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Des différences et un socle commun

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Après des années de travaux et de débats jusqu’à la dernière séance de la CPC(1), les projets de nouveaux référentiels professionnels circulent parmi les acteurs de la formation en travail social(2). Ces documents mettent à jour la définition de chacun des métiers, les fonctions et activités correspondantes, les compétences à acquérir, les thèmes de formation et les modalités de certification (épreuves et contrôle continu pour l’obtention du diplôme). Attention, les textes sont loin d’être définitifs ! Ils doivent encore être examinés par plusieurs instances avant d’être validés par les ministères puis publiés au Journal officiel, en principe au printemps prochain.

Ce qui ne change pas ou peu

Premier constat : cette réingénierie n’est pas un bouleversement complet. « Les volumes horaires globaux resteront les mêmes, tant pour les enseignements théoriques que pour les stages et les mises en situation professionnelle », observe Olivier Cany, représentant de l’Union nationale des acteurs de formation et de recherche en intervention sociale (Unaforis) à la CPC, par ailleurs directeur général de l’Institut du travail social de Tours. « Cela nous rassure, car nous travaillons auprès de publics difficiles, ce qui demande une importante pratique de terrain », commente Jean-Marie Vauchez, président de l’Organisation nationale des éducateurs spécialisés (ONES). Le principe de l’« alternance intégrative » entre formation théorique et stages n’est pas non plus remis en cause, salue Véronique Jacquet, coprésidente de la Fédération nationale des éducateurs de jeunes enfants (FNEJE).

De l’autonomie pour les centres de formation

Fait nouveau, les nouveaux référentiels donnent davantage d’autonomie aux centres de formation en matière de pédagogie. « Cela va nous permettre d’adapter constamment nos formations aux orientations des politiques publiques, aux besoins des employeurs et des professionnels, aux pratiques émergentes et aux évolutions des connaissances », commente Olivier Cany.

Les centres auront aussi plus de responsabilités en matière de certification : ils organiseront désormais les trois quarts des épreuves terminales du diplôme. Les services de l’Etat continueront à organiser une seule épreuve par diplôme, sur des aspects liés au cœur de métier. « On peut craindre que, suivant les établissements, le niveau exigé ne soit pas toujours le même », d’autant que les centres, qui ont intérêt à avoir un bon taux de réussite, pourraient devenir « juges et partie », pointe Joran Le Gall, président de l’Association nationale des assistants de service social (ANAS). Reste aussi à savoir si les centres de formation recevront des moyens supplémentaires pour l’organisation des épreuves, signale Eliane Marroc, présidente de France ESF, qui représente les conseillers en économie sociale et familiale.

Le socle de la discorde

La réforme crée ensuite le fameux « socle commun de connaissances et de compétences ». Selon un projet d’arrêté, il regroupera d’abord des « compétences communes », réunies dans les domaines de compétences (DC) 3 et 4 des cinq référentiels (DC 3 : « Communication professionnelle en travail social » et DC 4 : « Dynamiques interinstitutionnelles, partenariats et réseaux »). Comme actuellement, ces compétences, si elles sont acquises, donneront lieu à des dispenses d’épreuves (par exemple pour une assistante sociale souhaitant devenir éducatrice spécialisée). L’arrêté liste ensuite des « compétences partagées » dans les DC 1 et 2, qui intégreront « des spécificités en fonction du contexte d’intervention et des conditions d’exercice particulières des métiers auxquels ces diplômes préparent ». Parmi ces compétences figurent, entre autres, « accueillir, favoriser l’expression et l’autonomie des personnes », « évaluer une situation », « accompagner une personne »… Enfin, le texte énumère des « connaissances communes » qui donneront lieu à des « allégements de formation » pour les professionnels passant d’un diplôme à l’autre. Elles devraient s’inscrire dans ces thématiques : « histoire du travail social et des métiers », « éthique et valeurs en travail social », « connaissances des publics », « initiation à la démarche de recherche », « accès aux droits » et enfin « participation et citoyenneté des personnes accompagnées ».

Pour rappel, le « socle commun » a soulevé de vifs débats tout au long des travaux de la commission professionnelle consultative, ses détracteurs craignant que les cinq formations perdent de leur spécificité. La CGT et FO ont voté contre, tandis que la CFDT s’est abstenue. L’Unaforis, au contraire, y est très favorable : « C’est une excellente nouvelle » pour la « valorisation des professions sociales, la reconnaissance de leur expertise et de leur identité commune », assure Olivier Cany.

Quant aux associations professionnelles, elles se réjouissent que la CPC confirme le rejet d’une formation unique au travail social avec des spécialités, qui avait été évoquée sous l’ancienne majorité. Finalement, le « socle commun » ne porte que sur les connaissances et les compétences, mais chaque école gardera, là encore, une autonomie en matière de formation. « On reste très vigilants, glisse cependant Jean-Marie Vauchez. D’un côté, les formations croisées entre les différents étudiants peuvent être très enrichissantes. Mais de l’autre, on peut craindre que l’on regroupe tout le monde dans de grands amphis, pour des motifs économiques. » Les centres de formation de taille importante vont être tentés de créer des cours communs… quant aux petits, « nous espérons que la réforme ne va pas les mettre en difficulté », complète Véronique Jacquet.

Langues étrangères, numérique, recherche…

D’autres nouveautés découlent de la reconnaissance prochaine des cinq diplômes au grade de licence… qui implique le respect d’un cahier des charges national(3). L’enseignement d’au moins une langue étrangère, qui n’était intégré qu’à certaines formations, devient obligatoire. Un point salué par Joran Le Gall, qui rappelle que les assistants sociaux – entre autres – travaillent fréquemment auprès de personnes non francophones. Les volumes horaires devraient rester modestes et il ne devrait pas y avoir d’épreuve de langue pour l’obtention du diplôme d’Etat, note néanmoins Olivier Cany.

De même, les étudiants des cinq filières recevront des enseignements sur « l’usage et les pratiques du numérique en travail social », « l’usage et les pratiques du numérique par les publics » ou encore « le traitement des données à caractère personnel ».

Par ailleurs, les nouveaux référentiels mettent en avant l’« initiation à la méthode de recherche », qui sera transversale aux quatre domaines de compétence. « Cette initiation existait déjà dans les établissements de formation, mais cette nouvelle orientation va nous permettre de l’accentuer », commente le représentant de l’Unaforis.

Ce qui reste flou

La principale inconnue de la réforme concerne les modalités du conventionnement entre les centres de formation en travail social et les universités, qui deviendra obligatoire. « Cela pourra avoir un impact sur les enseignements, la recherche et le statut des étudiants, explique Olivier Cany. Beaucoup d’écoles sont déjà positionnées sur ces trois registres en lien avec des universités (par des codiplomations, des accords sur les formations) mais il faudra entrer dans un nouveau cadre de conventionnement »… dont les contours exacts et le calendrier ne sont pas encore fixés. Ils devraient l’être par voie d’instruction ministérielle, tout comme la procédure d’accréditation des établissements de formation par le ministère de l’Enseignement supérieur, qui permettra l’attribution du grade de licence.

« Nous sommes heureux de l’ouverture à l’université, mais cela ne doit pas remplacer l’expertise des formateurs en travail social », prévient Véronique Jacquet. Dès lors, chaque duo centre de formation-université devra trouver un équilibre : quels enseignants universitaires se rendront dans les centres de formation ? Les étudiants iront-ils à l’université pour certains cours ? Cela dépendra en grande partie des budgets disponibles, analyse la présidente de la FNEJE.

Christine Sovrano, représentante de la CGT à la CPC et formatrice en travail social, se montre franchement inquiète : le rapprochement avec les universités va être « un travail énorme » dont le succès est « loin d’être acquis ». La CGT a demandé à plusieurs reprises un report d’un an de la réforme, sans l’obtenir. Les formateurs n’ont donc plus que quelques mois, d’ici à septembre, pour se préparer. Ils devront s’organiser, en particulier, pour suivre les connaissances acquises par les étudiants à l’université, tout en les aidant à effectuer le lien entre la théorie et la pratique, souligne Christine Sovrano.

L’Unaforis comme les représentants des professions citent encore bien d’autres points à éclaircir : le détail de la rémunération des stages, leur adaptation au découpage par semestres, la répartition des crédits européens que les élèves engrangeront, ou encore la mobilité des étudiants vers d’autres pays de l’Union européenne.

Notes

(1) Voir ASH n° 3045 du 26-01-18, p. 9.

(2) Retrouvez les projets de référentiels sur notre site Internet. Lien abrégé : Frama.link/ASH-Refepro2018.

(3) Arrêté du 22 janvier 2014 relatif au cahier des charges des grades universitaires de licence et de master, J.O. du 1-02-14.

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