L’auteur est un trentenaire, avocat de formation qui a rejoint le mouvement Emmaüs en 2016. La Goutte d’Or, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, est peut-être le dernier quartier populaire d’une capitale en voie de « gentrification ». Tom-Louis Teboul y côtoie la pauvreté et même la misère, dans une ville qui ne veut plus les voir. Dans son roman – plus vrai que nature –, les vies déposées dont il est question sont celles de ces sans-domicile fixe, qui survivent tant bien que mal et parfois meurent sur un bout de trottoir, comme ce « capitaine [qui] sourit à Ilmiya, orgueilleux de son professionnalisme. Avec ces trente balles, ils affronteraient la prochaine journée avec une longueur d’avance.
– Bien joué ma vieille, fit-il avec beaucoup d’amour dans les yeux.
Ce furent ses dernières paroles. Ernst s’approcha de la douce rom pour bloquer le vent qui s’invitait partout et Ilmiya se tenait là, protégée du froid assassin, une tranche d’épaule de porc Carrefour City coincée entre les molaires. Elle s’endormit heureuse et fière d’avoir de si formidables copains. »
Les portraits, les récits et les paroles de ces cabossés de la vie et de la ville sont d’une grande force et d’une justesse totale qui font de ce roman un quasi-documentaire. On ne saurait trop en conseiller la lecture à Julien Denormandie, ce jeune ministre qui a eu l’imprudence d’affirmer qu’il n’y avait pas plus de 50 SDF dans Paris. Il est vrai que le cossu quartier des ministères est loin, très loin de la Goutte d’Or.
Vies déposées
Tom-Louis Teboul – Ed. Le Seuil – 19 €