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Le Conseil d’Etat sort les rames

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La plus haute juridiction administrative semble avoir eu de la peine à trouver des arguments juridiques s’opposant à la loi « immigration-asile ». Selon les magistrats, la plupart des mesures proposées ne posent pas de difficultés conventionnelles ou constitutionnelles, à quelques exceptions près.

Dans le dernier numéro des ASH (daté du 23 février), nous indiquions que, selon nos informations, les réserves du Conseil d’Etat sur le projet de loi « immigration » adopté le 21 février par le Conseil des ministres semblaient plutôt soft. Rendu public, cet avis confirme notre analyse. De fait, il apparaît que c’est plus la forme que le fond qui ennuie le Conseil d’Etat.

C’est le cas sur la question du droit au maintien sur le territoire pendant la demande d’asile. Le gouvernement voulait retirer le caractère suspensif du recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Ce faisant, un étranger pourrait se voir appliquer une mesure d’éloignement. Pour la contester dans l’attente de la décision de la CNDA, le projet de loi prévoit un recours devant le tribunal administratif. Problème : pour le Conseil d’Etat, juridiction suprême de l’ordre administratif, « il n’existe aucun élément quantitatif permettant d’apprécier l’importance du contentieux supplémentaire que cette mesure engendrerait pour les tribunaux administratifs, dont plus d’un tiers des affaires concernent le droit des étrangers ». Les magistrats indiquent également que cette mesure risque d’ajouter un énième « risque de discordance » entre les deux juridictions administratives. Selon le Conseil d’Etat, le tribunal administratif se retrouverait dans une situation où il devra porter une appréciation qui « relève en réalité du juge de l’asile ».

Des simplifications nécessaires

Loin d’être un argument purement juridique, le Conseil d’Etat se porte ici en défenseur de la juridiction administrative dans son ensemble et « recommande instamment » au gouvernement de renoncer à « ces dispositions contraires aux exigences d’une bonne administration de la justice ». En outre, il invite le gouvernement à prévoir un mécanisme de recours qui puisse « remédier à l’absence de procédure adaptée et de moyens adéquats à la CNDA pour statuer en urgence sur une demande de suspension d’un refus d’asile ».

Plus largement, le Conseil d’Etat souhaite que l’exécutif profite de l’habilitation à prendre par ordonnances une réforme du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour « opérer une revue d’ensemble des difficultés de répartition des compétences entre le juge administratif de droit commun et le juge de l’asile, avant d’envisager les simplifications nécessaires ».

La création d’une infraction pénale pour franchissement des frontières en dehors des points de passage est une autre mesure qui a attiré l’attention du Conseil d’Etat. En 2016, la Cour de justice de l’Union européenne avait estimé que l’infraction consistant en une entrée irrégulière sur le territoire national d’un étranger venant d’un autre Etat membre de l’espace Schengen était contraire à une directive européenne(2). En effet, l’étranger qui entre dans le champ de cette infraction doit faire l’objet d’une procédure visant à son éloignement du territoire, et non d’une peine d’emprisonnement, cette peine ayant pour conséquence de retarder la mise en œuvre de la procédure d’éloignement. Le Conseil d’Etat propose au gouvernement, pour la nouvelle infraction, de limiter la peine à une amende.

Les magistrats ont finalement préféré insister sur l’opportunité et la manière de légiférer, regrettant que le projet de loi manque d’un diagnostic d’ensemble. Les parlementaires vont avoir du pain sur la planche.

Notes

(1) Voir ASH n° 3049 du 23-02-18, p. 6.

(2) Précisément, contraire à la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008.

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