Ce document est le fruit d’un important travail. Il souligne d’abord que l’autisme a une prévalence non négligeable, de l’ordre de 1 % de la population. C’est une bonne base pour débattre des besoins en France. Le rapport met aussi l’accent sur des sujets essentiels, comme la nécessité d’améliorer le repérage de l’autisme et le besoin de soutenir l’inclusion sociale dès la petite enfance. Ce qui nous rassure, c’est que la cour souligne l’importance de faire respecter les recommandations de bonnes pratiques : elle décrit, je cite, un consensus « désormais très large sur la nécessité d’interventions précoces, comportementales ou développementales ». Ce rapport a aussi ses limites, que la Cour reconnaît : nous manquons de données précises, en particulier sur le nombre et la situation des adultes autistes en France.
Nous aurions aussi souhaité que les magistrats s’intéressent davantage à l’exil, inadmissible, de personnes autistes en Belgique faute de solutions en France. L’inclusion sociale des adultes est trop rapidement abordée, elle aussi, alors que nous avons besoin de renforcer l’accompagnement en milieu ouvert (emploi, habitat inclusif, activités en accueil de jour). Ces dispositifs bénéficient surtout, pour l’heure, aux autistes les plus autonomes.
Sa grande force est son fil conducteur, les recommandations de bonnes pratiques. Certaines actions ont porté leurs fruits, comme la formation et la prise en compte des aidants familiaux, ou bien la mise en place des unités d’enseignement en maternelle. Mais sur les 38 fiches d’action du plan, très peu ont été vraiment mises en œuvre. Nous attendions beaucoup de la mise à jour des formations des professionnels de santé et du social, mais le plan a buté là-dessus. Autre déception : dans le cadre du troisième plan, des référentiels avaient été expérimentés pour encourager la diffusion des bonnes pratiques dans les établissements et services médico-sociaux, mais ces référentiels n’ont pas encore pu être déployés à l’échelle nationale.
La concertation a été très large, au plan national comme au plan régional, ce qui a permis une grande mobilisation. Dans les groupes de travail, les échanges ont été riches. De leur synthèse sortiront sans doute des éléments pour le quatrième plan. Pour autant, sa rédaction et les moyens qui lui seront alloués sont du seul ressort du gouvernement.
Ce que nous attendons, c’est que ce plan pose enfin un cadre pérenne à la politique de l’autisme… Sinon, nous aurons encore à l’avenir un cinquième ou un sixième plan sans évolution notable pour les personnes concernées. Pour nous, l’une des priorités devra être d’améliorer l’accès des personnes avec autisme à leurs droits de citoyens et à une vie ordinaire, en soutenant l’inclusion sociale. Il faudra faciliter les parcours, pour passer plus facilement du sanitaire au médico-social, faciliter les accompagnements par des libéraux, permettre de mener des accompagnements multiples et coordonnés. Surtout, cette politique devra prendre en compte toute la diversité des personnes avec autisme.
Il faudra poursuivre la réforme des centres de ressources autisme (CRA) car le décret correspondant n’est paru qu’en mai 2017, après une évaluation longtemps réclamée par les associations. Pour le moment, ces centres apportent des réponses très inégales suivant les régions et il faut parfois attendre deux ans avant qu’un CRA pose un diagnostic d’autisme.
Autre enjeu capital : les jeunes adultes relevant de l’amendement « Creton », qui restent accueillis dans des structures destinées en principe aux mineurs. Nous attendons toujours qu’un bilan à ce sujet soit réalisé. Les listes d’attente des établissements atteignent au mieux deux, trois, voire quatre ans. C’est inhumain ! Sans moyens nouveaux, ces jeunes ne pourront pas trouver de solution. Cela devra passer par l’ouverture de nouveaux établissements et services pour adultes. Or, l’Etat ne peut pas à lui seul en créer, car cela relève également de la compétence du conseil départemental. Cette situation a bloqué tout le parcours des personnes autistes dans les précédents plans : il faudra donc davantage de négociation entre l’Etat et les départements, ou bien que l’Etat se dote de compétences supplémentaires. Sans cela, nous risquons de sacrifier une nouvelle génération d’adultes avec autisme.