Alors qu’Agnès Buzyn vient d’annoncer des mesures « d’urgence » pour la psychiatrie (voir ASH n° 3046 du 2-02-18, page 7), un nouveau rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS)(1), daté de novembre mais publié le 1er février, donne matière à réflexion.
L’inspection s’est autosaisie sur l’organisation et le fonctionnement du « dispositif de soins psychiatriques » français. L’un de ses textes fondateurs reste la circulaire du 15 mars 1960, qui a mis en place le découpage du territoire en secteurs. Cette référence est « loin d’être dépassée », mais il faut « donner un nouvel élan » à la politique de la santé mentale, jugent les auteurs.
Tout en dépeignant « un contexte de découragement des professionnels et de rationalisation budgétaire », ils ne s’attardent pas sur ces aspects. Certes, « sur les 25 dernières années, le nombre des patients traités par les secteurs de la psychiatrie a plus que doublé et ne cesse d’augmenter », mais « les moyens consacrés à la psychiatrie progressent » eux aussi, notamment le nombre de psychiatres, nuancent les inspecteurs. Surtout, « les moyens sont inégalement répartis et cela explique les difficultés dans lesquelles se trouvent certains services ou territoires ».
L’IGAS appelle donc à « redessiner » l’architecture de la psychiatrie… d’autant que le tableau est de plus en plus confus. La loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 a instauré les groupements hospitaliers de territoires (GHT), les communautés psychiatriques de territoires (CPT) et les projets territoriaux de santé mentale (PTSM). Sachant qu’ils s’ajoutent aux projets régionaux de santé (PRS) et aux projets d’établissement, les acteurs de la santé mentale « sont déconcertés » face à ces cinq outils à articuler, qui ne sont pas forcément déployés sur le même territoire, relèvent les inspecteurs.
Ils proposent donc d’harmoniser les découpages territoriaux (dans l’idéal sur le périmètre du département), mais aussi de repenser l’offre, publique comme privée, suivant quatre fonctions : les soins, l’urgence, le « soutien partenarial » (via des équipes mobiles associant la psychiatrie, les médecins généralistes, le médico-social, le social, les acteurs éducatifs et judiciaires…) et enfin « l’action interpartenariale » (via des plateformes territoriales menant des actions de prévention et de « réinsertion-réadaptation »). Selon l’IGAS, cela faciliterait le suivi des ressources déployées dans les territoires et l’attribution des moyens nécessaires.
Le rapport contient bien d’autres propositions, comme « développer des complémentarités entre public et privé » en obligeant les cliniques privées à participer à la permanence des soins et à l’organisation des urgences.
En matière de financement, l’IGAS se prononce pour une solution « mixte ». Les actuelles dotations « historiques » aux établissements seraient pondérées en fonction des caractéristiques de la population soignée (degré de précarité, vieillissement). Une part de rémunération à l’activité serait introduite « pour quelques actes présentant peu de variabilité dans les coûts », par exemple les passages aux urgences. Un chantier à l’étude depuis de nombreuses années mais qui n’a encore jamais abouti.
Enfin, les auteurs attirent l’attention sur deux « domaines d’action prioritaires ». Ils appellent le gouvernement à déployer un plan spécifique à la pédopsychiatrie, notamment pour raccourcir les délais d’attente, « inacceptables ». Quant à l’humanisation des conditions d’hospitalisation, elle mériterait « un plan d’investissement national », assure l’IGAS, qui propose en particulier de revoir les normes des chambres d’isolement.
Agnès Buzyn a fait écho à ces deux points, parmi d’autres, dans son discours sur la psychiatrie au Congrès de l’encéphale, le 26 janvier. Reste à savoir quelles idées de l’IGAS et des professionnels du secteur seront reprises dans le futur plan « de long terme » promis par la ministre.
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