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« Le recul de la mixité sociale, c’est le recul de la République »

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L’ancienne ministre socialiste chargée des personnes âgées et de l’autonomie, de 2012 à 2014, et conseillère municipale et métropolitaine de Bordeaux, nous donne son éclairage sur la note de la Fondation Jean-Jaurès.
Etes-vous d’accord avec le constat fait par Jérôme Fourquet, selon lequel « les classes favorisées ont fait sécession » ?

Je suis d’accord avec le principe de gentrification des centres-ville, mais je mets en question le titre de cette note, car je pense que la faute est partagée. La sécession n’est pas uniquement le fait des classes favorisées, qui décident de se regrouper entre elles. C’est souvent un mouvement imposé par le prix du foncier et des locations, qui a fortement augmenté. Cette situation tend à faire fuir les classes sociales les moins favorisées. Par exemple, à Bordeaux, que je connais bien, il y a eu une gentrificaton du centre-ville. Concrètement, le cœur de ville était populaire avant la réhabilitation, décidée pour pallier la vétusté de nombre de maisons et d’immeubles. De ce fait, les locataires ont été expulsés et relogés le temps de la réhabilitation, mais ils n’ont pas pu revenir, car les loyers avaient trop augmenté. La réhabilitation du centre était justifiée, elle avait un sens, mais les conséquences ne sont pas forcément toujours celles que l’on souhaite.

Qu’est-ce qui vous inquiète le plus dans cette note de la Fondation Jean-Jaurès ?

Je suis particulièrement inquiète au sujet du manque de mixité dans les établissements scolaires. L’entre-soi pour les adultes est fâcheux, c’est idiot et sans intérêt, mais l’entre-soi pour les enfants est catastrophique. De ce point de vue, les ghettos de riches sont pires que ceux des gens de la diversité et des pauvres. Je m’explique : ces enfants n’apprendront pas du tout ce que sera leur vie de demain. C’est une question d’apprentissage des cultures, d’ouverture sur le monde. L’entre-soi éducatif est une authentique catastrophe. Ces enfants ne connaîtront qu’un pan de la société et risquent d’avoir, d’une part, des déboires et, d’autre part, un manque de curiosité, ainsi qu’un comportement inadapté, car ils intègrent des comportements ségrégatifs.

Selon vous, quels sont les remèdes à ce manque de mixité ?

Les deux piliers pour remédier à cette situation sont forcément le logement et l’éducation. Il faut ainsi intégrer des logements sociaux dans les quartiers aisés. Il serait judicieux, par exemple, de comptabiliser le taux de logements sociaux par grands quartiers et non par communes. Cela passe aussi par une volonté politique, avec la mise en place du plafonnement des loyers. Si l’on permet de nouveau l’installation des classes ouvrières dans ces quartiers favorisés, la conséquence directe sera de relancer la mixité dans les écoles, la sectorisation fera son œuvre. Je nuance tout de même ce principe, sachant bien que certaines familles feront le choix du privé, car cela permet de contourner la carte scolaire. Notre cohésion sociale et sociétale en dépend, car le recul de la mixité sociale, c’est aussi le recul de la République. Nous n’arriverons à rien sans unité. Seulement à un rejet, avec, d’un coté, un mouvement vers l’extrême droite et, inversement, une subversion de l’autre.

Ce phénomène de « sécession des classes les plus aisées » peut-il remettre en cause le principe de solidarité ?

Malheureusement, la question se pose, notamment pour les établissements de santé, mais je fais confiance à la ministre de la Santé. Le système est en train de basculer vers le privé, les cliniques ont plus de facilités à survivre que nos hôpitaux. Toutefois, je ne pense pas qu’il faille craindre une américanisation de notre économie, car les citoyens sont très attachés au système de protection sociale. Si cela devait se faire, je serais la première à protester et je ne serais certainement pas la seule. Le mot d’ordre est la vigilance.

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