« Une peine qui n’a pour but que de punir est inutile », disait Cesare Beccaria, fondateur du droit pénal moderne. On a tendance à l’oublier, mais l’une des fonctions de la sanction pénale, aux côtés de la rétribution (payer pour sa faute) et de l’intimidation (faire peur aux délinquants potentiels), est l’amendement du délinquant. La peine doit contribuer à réadapter, à transformer le délinquant, et sera ainsi profitable à l’ensemble de la société.
Aujourd’hui, c’est la « recondamnation » qui attend les sortants de prison dans les cinq années pour 59 % d’entre eux(1). Le rapport « Travail en prison : préparer (vraiment) l’après »(2) développe une liste de propositions pour faire de l’incarcération un « sas entre une condamnation et une sortie » avec une ambition affichée : briser le cycle de la délinquance.
Le travail, c’est d’abord un salaire. L’Institut Montaigne rappelle que celui-ci aide à lutter contre l’extrême pauvreté en permettant d’acheter des produits de la vie courante, de préparer un pécule pour la sortie et d’indemniser les victimes. Le travail en prison est un droit depuis 1987. Mais, actuellement, un tiers seulement des détenus exerce une activité rémunérée, en raison de l’insuffisance des offres d’emploi, lesquelles sont essentiellement constituées d’activités à la chaîne. Ce qui était conçu comme un outil d’insertion effective est devenu, dans la pratique, un moyen de réguler la détention, en occupant un milieu carcéral désœuvré.
Le travail en prison n’est ni valorisé ni valorisant : la rémunération se fait à la pièce et non sur une base horaire, et se situe entre 20 % et 45 % du SMIC. Autre problème, le travailleur détenu n’a pas de contrat de travail, mais un acte d’engagement professionnel qui prévoit sa mise à disposition à l’administration pénitentiaire (en cas de travail de service général) ou à l’entreprise concessionnaire (en cas de travail dans un atelier). Bien que licite constitutionnellement, cette absence de lien juridique est pour les contributeurs du rapport un facteur de démotivation pour le détenu (pas de droits individuels et collectifs) et d’insécurité pour l’entreprise qui souhaite développer son offre de travail en prison, car elle empêche d’anticiper l’après et de prendre en compte les transferts ou les changements d’activité.
Une des préconisations de l’Institut Montaigne est de mieux intégrer la perspective d’insertion professionnelle au moment d’affecter des détenus dans un établissement pénitentiaire. Pour ce faire, les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) pourraient s’appuyer sur des entreprises spécialisées dans le conseil en orientation scolaire et professionnelle.
Il propose également d’augmenter l’offre de formation en l’adaptant aux besoins spécifiques du bassin d’emploi local, de développer la validation des acquis de l’expérience, de mettre en place des parcours de formation continue dans une optique « dedans-dehors ». Dans cette même veine, l’adaptation du dispositif d’assurance chômage durant la détention permettrait à celui qui sort d’une longue peine de sécuriser un revenu une fois à l’extérieur – de type ARE (allocation d’aide au retour à l’emploi).
Le développement des structures d’insertion par l’activité économique (IAE) est également une piste à explorer pour les contributeurs : sans être soumises aux mêmes impératifs de rentabilité que les entreprises classiques, elles permettent des prestations « personnalisées » pour chaque détenu (formation, accompagnement social…).
Le numérique permettrait non seulement d’améliorer la condition pénitentiaire en facilitant le maintien des liens relationnels du détenu, mais aussi d’acquérir des compétences et d’atténuer le choc de la sortie en anticipant les démarches à l’extérieur. Un exemple cité dans le rapport est particulièrement frappant : une association intervenant dans une prison californienne a décidé de former les détenus au codage et à la conception de sites web pendant six mois, sans que la formation nécessite une quelconque connexion Internet. Elle emploie désormais une partie des diplômés comme développeurs et ingénieurs en logiciels, et les revenus engrangés aident les victimes, soutiennent les familles des détenus et constituent un pécule pour les travailleurs.
Une initiative venue d’outre-Atlantique qui pourrait être une source d’inspiration au pays des droits de l’Homme.
(1) D’après une évaluation de mai 2011 du Cahier d’études pénitentiaires et criminologiques.
(2) Rapport disponible sur