixation de l’organisation des cabinets par voie de décret entraîne une force juridique contraignante pour le gouvernement, au risque de s’exposer à des recours contre des listes de collaborateurs publiées au Journal officiel.

Décret n° 2017-1063 du 18 mai 2017 relatif aux cabinets ministériels (J.O. du 19-05-17)

NOR : PREX1714723D

ELI : Non disponible

Le Président de la République,

Sur le rapport du Premier ministre,

Décrète :

Article 1

Le cabinet d’un ministre ne peut comprendre plus de dix membres.

Le cabinet d’un ministre délégué ne peut comprendre plus de huit membres.

Le cabinet d’un secrétaire d’Etat ne peut comprendre plus de cinq membres.

Article 2

Les nominations des membres des cabinets ministériels sont faites par arrêté ministériel après avoir été soumises au Premier ministre qui s’assure du respect des dispositions de l’article 1er. Cet arrêté, publié au Journal officiel, précise les titres des personnes concernées et l’emploi auquel elles sont appelées au sein du cabinet. Nul ne peut exercer des tâches au sein d’un cabinet ministériel s’il ne figure sur cet arrêté.

Article 3

Nul ne peut être nommé membre d’un cabinet ministériel s’il ne jouit de ses droits civils et politiques.

Article 4

Tout membre d’un cabinet ministériel doit, conformément à l’article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, adresser une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Article 5

Le Premier ministre est responsable de l’application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait le 18 mai 2017.

Emmanuel Macron

Par le Président de la République :

Le Premier ministre, Edouard Philippe

Les cabinets sont donc composés aujourd’hui de 10 membres pour les ministres de plein exercice, et de 5 membres pour les secrétaires d’Etat.

Leur composition varie peu et s’articule autour :

→ d’un directeur de cabinet, véritable collaborateur direct du ministre ;

→ d’un chef de cabinet, gestionnaire de la vie du cabinet (agenda, déplacements, organisation…) ;

→ d’un conseiller parlementaire ;

→ d’un conseiller presse et communication.

Au-delà de la nomination d’une personnalité forte du secteur, le choix du directeur ou de la directrice de cabinet ainsi que des membres du cabinet montre l’impulsion que le ministre entend donner à son action.

B. Le poids des administrations centrales

Occupés par des hauts fonctionnaires, les emplois de direction d’administration centrale sont des emplois qualifiés d’emplois à la discrétion du gouvernement, c’est-à-dire qu’ils relèvent de son pouvoir discrétionnaire défini à l’article 13 de la Constitution. Nommés en conseil des ministres, comme les préfets par exemple, les directeurs d’administration centrale peuvent être révoqués de la même manière. Alors que beaucoup peuvent considérer que leur rôle se limite à des considérations techniques, la diminution du nombre et de ministres et de membres de cabinet a renforcé leur rôle ainsi que celui de leur administration dans le pilotage et la mise en œuvre des politiques publiques.

Nous avons vu plus haut que ce sont les décrets d’attribution qui définissent pour chaque direction l’autorité sous laquelle elle va être placée. Cette autorité s’étend de l’impulsion donnée à cette direction pour le ministre et son cabinet, mais aussi dans toutes les logiques d’organisation et de nomination aux termes de la jurisprudence « Jamart » (Conseil d’Etat, 7 février 1936).

Dans le domaine de l’action sociale et médico-sociale, de nombreuses directions (sans être exhaustif ici) interviennent et avec elles des centaines d’agents, principalement relevant du champ d’action de la ministre des Solidarités et de la Santé :

→ la direction générale de la cohésion sociale ;

→ la direction générale de l’organisation des soins ;

→ la direction de la sécurité sociale ;

→ la direction générale de la santé ;

→ la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.

D’autres directions du ministère de la Cohésion des territoires sont également concernées (direction de la ville et de la cohésion urbaine pour la politique en faveur des quartiers prioritaires, direction DHUP pour les règles liées à l’habitat et la construction, ou la direction des stratégies territoriales pour l’observation sociale). On peut également citer la direction générale des collectivités locales du ministère de l’Intérieur, la direction du budget du ministère de l’Action et des Comptes publics.

Il est ainsi vain de considérer que seul un ministère ou une direction intervient sur le champ de la politique en faveur du secteur social et médico-social, et sur ce champ particulièrement, il n’est que d’observer le nombre de signatures au bas de chaque décret pour imaginer le long travail interministériel qui précède l’adoption d’un texte.

