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« La filière silver est une économie de la longévité »

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Sociologue, spécialiste des questions de vieillissement, auteur de nombreux ouvrages, Serge Guérin a participé, en 2013, au rapport interministériel sur l’adaptation de la société au vieillissement. Il considère que la silver économie va apporter du développement économique et de l’emploi, essentiellement les services à domicile et les maisons de retraite.
Etre vieux, c’est quoi aujourd’hui ?

Il faut avoir une vision cinématographique plus que photographique. Quelqu’un de 65 ans en 2018 ne ressemble pas du tout à une personne du même âge en 1948. Il a rajeuni de 5 à 20 ans et a devant lui plus d’années à venir. En 1950, l’espérance de vie était de 67 ans et demi. Aujourd’hui, elle est en moyenne de 79 ans pour les hommes et de 83 ans pour les femmes. L’après-midi de la vie est donc plus longue. Et c’est un temps avec de la liberté. Les gens sont en meilleure forme, physiquement, et aussi dans le regard des autres. Ils ont eu des histoires de vie moins régulières. Ce qui fait qu’on ne peut plus penser l’âge avec des lunettes de 1950. Or, on le fait encore beaucoup trop.

Quel est alors le profil actuel des aînés ?

Certains les voient comme des personnes malades, d’autres comme des personnes oisives, inactives et inutiles, plutôt riches. C’est une vision simpliste. Les retraités d’aujourd’hui gagnent en moyenne 1 350 € par mois (1 050 € pour les femmes). Une situation, si on enlève les 18-25 ans, comparable au reste de la population. Mais les écarts sociaux sont très forts, notamment entre ceux qui ont eu le temps de faire fructifier leur patrimoine et ceux qui n’en ont pas. C’est une vision fausse, aussi, que d’imaginer 16 millions de retraités devant la télé. Ils sont acteurs de la société, à travers un fort engagement associatif ou politique – un tiers des maires de nos communes sont retraités. Près de 4 millions de retraités sont aidants bénévoles. Notre société ne tiendrait pas s’il n’y avait autant d’engagement des retraités.

Le vieillissement de la population n’est-il qu’une opportunité économique ?

Pour moi, le vieillissement est d’abord une opportunité éthique, citoyenne et sociale. A mon sens, la prise de conscience de la longévité doit permettre à la société de changer ses manières de réfléchir, de comprendre que la fragilité des personnes âgées est celle de tout le monde : la moitié de la population est touchée par la maladie chronique ou le handicap. Et cette prise de conscience doit permettre d’instaurer une société plus préventive, d’améliorer la situation humaine et aussi économique.

La silver économie se confond souvent avec la gérontechnologie… Est-ce là le potentiel de la silver économie ?

La silver économie est une économie de la longévité, qui cherche à contribuer au bien vieillir. Il est question d’innovations technologiques, certes. Mais le gros de la silver économie, ce sont les services à la personne, les maisons de retraite. Et les innovations qui peuvent s’y diffuser se situent autant sur le terrain de l’organisation que des produits. Les robots peuvent aider, mais il y a beaucoup d’humain. Et il ne s’agit pas forcément de haute technologie. L’accessibilité en matière économique et d’usage est primordiale.

N’y a-t-il pas un certain paradoxe à vanter le potentiel de la silver économie quand on sait les difficultés actuelles à financer la dépendance ?

Il y a une problématique de choix politiques et de moyens. Pourquoi valorise-t-on si peu les actions, importantes et génératrices d’emplois, de ceux qui s’occupent de nos parents ? Au lieu de cela, on nie les plus fragiles. Il y a une vision de la silver économie qui veut que tout le monde soit riche et dépense alors que certains n’ont pas les moyens de financer la maison de retraite. Mais il ne faut pas pour autant opposer l’humain et la technologie. Celle-ci peut permettre de laisser plus de temps au contact, au relationnel.

La silver économie était, hier, le nouvel eldorado. Qu’en est-il réellement ?

On croit dans le totem du chiffre et de la technologie… Oui, la silver économie va apporter du développement économique et de l’emploi. Mais le gros de l’emploi, ce sont les services à domicile et les maisons de retraite qui vont le créer. La silver économie, c’est d’abord de l’humain. Il ne faut pas l’oublier, tout en ayant à l’esprit que des innovations très intéressantes vont se développer.

Quel est l’avenir de la silver économie ?

Le Vieux Continent va mériter son nom, celui d’un continent de vieux. La silver économie va représenter un marché majeur pour l’Europe entière. Mais il sera fait de solutions qui répondront aux besoins. Les autres vont disparaître. A l’Etat de savoir quoi subventionner. Il faut que le bénéfice soit suffisant par rapport à l’investissement. On le voit avec l’explosion de la domotique : le gain d’amélioration de vie n’est pas si simple. On compte le nombre de gens qui accèdent à un produit, mais pas ceux qui arrêtent ce même produit pour des raisons d’accessibilité. Il faut voir si ces produits servent avec les usagers eux-mêmes.

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