Recevoir la newsletter

« Je stimule donc je suis »

Article réservé aux abonnés

Psychologue gérontologue spécialisée en neuropsychologie, cofondatrice en 2007 d’Ologi – société intervenant auprès de malades d’Alzheimer – dont elle dirige la recherche et le développement, Magali Audes explique comment la stimulation cognitive peut ralentir l’inexorable progression de la maladie.

« Stimuler sa mémoire », les mots sont lâchés. Pour peu que des troubles cognitifs apparaissent, c’est à grand renfort de rééducation des fonctions cognitives, de rééducation à l’orientation, de stimulation/réhabilitation/remédiation cognitive(1)… que l’on s’intéressera et s’adressera désormais à vous.

Les objectifs de ces approches ?

→ L’optimisation du fonctionnement cognitif en exploitant les capacités préservées. La cognition mécanisée, entraînée, stimulée a remplacé la pensée qui se cherche, se construit dans un long travail d’exploration d’elle-même, du monde et des autres.

→ L’amélioration de l’humeur et du comportement. Exit les troubles, les méandres infinis des caractères, création ininterrompue sans cesse modifiée par la vie, place à l’absence, la re-normalisation des comportements.

→ La préservation de l’autonomie, cette autonomie dans les actes de la vie quotidienne, fondamentale à préserver. Quant à l’autonomie de penser, de décider….

Les effets de ces approches ?

La plupart des effets étudiés se sont inscrits dans une approche médicale ou centrée sur le point de vue du soignant, en évaluant essentiellement ces approches sur des dimensions cliniques, telles que la réduction, voire la disparition des troubles comportementaux, l’amélioration des troubles cognitifs.

Des approches aux effets parfois encourageants mais qui restent controversés, avec peu d’études randomisées, de rares mesures de leur efficacité sur du long terme…

« Une femme de plus de 80 ans, avec une évolution démentielle déjà avancée, vit à domicile avec son conjoint. Elle a des séances régulières d’orthophonie à domicile. Chaque venue de l’orthophoniste déclenche chez elle la même phrase dite plusieurs fois, d’une voix forte et bien articulée : “Laissez-moi vivre ma vie !” »(2).

On ne tient pas compte de l’identité individuelle de la personne quand on s’intéresse seulement à la maladie et à son traitement (médicamenteux ou non), la reléguant alors à un statut d’objet passif. En quoi l’application d’interventions – qui, par un phénomène inexpliqué, deviennent souvent toutes thérapeutiques – maintient l’identité et concourt à l’amélioration du bien-être des personnes présentant des difficultés cognitives ? Or plusieurs études ont souligné l’importance de l’estime de soi pour le bien-être global des personnes atteintes de difficultés cognitives(3).

Mettre l’accent sur les potentiels

On peut rehausser l’identité individuelle des personnes atteintes de telles difficultés cognitives en mettant l’accent sur leurs capacités préservées et leurs compétences, mais également sur le sens qu’elles donnent à leur vie, à leurs activités, sur leur sentiment de bien-être, d’identité, de continuité personnelle, sur leur pouvoir d’agir et de contrôler leur existence, sur leurs relations sociales et leur place dans la société.

Leur permettre d’interagir avec d’autres, d’avoir un rôle social valorisant et de favoriser l’engagement des personnes atteintes de difficultés cognitives au sein même de la société et des structures, qu’elles soient associatives, culturelles, sportives, sont des initiatives que l’on voit petit à petit apparaitre avec notamment le réseau belge ViADem (Ville Amie Démence) qui encourage les villes à s’engager en faveur de l’inclusion des citoyens concernés par la maladie d’Alzheimer ou d’une pathologie apparentée. En France, les « villes amies des aînés » adaptent leurs structures et leurs services a n que les personnes âgées, aux capacités et aux besoins divers, puissent y accéder et y avoir leur place.

Des premiers pas

Comment poursuivre le chemin ? Comment rehausser l’identité individuelle ? Quelle méthodologie à l’estime de soi ? au bien-être ? à l’identité ? Interagir, élargir, proposer, s’adapter.

Interagir et trouver d’autres voies pour accompagner les personnes souffrant de difficultés cognitives : la méthode utilisée ne compte pas en elle-même, elle prend sens dans un contexte relationnel particulier et doit faire sens pour la personne.

Elargir le regard que l’on porte sur les personnes âgées en général, sur les personnes âgées présentant des difficultés cognitives en particulier, en établissant et en maintenant des environnements sociaux agréables.

Elargir notre point de vue et rendre chaque moment de la vie de ces personnes aussi bon que possible, en facilitant leur créativité, leur expression de soi, leur communication, leur compréhension et en rétablissant leur dignité.

Proposer et savoir créer des moments de plaisir et de sens, tant pour la personne aidante que pour la personne aidée, à partir d’instants du quotidien.

Etre guidé et s’adapter à la nécessité de promouvoir des objectifs d’intervention plus directement en lien avec les dimensions d’identité, de qualité de vie et de bien-être, par le respect de leurs choix de vie et des moyens de les atteindre.

Quelles normes ? Quelle évaluation à la qualité de vie et au bien-être des personnes ? Les études explorent le plus souvent les symptômes et les déficits. Encore peu de travaux ont exploré les questions du bien-être, de la joie procurée, du sens donné, de l’enrichissement personnel, en termes de qualité de vie, d’identité, d’expression de soi, de communication. Des évaluations à créer.

« Un homme n’est pas seulement une mémoire : il a une sensibilité, une volonté, des sentiments, une dimension morale – toutes choses dont la neuro­psychologie ne peut parler […]. D’un point de vue neuropsychologique, vous ne pouvez pas grand-chose ; mais sur le plan de l’individuel vous pouvez faire beaucoup »(4). »

Notes

(1) Prise en charge non médicamenteuse de la maladie d’Alzheimer et des troubles apparentés – ANAES (Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé) – Mai 2003.

(2) G. Arfeux-Vaucher, M. Dorange, J.-C. Vidal et al. – « Des mots à dire, des mots à lire » – Gérontologie et société, 2005.

(3) S. Sabat, H. Fath, F. M. Moghaddam et al. – « The Maintenance of Self-Esteem : Lessons from the Culture of Alzheimer’s Sufferers » – Culture and Psychology, 1999. Et W. Thorngate – « Forget Me Not : Some Comments on Self-Esteem among Alzheimer’s Sufferers » – Culture and Psychology, 1999.

(4) A. R. Luria – The Neuropsychology of Memory, 1976.

Vos idées

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur