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A la recherche du SDF perdu

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Qu’est-ce qu’un sans domicile fixe ? Combien sont-ils à errer dans les rues de nos villes, à y dormir dans des abris de fortune, faute d’avoir réussi à joindre un 115 qui croule sous les demandes ? Les récentes polémiques qui ont opposé un ministre et des associations révèlent que le phénomène des sans-abri est, en réalité, très mal connu, tant de la part des pouvoirs publics que des structures sociales et du mouvement associatif. Chacun sort – et instrumentalise – le chiffre qui entre dans ses schémas mais dont la base de référence est incertaine.

La première polémique est née de la déclaration du secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Cohésion des territoires Julien Denormandie postulant que seuls « une cinquantaine d’hommes isolés en Ile-de-France » dorment dans les rues. Après s’être fait sèchement reprendre par Louis Gallois, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, évoquant des « propos insupportables » et « une volonté politique de minorer le nombre de sans domicile fixe », il est revenu sur ses propos.

Prônant le malentendu, le secrétaire d’Etat a précisé que le gouvernement ne cherchait aucunement à minimiser les chiffres. Certaines associations dénoncent en effet un comptage a minima par les préfets afin de donner de la crédibilité à la promesse – à ce jour non tenue – d’Emmanuel Macron de loger tous les sans-abri avant la fin 2017. « Peut-être que je n’ai pas été assez clair, le chiffre des 50 était le nombre de personnes ayant appelé le 115 et non prises en charge cette nuit-là », a précisé Julien Denormandie, avant de reprendre une fourchette du SAMU social estimant le nombre de SDF sans solution d’hébergement compris entre 2 000 et 3 000 personnes.

Or, de l’aveu de Christine Laconde, la directrice du SAMU social, c’est une « approximation scientifiquement nulle », faite de petits dénombrements parcellaires : évaluation RATP dans le métro la nuit, partenariat avec les parkings Indigo… « Il est choquant que les pouvoirs publics et les acteurs associatifs en soient réduits à utiliser des indicateurs frustes de la demande », déplore-t-elle.

Une vision globale floue

Le nombre total de sans-domicile en France est estimé à 143 000 personnes d’après les chiffres consolidés d’une étude de l’INSEE de… 2012. Si elle permet de mettre en relief l’évolution de certaines variables, comme l’augmentation de 58 % de ce chiffre depuis 2001, cette enquête se heurte néanmoins à plusieurs limites.

Réalisée dans les services d’hébergement ou de restauration dans les agglomérations de 20 000 habitants ou plus, en y ajoutant les sans-domicile des communes rurales ou des petites agglomérations et ceux hébergés en centre d’accueil pour demandeurs d’asile, elle ne prend pas en compte ceux qui n’ont pas recours à ces services. Il est difficile de savoir à quelle point la comptabilisation de cette part alourdirait le bilan total.

Mais il est certain que les propos du député LR Sylvain Maillard clamant que « la majorité des SDF dorment dans la rue par choix » sont faciles à invalider : l’étude de l’INSEE indique que les 48 % de sans-domicile interrogés qui n’ont pas voulu se rendre dans un centre d’hébergement la veille de l’enquête l’ont fait majoritairement par peur du manque d’hygiène ou de l’insécurité. Par défaut donc, plus que par choix.

Un problème de définition structurelle

Dans l’imaginaire collectif, un SDF est bien souvent assimilé à un sans-abri. Or cette appellation recouvre des réalités diverses.

L’INSEE considère une personne sans domicile « si elle a passé la nuit précédant l’enquête soit dans un lieu non prévu pour l’habitation tel que rue, pont, jardin public, gare […] soit dans un service d’hébergement (hôtel ou logement payé par une association, chambre ou dortoir dans un hébergement collectif, lieu ouvert exceptionnellement en cas de grand froid) ». L’institut écarte volontairement de cette définition les personnes ayant dormi « dans un foyer, à l’hôpital, en prison, dans un squat, hébergées par un particulier ».

Doit-on dès lors considérer qu’une personne vivant sous une tente ou dans un bidonville n’est plus sans domicile, même si elle n’est pas sans abri au sens premier du terme ?

Ici aussi, difficile de quantifier, même si l’augmentation de ce type de « logement » ne fait aucun doute. Selon le recensement de population de l’INSEE de 2006 (dernière étude en date), ils étaient 85 000 dans des « habitations de fortune ». En avril 2017, la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL) a quant à elle recensé 16 000 personnes (dont 38 % en Ile-de-France) vivant dans des campements illicites, bidonvilles ou grands squats répartis sur 571 sites en France métropolitaine.

Une autre catégorie de public ne dispose pas non plus de logement personnel, et son inclusion dans ce type d’enquête mériterait débat. Ce sont les 643 000 personnes hébergées chez les tiers de manière contrainte, parce qu’elles n’ont pas les moyens de décohabiter, qu’elles ne peuvent plus s’assumer financièrement, et qui n’ont parfois même aucun lien de parenté avec l’hébergeur.

La Nuit de la solidarité sous les projecteurs

A l’instar de New York et d’autres grandes villes, Paris a lancé sa Nuit de la solidarité le 15 février. Un millier de bénévoles, après une rapide formation par des professionnels, ont arpenté les rues de la capitale pour établir un décompte anonyme des sans-abri. Un décompte qui mettra peut-être fin à certaines polémiques mais qui restera un indicateur parmi d’autres : les endroits dangereux ou inaccessibles (donc les squats) ne seront pas pris en compte, les personnes qui dorment ne seront pas réveillées dans un souci d’éthique (problématique pour savoir si une tente est habitée, par exemple), et il peut être difficile pour les bénévoles d’identifier certains sans-abri qui ne portent pas toujours les stigmates de la rue. Mais cette opération aura au moins le mérite de cartographier la ville sur ce sujet à un instant T pour faire avancer le débat.

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