C. L’action des services déconcentrés

Auparavant nommés services extérieurs de l’Etat, et nommés services déconcentrés depuis la loi relative à l’administration territoriale de la République du 6 février 1992 et le décret n° 92-604 du 1er juillet 1992 portant charte de la déconcentration, ce sont les services de l’Etat sur le territoire national et ils sont placés sous l’autorité directe du préfet, à l’exception des services de la justice, des finances et de l’Education nationale. Il en est de même pour les services de santé pilotés par les agences régionales de santé (ARS), même si le préfet de région est le président de la commission exécutive de l’agence.

Juridiquement, déconcentrer l’action de l’Etat, c’est confier un pouvoir à une personne nommée par le pouvoir central (par opposition à la décentralisation dont on verra qu’elle constitue un transfert de compétences à une autorité morale différente et élue).

Ce mouvement de déconcentration s’est accru avec le décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 portant, lui aussi, charte de la déconcentration.

D’une manière très générale, le niveau régional de l’Etat pilote les politiques publiques et donne les impulsions, quand le niveau départemental, lui, met en œuvre et contrôle.

Chaque ministère dispose de son réseau déconcentré, qu’il soit autonome, comme les directions régionales des affaires culturelles, ou partagé, comme c’est le cas, par exemple, des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), ou des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) dont l’action relève à la fois de la ministre des Solidarités et de la Santé, du ministre de la Cohésion des territoires, du ministre de l’Education nationale et ministre de l’Intérieur.

L’organisation de services de l’Etat est fixée par la circulaire du 7 juillet 2008 relative à l’organisation de l’administration départementale de l’Etat. Cette circulaire s’inscrit dans le cadre général de la réforme de l’administration territoriale de l’Etat (RéATE). Elle est complétée par le décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009, relatif aux directions départementales interministérielles (ce sont les directions départementales de la cohésion sociale, de la protection des populations et des territoires).

Concernant spécifiquement l’organisation du secteur jeunesse, sports et cohésion sociale de l’Etat, celui-ci relève également du décret n° 2015-1867 du 30 décembre 2015 relatif à l’organisation et aux compétences de services déconcentrés régionaux de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale.

II. Les collectivités locales

Juridiquement, les collectivités locales inscrites dans la Constitution sont les communes, les départements et les régions. Ces dernières n’ont été jusqu’à un passé récent que des établissements publics, mais n’avaient pas acquis de valeur constitutionnelle.

Il est remarquable de noter que les régions constituent, aux cotés des métropoles et des intercommunalités, les entités les plus structurantes de notre paysage institutionnel français, sans pour autant pour les dernières être inscrites dans notre Constitution. Il est remarquable aussi de noter que ces échelons administratifs ne sont encore pas désignés au suffrage universel direct.

A. Une décentralisation en trois actes

L’acte 1 de la décentralisation est intervenu avec la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.

Cette loi pose les principes fondateurs de cette liberté, avec par exemple la fin du contrôle a priori au profit d’un contrôle de légalité des actes des collectivités locales a posteriori, et une autonomie budgétaire et fiscale (mais encadrée).

Concernant l’action sociale et médico-sociale, cette loi a été complétée par la loi n° 86-17 du 6 janvier 1986 adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences en matière d’aide sociale et de santé, ou encore le décret n° 86-1403 du 31 décembre 1986 relatif à la date et aux conditions de prise en charge par l’Etat et les départements des dépenses de personnel, de fonctionnement et d’équipement des services d’action sociale et de santé placés sous leur autorité.

L’acte 2 a été fixé par la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République (la République devient décentralisée) et la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales qui fixe de nouveaux transferts de compétences vers les collectivités locales, dont par exemple le Fonds de solidarité logement ou le Fonds d’aide aux jeunes.

L’acte 3 de la décentralisation repose sur la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles (MAPTAM). Cette loi crée des métropoles avec de très forts enjeux pour l’action sociale, comme nous l’a montré la prise de compétence de ces sujets par la métropole de Lyon. En effet, cette dernière a pris, sur l’ensemble de son territoire, l’intégralité de la compétence sociale, l’action du conseil départemental ne trouvant dès lors à se déployer que sur les limites du département du Rhône non couvertes par la métropole.

