L’immigration est au cœur du débat politique depuis plus de 30 ans. Election après élection, un nombre de plus en plus important d’électeurs sensibles au discours sur l’invasion migratoire, voire à la thèse complotiste sur le grand remplacement des populations autochtones par une population exogène, ou à l’équation immigration = terrorisme, accordent leurs suffrages à des partis extrémistes prônant la fermeture des frontières. Pourtant, entre l’immigration contrôlée des uns, celle choisie des autres et la politique des quotas de certains, tous les gouvernements ont tenté de convaincre que l’arrivée des étrangers dans notre pays est sous contrôle. Mais rien n’y fait… L’immigration de masse est un thème porteur…
Emmanuel Macron s’attaque à son tour à ce sujet brûlant avec le projet de loi « immigration » que le conseil des ministres du mercredi 21 février a adopté. Les principales dispositions de ce texte – reconduite des déboutés du droit d’asile, réduction des délais de traitement des dossiers de demande d’asile, allongement du temps de rétention administrative – sont extraites de son programme électoral.
L’enjeu de cette loi est très politique. L’objectif du Président est d’éviter le syndrome Merkel. En 2015, en pleine crise des migrants et alors que la Commission européenne s’évertue à définir des quotas de migrants que les Etats de l’UE doivent accueillir, Mutti – comme la surnomment les Allemands – décrète l’ouverture de ses frontières à tous ceux qui fuient les horreurs de leur pays. Les intéressés ont reçu le message 5 sur 5. La Chancelière est alors au faîte de son influence. Elle dirige la 3e puissance économique du monde qui connaît une croissance robuste, un commerce extérieur excédentaire, des finances publiques assainies et une insolente situation de plein emploi. Elle se croit tout permis. Mais il faudra moins de deux ans pour que le mirage migratoire se transforme en boomerang. Dans un pays vieillissant, confronté au péril démographie, les élections de septembre 2017 voient le parti AFD – le FN germanique – entrer en force au Bundestag. Depuis, l’orgueilleuse et stable Allemagne connaît une crise à l’italienne. Angela Merkel n’a pas de majorité et son sort est entre les mains du SPD qui doit décider d’ici au 4 mars de reconduire la grande coalition avec le CDU dont il est sorti… laminé.
C’est pour éviter cet effet boomerang qu’Emmanuel Macron tient tant à cette loi. Il espère que l’équilibre entre la fermeté – non, la France n’est pas une passoire – et l’humanisme – oui, la France prend sa part de la misère du monde – lui sera reconnu.
Il espère rééditer le scénario de l’automne avec les ordonnances sur le travail. Tout le monde lui prédisait un grand mouvement social avec, notamment, 1 million de personnes sur les Champs-Elysées, selon Jean Luc Mélenchon, mais, au final, il n’y eut que quelques manifestations clairsemées.
Si on croit les sondages confidentiels réalisés par le service d’information du gouvernement (SIG) et révélés par Europe 1, le 21 février, 70 % des Français sont favorables à la circulaire « Collomb » sur le contrôle des migrants qui fait tant hurler les associations et même le défenseur des droits. Tout laisse à penser qu’il en sera de même pour le projet de loi « immigration ».
Cette imperméabilité d’Emmanuel Macron, ce côté « téflon » sur lequel rien n’attache, devrait interroger le monde associatif et les représentants de la société civile. Que faire pour réveiller une opinion encore tout étonnée d’elle-même d’avoir été capable de renverser la table aux élections de 2017 ?