Elle manque de familles. L’association France Parrainages, qui organise l’accueil de jeunes migrants au sein de foyers bénévoles, lance un appel. Elle espère recruter une vingtaine de familles en Ile-de-France pour des jeunes réfugiés isolés, âgés de 14 à 17 ans et confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE). Maxime Djeudje, chargé de recruter et d’accompagner les familles bénévoles souhaitant héberger un jeune migrant, prévient : « Tout le monde ne peut pas accueillir un jeune migrant. Je vais vous donner un exemple. Sur la dernière session, entre novembre dernier et le 20 février, 60 personnes sont venues et on n’a recruté que quatre familles. Certains ont les outils, mais tous n’ont pas la possibilité d’apporter un plus. Les jeunes ont aussi besoin d’empathie et de bienveillance. » France Parrainages ne se contente pas d’accueillir les familles, de leur dire « ok » et de leur confier un jeune migrant. Elle mène une véritable enquête pour s’assurer que l’adolescent, parfois en situation psychologique compliquée, puisse trouver un doux foyer où il pourra construire son avenir. « Je viens vérifier que le jeune est intégré pleinement dans l’environnement social et familial. On vérifie le cercle familial élargi du parrain ou de la marraine : sa compagne ou son compagnon, ses enfants, les oncles, tantes, etc. On vérifie aussi ses antécédents judiciaires. »
L’association France Parrainages a du mal à recruter des familles bénévoles, parce qu’elle mise sur leurs qualités humaines. Aujourd’hui, seules 4 % des familles qui se présentent à l’association finissent par accueillir un jeune dans leurs murs. « Nous voulons pouvoir mettre les informations à la disposition des personnes de bonne volonté, raconte Maxime Djeudje. Et puis, permettre à un maximum de familles de se porter volontaires, ça permet d’avoir du choix pour le jeune et de lui donner le meilleur parrain qu’il puisse avoir. Moins on a de gens engagés, moins il y a de meilleur choix possible. » A France Parrainages, on s’interdit le choix par défaut.
Maxime Djeudje a développé, au sein de l’association, des cas pratiques pour accompagner les parrains tout au long de l’accueil et jusqu’à ce que le jeune soit indépendant. « On n’accompagne pas des parents, mais des parrains, insiste-t-il. On va s’assurer qu’ils ne sont pas fragiles et surtout qu’ils ont une capacité à partager des choses. » La décision d’accueillir un jeune migrant n’est pas une mince affaire et ne doit visiblement pas être prise à la légère. D’ailleurs, les obligations vont dans les deux sens. Des modules sont destinés aux jeunes eux-mêmes : « On a créé des sessions sur la citoyenneté, sur le fait de savoir ce que c’est d’être français, rapporte le « sergent recruteur ». Pour nous, c’est une évidence. Mais ça peut l’être beaucoup moins pour des adolescents qui ont fait des milliers de kilomètres pour arriver jusqu’à nous. Certains concepts, comme la laïcité à la française ou l’égalité hommes-femmes, peuvent ne pas être compris par ces jeunes venant d’autres cultures. » France Parrainages leur enseigne donc les connaissances culturelles essentielles qui leur permettent de s’intégrer au mieux. « On doit accompagner tout le processus, de l’entretien du premier jour à la sortie du jeune, par la formation. On explique aussi au jeune qu’il entre dans un contexte familial, et que par conséquent il devra participer aux tâches ménagères. Les familles, elles, oublient parfois que la présence de quelqu’un – qui plus est un adolescent – change profondément leur mode de vie. L’idée, c’est aussi de les accompagner, eux. »
« Pur produit de l’aide sociale à l’enfance », comme il aime lui-même à se définir, Maxime Djeudje veut finalement insister sur l’utilité d’une dualité famille et structure : « Les jeunes que les familles accueillent sont de l’ASE. Si ça se passe mal, il ne va pas se retrouver à la rue. L’idée, c’est aussi de faire en sorte que le jeune soit quelqu’un, qu’il puisse échanger et travailler. »