Recevoir la newsletter

Suppression des CCAS : l’action sociale communale en danger

Article réservé aux abonnés

Cela fait deux ans et demi que la loi « portant nouvelle organisation territoriale de la République » (NOTRe) a été adoptée par le Parlement. Et avec elle, l’article 79 qui a modifié le code de l’action sociale et des familles afin de supprimer l’obligation de créer un centre communal d’action sociale (CCAS) et d’autoriser leur dissolution dans les communes de moins de 1 500 habitants. Depuis, un nombre important de centres ont disparu.

Dans un article publié récemment par la Nouvelle République, on apprenait par exemple que, dans l’Indre, 67 CCAS avaient été dissous dès 2015, puis 36 autres en 2016 et un dernier en 2018. Le département compterait désormais 63 CCAS contre 167 trois ans auparavant. A l’échelle nationale, le service statistique de la direction générale des collectivités locales et celui du ministère chargé des affaires sociales affirment ne disposer d’aucune statistique sur le nombre de centres communaux d’action sociale.

Victimes de la simplification des normes

On se rappelle toutefois que, le 5 décembre 2016, Jean-Vincent Placé, alors secrétaire d’Etat chargé de la réforme de l’Etat et de la simplification, s’était félicité, au cours d’une présentation sur la simplification des normes, de la suppression de 5 600 CCAS dans les communes de moins de 1 500 habitants. Depuis, ce chiffre a augmenté. Les rapports annuels de l’observatoire des finances locales, qui utilisent des données de la direction générale des finances publiques, comptabilisent 26 612 CCAS « pour lesquels un compte de gestion était tenu en 2015 par le poste comptable ». Ce chiffre était descendu à 19 560 en 2016. Entre 2015 et 2016, 7 052 CCAS auraient donc disparu. Pour l’année 2017, le chiffre n’est pas encore disponible.

« On peut comprendre qu’il soit difficile pour des petites communes, qui souvent ont de faibles moyens et ne disposent pas de services municipaux, d’organiser et de gérer un CCAS », reconnaît Benoît Calmels, délégué général de l’Unccas (Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale). C’était d’ailleurs l’argument principal du gouvernement : il fallait sécuriser les communes de moins de 1 500 habitants qui n’avaient pas pu se doter d’un tel établissement, malgré l’obligation légale. Dans les faits, le législateur s’est prévalu d’une menace que l’Etat n’a jamais fait peser sur ces collectivités. « Depuis 1986 qu’existent les CCAS, je n’ai jamais entendu parler d’un seul cas de préfet qui aurait attaqué en justice un maire parce qu’il n’aurait pas créé de CCAS, affirme Benoît Calmels. Il existait une forme de statu quo qui allait très bien à tout le monde. »

Pression des préfets

En revanche, le nombre important de dissolutions d’établissement impressionne. Est-ce à dire que cette mesure d’assouplissement législatif répondait à une réelle attente des élus locaux. Pas si sûr. Selon l’Unccas, dans certains départements, les maires des petites communes, rarement au fait, dans les détails, des changements de législation – rappelons qu’ils sont bénévoles, « multitâches » et souvent sans services municipaux –, ont été poussés à dissoudre leur CCAS par les préfets. « Nous avons eu des remontées du terrain en 2015 et 2016 en particulier, se rappelle Benoît Calmels. Des maires recevaient des courriers dans lesquels les préfets ne se contentaient pas de les informer de cette réforme, mais les poussaient clairement à dissoudre leur établissement et ce avant le 31 décembre de l’année en cours. »

Pourquoi pousser les communes à la dissolution quand cette faculté est optionnelle et pourquoi évoquer cette date buttoir ? « Cela correspond à une demande des receveurs municipaux, affirme Benoît Calmels. La gestion des CCAS doit être séparée de celle des communes. Par conséquent, chaque CCAS implique pour les receveurs de créer et gérer un budget annexe. » Les receveurs du Trésor public réclament, depuis des années, la suppression des petits CCAS pour réduire le nombre de comptes de gestion. Si possible avant le 31 décembre pour clôturer les comptes avant le démarrage d’une nouvelle année comptable. Ce motif non officiel exaspère les défenseurs des centres communaux d’action sociale puisque, précisément, un décret de 1987 prévoit qu’un budget de CCAS inférieur à 30 490 € puisse être intégré dans le budget communal, sans générer un compte de gestion séparé.

