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L’Asie aux deux visages

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Cette semaine est celle de l’Asie avec, d’une part, les Jeux olympiques d’hiver qui se tiennent à Pyeongchang, en Corée du Sud, et, d’autre part, le Nouvel An chinois, qui fait entrer, ce vendredi, la Chine dans l’année du Chien de terre. A l’occasion de cette double actualité, les ASH vous proposent deux coups de cœur littéraires, le premier pour une saga chinoise, le second pour un roman coréen contemporain.
La saga du Petit Bercail

En 1937, la guerre sino-japonaise éclate. La Chine, vaincue militairement, est envahie par l’Empire du Soleil levant. Les forces japonaises occupent Peiping (l’ancien nom de Pékin-Beijing), comme la France sera vaincue et occupée en 1940 et que les forces militaires allemandes s’installeront à Paris. Le parallèle entre les deux situations historiques s’impose comme une évidence, à la lecture de cette trilogie de Lao She – un des plus grands auteurs chinois du XXe siècle – dont l’essentiel de l’action se déroule dans un hutong de la capitale chinoise.

Habitation traditionnelle, le hutong est une sorte de petit village, ou plutôt de petite communauté, où vivent trois, quatre, voire cinq familles, chacune dans leurs maisons reliées entre elles par des ruelles, voire des venelles. Au centre, se trouve une cour qui fait office de place de village. Dans le Petit Bercail – le nom du hutong en question – vivent donc plusieurs familles dont la plus importante est celle de M. Qi, un octogénaire fier de réunir sous « un même toit quatre générations » qui vont de lui-même jusqu’aux jeunes enfants de son dernier petit-fils.

Les autres familles sont plus modestes et ont des destins plus ou moins contrariés. Cette microsociété est traversée par des conflits et des haines recuites que chacun s’efforce de dissimuler, mais ce vernis éclatera à l’occasion de l’invasion nipponne.

Comme pendant l’occupation allemande en France, l’éventail des réactions face à l’envahisseur sera large : du collabo engagé jusqu’au résistant enflammé, en passant par le fataliste et le résistant velléitaire. Le Petit Bercail est un condensé chimique parfait de cette situation, avec une galerie de portraits savoureuse, acerbe et parfois cruelle. On retiendra l’inénarrable « grosse courge rouge », surnom donné à cette mère de famille dont l’obsession est de s’enrichir pendant la guerre et prête à tout pour obtenir un poste à responsabilité dans l’administration japonaise. Elle sera récompensée en étant nommée à la tête d’un centre de récréation… en d’autres termes, un bordel. Son fade mari, sa plus jeune fille qui s’engage dans les forces japonaises d’espionnage et celle qui devient danseuse composent un tableau d’une férocité élégante. Du coté des Qi, entre le plus jeune des petits-fils du patriarche qui s’engage dans la résistance et l’aîné qui, de fait, devient chef de famille et se torture l’esprit à l’idée d’avoir laissé son frère cadet sauver l’honneur de la famille, on subit les événements en courbant l’échine.

Et puis il y a la vie quotidienne, faite de privations, de restrictions et de pénurie alimentaire. Comme les Français entre 1940 et 1944 en quête permanente de beurre, œufs et fromage (les fameux BOF), les habitants de Peiping passent leur temps à chercher des pousses de bambous, de soja et autres aliments de base. Dans un style d’une sobriété terriblement efficace, Lao She transporte le lecteur dans une fresque où se croisent la grande Histoire et les histoires personnelles de ses personnages, qui perdent le contrôle de leur destin et parfois de leur vie.

Quatre générations sous un même toit (tomes I, II et III)

Lao She – Ed. Gallimard, coll. Folio – De 9,40 € à 11,20 €

Culture

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