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La faillite de l’Etat

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Le nombre de mineurs étrangers non accompagnés a triplé en cinq ans. Mais les moyens de les prendre en charge n’ont pas suivi, bien au contraire. Un rapport dresse un état des lieux accablant pour les autorités publiques locales comme nationales. Et appelle à une politique harmonisée sur le territoire.

« La France se trouve face à une véritable crise humanitaire », affirme la Convention nationale des associations de protection de l’enfance (CNAPE – fédération d’associations œuvrant pour la protection de l’enfance). Dans un rapport publié récemment, l’association rappelle que le nombre de mineurs étrangers isolés pris en charge dans le cadre de la protection de l’enfance a plus que triplé en cinq ans. Les départements rencontrent des difficultés pour faire face à cet « afflux ininterrompu », constate la CNAPE, qui s’inquiète des dangers que cela fait peser sur l’ensemble du dispositif de protection de l’enfance.

L’Etat doit « se mobiliser pour ne pas laisser les départements gérer seuls cette situation » en même temps, selon elle, qu’une réflexion, actuellement inexistante, doit être menée au niveau national et même européen sur le sujet. « Il existe autant de politiques en direction des mineurs non accompagnés [MNA] qu’il y a de départements », regrette-t-elle. Conséquences : non seulement la réponse faite aux MNA est inéquitable, mais une politique de l’enfance « réservée » aux MNA, aux conditions d’accompagnement dégradées, tend à se développer en marge des politiques de protection « classique » dans un nombre croissant de départements.

A besoin de protection égal, un accompagnement spécifique

Pourtant, insiste la CNAPE, si les besoins de protection sont identiques pour l’ensemble des enfants, les mineurs étrangers isolés nécessitent « des réponses d’accompagnement plus spécifiques, en raison de la particularité de leur parcours ». En matière de santé et de soin, par exemple, le risque de pathologies graves et/ou de troubles psychiques liés au parcours d’exil est plus prégnant. « Des réalités bien particulières », comme la dette aux passeurs, la prostitution, la traite des êtres humains, la majorité cachée, etc., se présentent également. L’accompagnement juridique est « un enjeu central de leur accompagnement » global, mais il reste aujourd’hui insuffisant, constate la CNAPE. Il en va de même pour la scolarité et l’accès à la formation. « Certains MNA n’ont encore jamais été scolarisés », illustre le rapport. « Même s’ils sont francophones », leur scolarisation est très complexe. Quant à la fin de l’obligation de scolarisation à 16 ans, elle empêche beaucoup de jeunes, « pourtant motivés », d’accéder à l’école, regrette la CNAPE. Dans le même temps, l’accès des 16 ans et plus à la formation professionnelle est un « véritable casse-tête », car les difficultés de compréhension de la langue française sont un facteur éliminatoire dans un système de plus en plus sélectif.

Enfin, « le passage à la majorité est un cap particulièrement critique », rappelle la CNAPE. Arrêt brutal de l’accueil et de l’accompagnement éducatif, difficulté à trouver un emploi, manque de ressources, empêchement de poursuivre d’éventuelles études jusqu’au diplôme, isolement social et affectif… sont autant d’éléments qui « insécurisent les jeunes et les rendent vulnérables », d’autant plus qu’ils ne peuvent compter sur aucun soutien de leur famille et que s’ajoute la problématique de la régularisation. Malgré cela, dénonce la CNAPE, de moins en moins de départements acceptent les demandes d’accompagnement jeunes majeurs faites au profit des ex-MNA.

Pour une harmonisation des pratiques

Au-delà de ce constat général accablant, la CNAPE formule aussi des préconisations qui s’adressent principalement à l’Etat dont elle estime qu’il doit s’engager autant dans l’élaboration d’une politique globale que dans sa prise en charge financière. « Les départements ne peuvent plus assumer seuls cette dépense au risque de voir l’ensemble du dispositif de protection de l’enfance imploser », explique la CNAPE. Il lui revient aussi de favoriser l’homogénéisation des pratiques des conseils départementaux, de ses services et de ceux de la justice, ainsi que la mise en place d’une gouvernance locale partagée en copilotage Etat-départements.

Concernant le suivi pratique des mineurs non accompagnés, la fédération défend la suppression du seuil d’âge de 16 ans. En limitant l’accès à certains droits, ce seuil pousserait des jeunes à mentir sur leur âge et empêcherait une prise en charge adaptée à leurs besoins réels. Elle prône par ailleurs la mise en œuvre systématique de projets individualisés – ce qui exclut l’hébergement hôtelier sans accompagnement – et le développement de réponses garantissant l’accès à la scolarité, à une information complète sur leurs droits et à une représentation par un administrateur ad hoc ou une personne référente.

La question de la sortie des jeunes majeurs étrangers du dispositif de la protection de l’enfance mérite aussi une réponse harmonisée, insiste la CNAPE. Un relais doit être assuré pour éviter une rupture dans le parcours d’insertion. Enfin, pour soutenir les structures d’accueil, la fédération préconise la création, dans chaque département, d’équipes mobiles pluridisciplinaires mutualisées (juriste, assistant social, professeur de français langue étrangère, conseiller en insertion professionnelle…) et le développement de formations aux besoins spécifiques des mineurs non accompagnés.

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