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Les méandres des nouvelles visites

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Depuis le 1er janvier 2017, la loi « travail »(1) et un décret du 27 décembre 2016(2) ont remplacé la traditionnelle visite médicale d’embauche par une visite d’information et de prévention (VIP) ou visite médicale d’aptitude (VMA). De plus, la visite de suivi médical a également été réformée. La surveillance est davantage ciblée en considération de la personne du travailleur par un suivi général, adapté ou renforcé. Chaque principe nouvellement dégagé connaissant des exceptions. Juriste en droit social et conseil des TPE et PME, docteur en droit, intervenant à l’université Lyon 3, Annabelle Turc décrypte les nouvelles règles du jeu de la santé au travail.

La demande de visite est ouverte au moment de la déclaration préalable à l’embauche comme cela était le cas auparavant. Le dossier du salarié est ensuite créé au cours de la visite puis une attestation de suivi est délivrée.

Afin de consacrer un caractère préventif à la visite d’information et de prévention(3), la modification majeure mise en œuvre par la réforme est de déléguer cette visite à un membre de l’équipe pluridisciplinaire et non plus nécessairement au médecin du travail(4). Le but est, notamment, de désengorger les services de santé au travail, pénalisés par une pénurie des médecins. Cette mesure conduit inéluctablement à renforcer l’obligation de sécurité de résultat du chef d’entreprise. Ipso facto, le législateur lui rappelle son obligation de tenir à jour un document unique d’évaluation des risques, d’ailleurs très peu respectée, nonobstant l’amende de 5e classe à laquelle il s’expose. Au surplus, l’employeur qui n’organise pas la visite médicale encourt la même amende. La VIP ne conduit donc plus à s’assurer de l’aptitude médicale du salarié et s’inscrit dans le cadre d’un suivi général.

Le suivi médical adapté concerne les travailleurs handicapés, titulaires d’une pension d’invalidité, ceux de nuit, ayant moins de 18 ans et les femmes enceintes, ou venant d’accoucher ou allaitantes(5). Il n’a pas pour objectif de s’assurer de l’aptitude du salarié, mais de lui faire bénéficier d’un suivi individuel, tenant compte de sa situation tant personnelle que professionnelle(6).

La délivrance d’un avis d’aptitude a donc lieu dans le cadre d’un suivi renforcé. En effet, la VMA a pour but de contrôler l’aptitude du salarié sur des postes à risque(7), toujours dans le cadre d’un suivi individuel. Cette visite permet, à la différence du suivi général ou adapté, de passer un examen médical auprès du médecin du travail, qui pourra entre autres procéder à une étude de poste(8).

Des délais à respecter

Quant aux délais à respecter, la VMA est organisée préalablement à la prise de poste, pour les salariés exposés aux risques susvisés, les travailleurs de moins de 18 ans effectuant des travaux dangereux, électriques et ceux titulaires d’une autorisation de conduite d’engins, tandis que les suivis général et adapté sont organisés dans les trois mois de l’embauche ou dans les deux mois s’il s’agit d’un apprenti.

Concernant la VIP, il est utile d’insister sur le fait qu’elle ne doit plus avoir lieu avant la fin de la période d’essai. Cette disposition apporte de la souplesse, le délai étant, dans certains cas, allongé selon la durée de la période d’essai applicable. De plus, il faut différencier désormais les CDD saisonniers d’une durée inférieure ou supérieure à 45 jours(9). Dans le premier cas, des actions de formation et de prévention communes à plusieurs entreprises peuvent être mises en place.

L’employeur doit donc être vigilant puisque dès lors que le poste présente des risques, s’il s’agit d’un travailleur de nuit ou de moins de 18 ans, tant dans le cadre du suivi adapté que renforcé, la visite doit avoir lieu avant l’affectation au poste, ce qui est hautement critiquable compte tenu des délais d’attente, persistants, pour obtenir un rendez-vous pour une visite médicale. L’autre principale difficulté de cette réforme est donc d’apprécier à quelle fréquence doivent avoir lieu les visites périodiques.

Dans le cadre du suivi général, la VIP a lieu tous les cinq ans contre trois dans le cadre du suivi médical adapté(10). Dans le cadre du suivi médical renforcé(11), les visites ont lieu tous les quatre ans, ce qui peut paraître surprenant dans la mesure où le délai est plus long que pour le suivi adapté. Ce délai est fixé sous réserve d’une visite intermédiaire tous les deux ans, avec un professionnel de santé, sachant qu’il appartient au médecin de fixer sa périodicité.

