« Les effets de la réforme de la tarification dépendent aussi de la manière dont les départements appliquent le texte et financent leur part via l’allocation personnalisée d’autonomie. » Si Agnès Buzin, ministre des Solidarités et de la Santé, a chargé les agences régionales de santé de procéder « à un repérage précoce » des EHPAD en difficulté pour leur « apporter une aide en expertise et conseil », elle ne manque pas de pointer du doigt les conseils départementaux.
La mise en œuvre de la convergence tarifaire a été un véritable casse-tête pour les conseils départementaux. Et ce, d’autant plus que les décrets ont été publiés tardivement (fin décembre 2016, pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2017). Le financement de la dépendance est calculé par le biais d’une équation tarifaire qui tient compte du niveau de dépendance des résidents de l’établissement et qui automatise le niveau de ressources octroyées. Cette équation tarifaire de la dépendance comprend une valeur moyenne de référence – le point GIR départemental –, fixée par arrêté, chaque année avant le 1er avril, par le président du conseil départemental. Ce point GIR définit le nombre d’euros consacrés pour chaque point de dépendance des résidents.
En 2017, la mise en œuvre de la réforme s’est soldée par de fortes disparités territoriales. En effet, la valeur moyenne de points GIR départementaux en 2017 est de 7 €, avec des valeurs minimale et maximale respectivement de 5,68 € et de 9,47 €.
Six départements n’ont pas voulu publier leur valeur de point GIR et 19 départements ont refusé d’appliquer la réforme. Qu’en sera-t-il cette année ? La plupart des départements réfractaires n’auront pas d’autre choix que de sauter le pas. Pour sa part, le conseil départemental du Val-de-Marne a déclaré, à la fin janvier, qu’il optait pour un moratoire en 2018.
« Notre surprise a été grande quand nous avons appris que le département des Alpes-Maritimes proposait une valeur moyenne du point la plus basse de France, avec 5,68 € », se souvient Frédéric Cecchin, directeur adjoint de l’EHPAD public hospitalier de Villefranche-sur-Mer et vice-président du SMPS (Syndicat national des managers publics). Dans le département limitrophe des Hautes-Alpes, il s’élève à 7,2 € et, en Corse du Sud, distante de 200 kilomètres, à 9,47 €. « Nous avons reçu en début d’année 2018 un courrier du conseil départemental qui nous annonce que la valeur du point GIR sera portée à 6 €. Nous pensions que cette augmentation de 32 centimes serait effective pour 2018. Or, c’est à l’horizon 2023 ! Cela représente donc 5 centimes d’augmentation par an, soit 3 000 € par an de plus pour la dotation dépendance et 18 000 € à terme en 2023 », ajoute-t-il.
De son côté, la Fnaqpa (Fédération nationale avenir et qualité de vie des personnes âgées) demande « depuis le début des concertations nationales » que, dans le calcul du point GIR, la valeur moyenne départementale soit considérée comme une valeur plancher, tout en laissant aux départements la possibilité de fixer au-delà une valeur plafond. Une proposition qui a peu convaincu…
« Nous avons eu des fins de non-recevoir de beaucoup de départements », regrette Didier Sapy, directeur général de la Fnaqpa. Et de poursuivre : « Il y a ceux qui sont dans une logique comptable et qui profitent de ce texte pour faire des économies, ceux qui refusent le dialogue, ceux qui veulent bien discuter et ceux qui disent qu’ils ne font qu’appliquer un texte élaboré par l’Etat. Le texte est flou et laisse place à l’interprétation. On peut trouver 10 à 20 pratiques différentes sur ce même texte. La Fnaqpa réclame que l’Etat pose sa propre doctrine sur l’application du texte. »
« Pour un établissement, il est compliqué de s’opposer frontalement à un département avec lequel il faudra décider du CPOM, négocier ses moyens, déplore Didier Sapy. Les directeurs d’EHPAD ne sont pas dans une configuration d’égalité des parties. Les autorités de tutelle font la pluie et le beau temps »