Autre loi à intégrer dans cet acte 3 de la décentralisation : la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe ». Celle-ci a supprimé la clause de compétence générale pour les départements et les régions, créé de nouveaux schémas régionaux dont le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). Elle a également créé les schémas départementaux d’accessibilité des services au public (fort impact pour les personnes prises en charge au titre d’une politique sociale). Enfin, elle a promu le développement des intercommunalités, avec la nécessité d’adopter de nouveaux schémas de développement de l’intercommunalité, et relevé le seuil de population de ces intercommunalités à 15 000 habitants pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, sauf cas spécifiques prévus par la loi.

B. Les transferts de compétences et les transferts financiers

L’action sociale et médico-sociale recouvre quatre grandes compétences : les personnes âgées, les personnes handicapées, l’insertion et les politiques en faveur de l’enfance au titre de la protection (aide sociale à l’enfance et protection maternelle et infantile).

Ces compétences, transférées aux départements par les lois successives de décentralisation, sont inscrites dans les budgets des départements pour un montant de 36 milliards d’euros, se divisant en une dépense essentielle (11 milliards), l’insertion, et trois montants de dépenses similaires pour les autres politiques (8 milliards d’euros).

Ces dépenses sociales ont crû de manière inégalée au cours de la dernière décennie. Deux dépenses ont contribué à générer d’importantes dépenses nouvelles pour les départements : l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), d’une part, et le revenu de solidarité active (RSA), d’autre part.

L’APA se substituant à la prestation spécifique dépendance a, grâce à l’action conjointe de l’Etat et des départements, crû de manière quasi exponentielle durant les premières années de sa mise en œuvre. Cette prestation atteint aujourd’hui un effet de plateau mais ce plateau supérieur à celui anticipé avec 1,2 million de bénéficiaires, contre 800 000 attendus au bout de 5 années de déploiement de l’aide.

Quant au RSA, du fait de la dégradation de la situation économique et de la montée du chômage de longue durée associée à une plus grande précarité de la population, y compris ayant une activité salariée, le nombre de bénéficiaires a lui aussi très fortement augmenté.

Pour faire face à ces nouvelles compétences, les collectivités ont perçu des transferts financiers. En effet, le Conseil constitutionnel, juge de la constitutionnalité des lois, a toujours veillé à ce qu’un transfert de compétence soit accompagné pour la collectivité qui la reçoit d’un transfert financier correspondant au coût pour l’Etat de la compétence transférée à la date du transfert. C’est le principe dit du « coût historique ».

Ce principe du coût historique – « ou nominalisme » – consiste à se conformer à la valeur nominale d’une monnaie, sans tenir compte des variations de son pouvoir d’achat. Ce principe se retrouve dans les instructions budgétaires pour valoriser, par exemple, les actifs immobiliers.

Le Conseil constitutionnel emploie cette notion en veillant ainsi à ce que le coût du transfert soit bien exact à la valeur nominale du transfert, à la date précise du transfert, sans prévoir pour la suite d’évolution en fonction de l’augmentation du coût du transfert (ni de sa baisse d’ailleurs). Ainsi, le revenu minimum d’insertion (RMI) a été transféré à son coût historique, mais son évolution ne fait pas l’objet d’un réajustement de transfert financier de l’Etat, dans le droit fil de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Les transferts financiers de l’Etat vers les collectivités locales sont de trois ordres :

→ les concours de l’Etat, dont principalement les dotations qui représentent schématiquement plus de 50 % des moyens de collectivités ;

→ les dégrèvements et subventions spécifiques versées par les ministères ;

→ les transferts de fiscalité.

Si les collectivités, et au premier rang desquelles pour l’action sociale les départements, ont considéré que le montant des transferts financiers de l’Etat étaient insuffisants, leur action est restée vaine. Le Conseil d’Etat, dans son audience du 6 avril 2011, a renvoyé le dossier devant le Conseil constitutionnel au titre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), et le Conseil constitutionnel (décision n° 2011-144 QPC du 30 juin 2011) a rappelé sa jurisprudence relative aux transferts financiers (il s’agissait dans ce cas d’espèce de transferts liés à la compensation du handicap et de la notion d’extension de compétences).

III. Vers de nouveaux territoires d’action sociale ?

Les lois de décentralisation et les lois relatives à l’action sociale et médico-sociale se sont déployées à l’aune d’une structuration du paysage institutionnel français ancienne, basée sur le triptyque commune-département-région.