Supprimer le CCAS ne signifie pas pour autant abandonner la politique d’aide sociale. Ainsi, de nombreuses municipalités dépourvues de CCAS, ou qui s’en sont séparées, continuent de mener des actions auprès de leurs administrés en difficulté. Concrètement, cette politique est alors organisée par une commission municipale. « En matière de gestion, ça ne simplifie pas le travail des communes, estime Benoît Calmels. Il faut continuer à organiser les convocations régulières, tenir les réunions… En revanche, cela pose un vrai problème en matière de confidentialité et d’accompagnement. »

Si les CCAS sont dirigés par des conseils d’administration composés d’élus locaux et de représentants associatifs du secteur social, rien n’oblige les commissions municipales, en revanche, à intégrer les associations dans l’analyse des demandes et la recherche de solutions adaptées. Or, rappelle Benoît Calmels, « derrière des difficultés d’argent, il y a souvent des problèmes de santé, de logement, de travail… Cela nécessite une expertise sociale, une connaissance des problématiques et des acteurs susceptibles d’accompagner la personne », que les élus municipaux n’ont pas toujours. En outre, le vote qui entérine la décision de la commission municipale sur l’attribution des aides se fait en conseil municipal, par définition public. La confidentialité de la demande d’aide et de son traitement n’est plus garantie.

Enfin, la dissolution des centres communaux d’action sociale peut impliquer plus simplement l’arrêt des aides sociales municipales. « Nous ne sommes pas en capacité de dire ce qu’il se passe sur les territoires où il n’y a plus de CCAS, remarque le délégué général de l’Unccas. Il faudrait des années d’observation sur les territoires pour bien en mesurer les conséquences. D’autres structures prendront-elles le relais ? Les usagers iront-ils vers elles ? En auront-ils les moyens ? Ou bien renonceront-ils à leurs droits ? » En milieu rural où se trouve la plupart des communes de moins de 1 500 habitants, la problématique de l’accès aux droits et du non-recours est renforcée par une moindre présence des services publics et des difficultés accrues de mobilité. « On a organisé, dans les communes de moins de 1 500 habitants, la disparition des CCAS, dont la première mission est l’accueil, l’information et l’orientation. Mais on ne s’est pas posé la seule question qui vaille, peste Benoît Calmels. Comment organise-t-on une réponse sociale sur l’ensemble du territoire ? »

Vers une meilleure proximité de la réponse sociale ?

Dans le cadre de sa « stratégie de lutte contre la pauvreté », lancée le 17 octobre dernier, le gouvernement a mis en place plusieurs groupes de travail chargés de plancher sur des propositions. Leurs conclusions sont attendues fin mars. L’un d’eux, le groupe n° 6, intitulé « piloter la lutte contre la pauvreté à partir des territoires » et coprésidé par le président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, Mathieu Klein, et par la présidente de l’Unccas, Joëlle Martinaux, a pour mission de réfléchir à « une gouvernance territorialisée » de la politique de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Il devra « trouver des manières de faciliter et de s’appuyer beaucoup plus et mieux qu’aujourd’hui sur la vitalité des initiatives locales portées en premier lieu par les départements, les communes et le tissu associatif ». Comment organiser une réponse sociale sur tout le territoire en garantissant à tout un chacun, à proximité de son lieu de vie, l’accès à un socle minimal de droits sociaux ? Quels échelons territoriaux seront impliqués ? Quel rôle l’Etat jouera-t-il dans cette nouvelle organisation ? Cette concertation pourraient être l’occasion de voir l’échelon communal et intercommunal relancé pleinement dans son rôle social de proximité, aux côtés des départements.

Le CIAS, une solution pour les petites communes

Jean-Paul Carteret est maire de Lavoncourt, un village de 350 habitants à un peu moins de 40 km de Vesoul, dans la Haute-Saône. Il y a près de 20 ans, avec huit maires de communes rurales voisines, ils ont créé un centre intercommunal d’action sociale (CIAS). « Il existe de fortes inégalités entre les CCAS des villes qui ont des moyens pour mener une politique de solidarité et les CCAS des communes rurales, estime Jean-Paul Cateret. Je défends l’idée que les plus pauvres sont dans les territoires ruraux. Il est important que les communes se préoccupent de cette problématique. »

Le CIAS a créé un foyer-logement qui accueille 23 personnes âgées et, juste à côté, une maison de services où une employée accueille, accompagne les habitants dans leurs démarches, grâce à une borne de visio-services connectée à la caisse d’allocations familiales, à Pôle emploi, aux caisses de sécurité sociale générale et agricole, etc. Cette maison accueille également un bureau de Poste, des services paramédicaux, un dépôt de « carte avantage jeunes », etc. « Nous avons déposé une demande auprès du conseil départemental pour que notre intervenante soit habilitée à remplir les demandes d’allocations sociales avec les usagers », ajoute le maire. Le centre intercommunal d’action sociale emploie 12 personnes. La cuisine du foyer de seniors fournit la cantine scolaire et un service de repas chauds à domicile qui rayonne sur 30 communes au total. « Notre CIAS est un outil de solidarité mais aussi de développement local. »

Actualités

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur