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« Vers une déjudiciarisation contrôlée »

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Pilote de la mission sur les maltraitances financières envers les personnes âgées qui vient de rendre son rapport, Alain Koskas, psycho-gérontologue et président de la Fédération internationale des associations de personnes âgées (FIAPA) et de la Fédération 3977, qui gère ce numéro de téléphone d’alerte et d’information, appelle les pouvoirs publics à innover pour prévenir et sanctionner les infractions.
Vous aviez déjà fait, en 2011, des préconisations contre la maltraitance financière dans les établissements. La situation a-t-elle évolué depuis ?

J’avais présidé, à l’époque, une mission auprès du médiateur de la République. Nos propositions ont été prises en compte, en partie, par la loi d’adaptation de la société au vieillissement (ASV) de 2015. Nous avions obtenu par exemple que le mandat de protection future soit publié sur un registre. Mais nous avions aussi demandé, sans succès, qu’il puisse être revisité tous les trois ou cinq ans. Or, réformer ce point est une urgence absolue, car l’individu pressenti pour accomplir le mandat peut décéder, ou perdre la confiance de la personne âgée.

Dans le nouveau rapport, nous insistons de nouveau sur d’autres aspects, comme l’argent de poche en maison de retraite. Il faut arrêter de dire que le moindre centime va être détourné par un résident voisin ou un membre du personnel !

On pourrait concevoir des cartes bancaires spéciales pour retirer de l’argent à une borne au sein de l’établissement. Pour les bénéficiaires de l’aide sociale, il faut rehausser la part réservée à leur argent de poche : les 10 % actuels sont très insuffisants. Ce sujet doit faire l’objet de plus de concertation avant et après l’entrée en institution. L’argent, par exemple les cadeaux aux enfants ou petits-enfants, reste un moyen d’exister pour ces hommes et femmes. Ce sont des éléments de leur citoyenneté et de leur dignité.

Pour faire cesser les maltraitances, vous mettez en garde contre le tout-judiciaire. Sommes-nous prêts à prendre ce virage ?

En France, d’un côté, on est dans le tout-judiciaire, et de l’autre on donne une grande responsabilité aux familles pour gérer les biens de leurs proches, alors qu’elles auraient besoin de beaucoup plus de formation. S’agissant des maltraitances entre personnes proches, une sorte de déjudiciarisation contrôlée serait intéressante. Elle permettrait à des partenaires non magistrats de prendre en compte, comme dans beaucoup de pays étrangers, des situations qui engorgent nos tribunaux, pour faire du « cousu main ». D’où notre proposition de développer l’intervention de médiateurs, ou encore la justice restaurative.

Cela dit, ces solutions ne sont pas adaptées à la maltraitance des réseaux organisés, qui mérite des sanctions bien plus lourdes. Ils se font passer pour des pompiers, des professionnels de santé ou encore des employés de banque pour détourner des sommes importantes, engendrant un stress post-traumatique qui ne s’efface pas. Des gens en sont morts ! La mission estime donc qu’une législation spécifique aux agressions, y compris financières, sur personne âgée vulnérable, devrait probablement voir le jour.

Que peut faire un directeur de maison de retraite ou de service d’aide à domicile ?

Il faut d’abord mener un travail de prévention. Les établissements sont des lieux ouverts… les professionnels doivent donc lutter contre l’introduction de personnes qui, sous couvert de bénévolat ou d’animation, veulent porter des messages sectaires auprès des résidents, par exemple. Mais les choses se jouent le plus souvent en amont, au domicile : des lettres recommandées qui s’accumulent, un amaigrissement car la personne âgée dépense moins pour s’alimenter, la présence de gens qui ne devraient pas y être, ou qui l’accompagnent à la banque… Le problème est le manque de moyens, alors que pour un véritable accompagnement de la vie sociale, il faudrait que les acteurs soient présents sept jours sur sept, avec des horaires cadrés sur la vie « normale ». De plus, les professionnels du domicile travaillent dans une grande solitude et ne savent pas comment et auprès de qui donner l’alerte. Il faut leur assurer que la loi sera de leur côté et qu’ils ne se mettront pas en difficulté s’ils dénoncent un risque de maltraitance financière.

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