On voit bien que ce modèle est bouleversé et attaqué désormais au profit du modèle intercommunalités (ou métropoles-régions-Europe).

Ce passage en cours d’un modèle à l’autre n’a pourtant jamais questionné le déploiement de l’action sociale.

De la même façon, la question de l’élaboration de schémas sociaux par public, ainsi que la loi nous y oblige, ne répond plus du tout aux enjeux posés par l’aménagement, soit urbain soit rural, et la prise en compte des individus et des concitoyens sur leur territoire.

Certains départements ont tenté de contourner cet obstacle comme celui de l’Ardèche, qui, dès 2009, votait un schéma général d’action sociale fixant des grandes lignes communes à l’action sociale pour tous les publics.

Autre modèle, le département de l’Isère, avec son organisation pensée en 2011 par territoires, englobant toutes les politiques détenues par le conseil départemental. Il convient aussi d’observer les avancées sur ce sujet du département de la Meurthe-et-Moselle sans que cette liste soit exhaustive, bien entendu.

Cette question de la prise en compte des territoires est essentielle pour l’avenir du développement de l’action sociale. C’est bien cette prise en compte qui doit être au centre des réflexions à venir.

Cette prise en compte de la notion de territoire doit être observée à l’aune de l’ensemble de techniques juridiques, qui permettent de regrouper des compétences telles que les regroupements de communes sous la forme d’EPCI ou le développement d’intercommunalités sociales mais aussi parfois, sous d’autres formes, plus simples, basées sur la contractualisation et le conventionnement. Ainsi, par exemple, et le Conseil d’Etat vient de le rappeler (Conseil d’Etat du 11 octobre 2017, n° 407347), une collectivité territoriale peut déléguer à une collectivité territoriale relevant d’une autre catégorie ou d’un établissement public intercommunal à fiscalité propre une compétence dont elle est attributaire. Ce faisant, le Conseil d’Etat rappelle les termes de l’article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales.

De nombreuses collectivités ont expérimenté cette méthode pour, par exemple, confier aux centres communaux d’action sociale l’instruction de dossiers de RSA. L’objet est ainsi le conventionnement entre le conseil départemental et le centre communal d’action sociale (établissement public).

Il faut aujourd’hui donner à cette modalité d’action, le contrat, la délégation de gestion, le conventionnement, une intensité plus forte afin de mieux territorialiser l’action sociale et médico-sociale.

Au-delà, la question de la stabilité des financements et si le débat a été tranché juridiquement, la question reste posée de la soutenabilité des dépenses, en particulier par les conseils départementaux. Dans ce registre, la question de la recentralisation du RSA, au-delà de rapprocher cette aide des politiques de l’emploi, démontre que le modèle actuel de financement mais aussi d’animation des politiques sociales doivent évoluer grâce souvent à une meilleure coordination des acteurs. Le sujet des conférences des financeurs est un modèle à explorer.

L’entrée par public est devenue inopérante, et celle par territoire et bassins de vie doit lui être préférée.

De même, la question de la stabilité des crédits et des compensations doit être envisagée et la réponse pourrait être obtenue sur la base de la mise en œuvre de contrats territoriaux d’action sociale. Ils permettraient à l’Etat, aux collectivités locales, aux caisses de sécurité sociales au titre de leur action sociale, de contractualiser avec un territoire (une intercommunalité sociale, par exemple) afin de garantir un niveau de financement stable pendant la durée d’exécution du contrat.

Dans cette optique, ce contrat s’appuiera sur des conventions de délégation de gestion vers cette intercommunalité, seule à même d’assurer cette démarche de proximité entre départements et communes.

Ces contrats sont légion en matière d’investissement ou pour des questions relatives à l’aménagement. Ils peuvent trouver une vraie légitimité en matière d’action sociale.

Bien évidemment, il ne s’agira pas d’agréger le montant des aides versées par les uns ou par les autres, mais aussi d’y intégrer des éléments liés à l’habitat, à l’aménagement de l’espace, aux questions de l’accès aux soins en condensant, dans une réflexion très générale comme celle posée par la silver économie, tous les financements, et en faisant des intercommunalités le fer de lance de la réalisation de ces enjeux.

Notes

(1) « Le secteur médico-social : comprendre pour agir mieux » – ANAP, juillet 2013.

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