Des visites moins fréquentes

In fine, le suivi général doit être renouvelé tous les cinq ans, mais le médecin du travail peut fixer un délai moindre en tenant compte de la situation du travailleur(12). De plus, l’organisation d’une VIP n’est pas requise si le travailleur a bénéficié de ce suivi dans les cinq ans (ou trois ans pour les travailleurs soumis au suivi adapté[13]), s’il est appelé à occuper un emploi identique présentant des risques d’exposition équivalents, si le professionnel de santé est en possession de la dernière attestation de suivi ou du dernier avis d’aptitude et si aucune mesure particulière n’a été émise au cours des cinq dernières années(14). Ces conditions cumulatives présentent un intérêt certain pour l’employeur puisque les visites sont désormais moins fréquentes et non systématiques. Toutefois cela n’est pas sans risque pour la santé du salarié, notamment si l’employeur n’évalue pas strictement les risques. Il en est de même pour le suivi renforcé, lorsque le salarié a bénéficié de cette visite dans les deux ans précédant son embauche, à la différence près qu’aucun avis d’inaptitude ne doit avoir été remis au cours des deux dernières années.

En tout état de cause, que les travailleurs se rassurent, les visites dites de « préreprise » et de « reprise » sont maintenues. En effet, l’employeur doit organiser une visite de reprise en cas d’absence pour maladie professionnelle, accident du travail, retour de congé maternité ou absence d’origine non professionnelle d’au moins 30 jours, dans les huit jours de la reprise. De plus, d’une manière générale, rien n’empêche l’employeur de convoquer le salarié devant le médecin dès lors qu’il estime qu’il y a un risque pour la santé du salarié.

Au demeurant, l’employeur doit tout mettre en œuvre pour respecter son obligation de sécurité de résultat. Pour mémoire, la Cour de cassation avait jugé que l’employeur engageait sa responsabilité à défaut d’organiser une visite(15), sauf à démontrer que le défaut de celle-ci ou son retard était imputable au service de santé au travail. A ce jour, s’il est prématuré d’affirmer que la réforme a permis d’enrayer le retard dans les services de santé et que le défaut de visite pèse donc de nouveau pleinement sur l’employeur, il est toutefois certain que ce dernier a intérêt à adresser ses demandes par écrit. A toutes fins utiles, rappelons que le paiement des visites et du temps passé aux examens médicaux lui incombe toujours.

Notes

(1) Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, art. 102. V, J.O. du 9-08-16.

(2) Décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016.

(3) Elle a pour objectif « d’interroger le salarié sur son état de santé, de l’informer sur les risques éventuels auxquels il s’expose, de le sensibiliser sur les moyens de prévention à mettre en œuvre, d’identifier si son état de santé ou les risques auxquels il s’expose nécessitent de l’orienter vers le médecin du travail et de l’informer sur les modalités de suivi de son état de santé par le service » – Code du travail, art. L. 4624-1 et R. 4624-10.

(4) Pour plus de précisions, voir notamment Sophie Fantoni-Quiton, « Modernisation de la médecine du travail et refonte du suivi de santé : vers une mue salvatrice ? », Cahiers sociaux du Barreau de Paris n° 295 – 1er avril 2017, p. 204.

(5) Code du travail, art. L. 3122-5, R. 4624-18 et 19.

(6) Le suivi médical tient compte de l’état de santé, de l’âge, des conditions de travail ou des risques professionnels auxquels est exposé le travailleur.

(7) Ils sont définis par l’amiante, le plomb, les agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, les agents biologiques des groupes 3 et 4, les rayonnements ionisants, le risque hyperbare et les chutes de hauteur.

(8) Code du travail, art. R. 4624-24.

(9) Code du travail, art. D. 4625-22.

(10) Visant les travailleurs handicapés, titulaires d’une pension d’invalidité et les travailleurs de nuit, de moins de 18 ans, ainsi que les femmes enceintes ou venant d’accoucher ou allaitantes – Code du travail, art. R. 4624-17 et 18.

(11) Visites obligatoires pour les salariés travaillant sur des postes à risques, les jeunes de moins de 18 ans affectés à des postes dangereux et les travailleurs titulaires d’une autorisation de conduite d’engins.

(12) Notamment des conditions du travail, de l’état de santé et de l’âge du salarié, ainsi que des risques auxquels il est exposé.

(13) C’est-à-dire les travailleurs handicapés, de nuit ou titulaires d’une pension d’invalidité.

(14) Code du travail, art. R. 4624-15.

(15) Cass. soc., 18 décembre 2013, n° 12-15.454, disponible sur www.legifrance.gour.fr.

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