Dans un avis récent, Jacques Toubon pointe l’explosion du nombre d’enfants placés en centre de rétention administrative et la situation bien particulière des mineurs étrangers à Mayotte. Il recommande au gouvernement de mettre la législation en conformité avec la Convention internationale des droits de l’enfant (1989).
En 2012, 99 enfants avaient été placés en rétention sur le sol métropolitain. En 2013 et 2014, ils étaient respectivement 41 et 45. Cette baisse sensible est intervenue après la condamnation de la France devant la Cour européenne des droits de l’Homme en janvier 2012(1). A l’époque, la juridiction avait estimé qu’en plaçant en rétention des mineurs et leurs familles, la France contrevenait, en de nombreux points, à la Convention européenne des droits de l’Homme. Cependant, l’effet dissuasif de ce jugement n’a pas duré. Ainsi, en 2015, 105 enfants ont été placés en centre de rétention administrative (CRA), puis 182 en 2016 et, enfin, 275 l’année dernière.
Cette situation n’est pas acceptable, estime le défenseur des droits dans une décision rendue publique le 22 février 2018(2). Selon lui, l’usage de la rétention « est dicté essentiellement par des considérations administratives selon lesquelles il est plus aisé de reconduire des personnes retenues de façon contrainte que d’organiser leur transfert depuis le lieu de leur assignation à résidence ». Pour procéder à ces rétentions, les autorités s’appuient sur la loi relative au droit des étrangers de 2016 qui, tout en affirmant que la rétention administrative « n’est pas applicable à l’étranger accompagné d’un mineur », fixe des dérogations à ce principe. Et notamment : la possibilité de procéder à la rétention d’étrangers accompagnés de mineur, dans les 48 heures précédant leur départ programmé, au motif que ce placement les préserverait « des contraintes liées aux nécessités de transfert ».
Mais, selon Jacques Toubon, « l’intérêt de l’enfant n’est jamais pris en compte de manière suffisante ». Interpellations de familles au petit matin, passages par le commissariat, escorte policière jusqu’au CRA… « Les enfants se trouvent confrontés à des événements traumatisants, y compris parfois à la violence des interpellations au domicile et à celle de l’embarquement de leurs parents, parfois sous contrainte (parents entravés…) », détaille le défenseur des droits. « Les impératifs ou les contraintes de l’administration priment sur l’intérêt supérieur des enfants, ce qui est contraire à l’article 3-1 de la Convention relative aux droits de l’enfant. » A l’appui de son affirmation, le défenseur des droits expose les résultats de plusieurs études démontrant les effets délétères de la rétention, même de courte durée, sur la santé et le développement physique et psychique des enfants.
Il consacre également une partie de sa décision au cas particulier de Mayotte où, en 2016, 4 285 enfants ont été enfermés en CRA. Au regard des nombreuses saisines qui lui ont été adressées à ce sujet, il apparaît non seulement qu’aucune alternative à l’enfermement n’est organisée sur ce territoire, mais qu’en plus, « pour les seuls besoins des mesures de placement en rétention », des enfants se retrouvent rattachés à des personnes majeures avec lesquelles elles n’ont aucun lien. Jacques Toubon, constatant que les autorités publiques procèdent le plus souvent à ces rattachements sans faire les vérifications nécessaires relatives à l’identité du mineur et de l’adulte, dénonce la « situation particulièrement alarmante » qui est imposée à ces enfants.
En conclusion, il réitère « avec fermeté » son opposition au placement des enfants étrangers en CRA et recommande une évolution rapide de la législation, « conformément à la Convention relative aux droits de l’enfant, pour proscrire dans toutes circonstances le placement de familles avec enfants en centre de rétention administrative ».
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