Après la mission « flash » menée en août-septembre par la commission des affaires sociales(1), Monique Iborra (LREM, Haute-Garonne) et Caroline Fiat (LFI, Meurthe-et-Moselle) ont rendu un rapport. « Les effectifs sont insuffisants » dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), ont-elle martelé.
Elles appellent à geler les effets négatifs de la réforme tarifaire pour les établissements perdants, le temps de revoir le dispositif. Pour elles, une mesure drastique s’impose : « Rendre opposable une norme minimale d’encadrement en personnel “au chevet” (aides-soignants et infirmiers) de 60 ETP [équivalent temps plein] pour 100 résidents, dans un délai de quatre ans maximum »… ce qui reviendrait à « doubler » le taux actuel.
Ce calcul repose sur l’idée qu’il faudrait une présence soignante de 1 h 30 par 24 heures pour chaque résident, afin de proposer « un accompagnement individualisé » et « préserver la dignité de la personne », a résumé Caroline Fiat, qui était elle-même aide-soignante en EHPAD jusqu’aux dernières élections.
Cette mesure aurait un coût important : « 8 à 10 milliards d’euros » pour l’embauche de 210 000 soignants », a-t-elle poursuivi, tout en assurant que cela remédierait au découragement des professionnels et limiterait le turn-over.
Les députées appellent à réformer d’urgence l’aide sociale à l’hébergement, car de plus en plus de départements, en difficulté financière, réduisent leur effort. Mais aussi parce que beaucoup de résidents renoncent à solliciter cette aide, craignant qu’elle mette leurs proches en difficulté. Les corapporteures proposent d’imposer « un niveau minimum de places habilitées [à l’aide sociale] dans l’ensemble des établissements » et de réviser les contreparties pour les ayants droit.
Pour réduire les restes à charge (d’environ 1 900 € par mois en moyenne avant les éventuelles aides publiques, selon le rapport), elles proposent d’« organiser un transfert de charges » depuis le forfait hébergement (où les dépenses sont acquittées par le résident) vers les forfaits soins et dépendance, financés par l’assurance maladie et les départements.
Monique Iborra reconnaît que « tout cela ne va pas se faire d’un coup de baguette magique »… mais les députées ne disent pas comment financer ces mesures. Elles suggèrent d’« ouvrir un débat national » à ce sujet « en vue d’aboutir d’ici cinq ans ». Reste à savoir si le gouvernement souhaitera lancer de nouveaux débats publics, après ceux organisés en 2011 par Roselyne Bachelot… qui n’avaient abouti à aucune réforme d’ampleur.
Au-delà des questions de moyens, Caroline Fiat et Monique Iborra invitent à « changer de modèle d’EHPAD », proposant en particulier d’« encourager la création d’établissements entièrement dédiés à la prise en charge de la maladie d’Alzheimer ». Il s’agirait de rompre avec le modèle des petites unités fermées, pour s’inspirer d’expériences danoises et hollandaises, mais aussi du vaste Village Alzheimer qui doit ouvrir en 2019 dans les Landes et laissera aux habitants une grande liberté de se déplacer.
Le rapport reprend aussi l’idée, dans l’air du temps, d’un « décloisonnement » entre les EHPAD, les résidences autonomie, l’hébergement temporaire, les structures de répit… rejoignant ainsi les conclusions des Assises des EHPAD (voir pages 6 à 9).
Pour les députées, il faut apporter un soutien financier spécifique aux expérimentations des EHPAD « hors les murs », qui font le lien entre établissement et domicile.
Autre chantier à suivre avec attention : Monique Iborra et Caroline Fiat invitent à repenser la procédure d’évaluation externe des EHPAD « en prévoyant la mise en place d’une véritable certification, et la publication d’indicateurs de qualité pour chaque établissement ».