Une nouvelle génération de seniors arrive. Baby-boomers soixante-huitards, ils veulent maîtriser leur vieillesse. Plus libres, plus autonomes, ils l’affirment haut et fort : ils ne veulent pas finir en EHPAD contre leur gré. « De nombreux sexagénaires et septuagénaires nous ont fait part de leur volonté de rester dans leur logement, confirme, lors des Assises nationales des EHPAD, Philippe Bataille, sociologue et coauteur du manifeste « Vieillir chez soi ». Il y a une préoccupation morale, une volonté politique de ne pas vouloir répéter les modèles en place. Ils veulent être les acteurs de leur vie. »
« Indiscutablement, les générations ont changé, prolonge Jean-Pierre Aquino, médecin gériatre et secrétaire général de la SFGG (Société française de gériatrie et gérontologie). Les baby-boomers ont l’exigence de ne plus subir ce que les anciens ont pu supporter. Ils ont la volonté farouche de pouvoir bénéficier des progrès techniques. » « Il y a une prise de conscience que l’on peut procéder autrement. La génération qui arrive a fait le constat qu’ils ne sont pas satisfaits de ce qu’ils offrent à leurs parents. Ils n’ont donc pas envie de vivre la même chose. Ils veulent vivre différemment leur vieillesse », estime encore Philippe Bataille.
« Il y a actuellement un foisonnement d’idées pour innover, pour trouver des solutions afin de mieux vivre sa vieillesse, assure Marie-Françoise Fuchs, présidente de l’association Old’Up qui a pour objectif “de donner du sens et de l’utilité à l’allongement de la vie”. Vieillir est un processus durable, on ne devient pas vieux d’un seul coup. Dès lors, nous continuons à vivre des choses intenses même en étant âgé ou très âgé. » Francis Carrier, président de Grey Pride (association de soutien aux seniors LGBT) et bénévole aux Petits frères des Pauvres, dresse un constat « très triste » : « Je vais régulièrement à la rencontre de personnes âgées, que ce soit à domicile ou en institution, il n’y en a pas une seule dont j’aimerais bien avoir la vie. »
« On ne voit pas la personne âgée dans sa globalité mais par morceaux, poursuit-il. Il y a le morceau santé, le morceau famille, le morceau financier… Leur qualité de vie est malheureusement très peu évoquée par les instances. » Et d’estimer encore que « le vieillissement va de pair avec une perte d’identité. On oublie le vécu de la personne âgée, son histoire. On la considère comme un mineur : on ne lui laisse pas décider de sa vie. On parle régulièrement du droit à mourir dans la dignité mais il faut aussi parler du droit à vivre dans la dignité. »