Agnès Buzyn, la ministre des Solidarités et de la Santé, devait annoncer à la fin de cette semaine un plan d’action « pour mieux accompagner les EHPAD [établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes] dans leur évolution ». Mais mercredi 24 janvier, son contenu était encore un mystère pour les 300 participants au colloque annuel de la Fnadepa consacré aux « politiques vieillesse », à Paris.
Le président de la fédération, Claudy Jarry, n’attend pas du gouvernement des annonces aussi spectaculaires que celles faites sous les quinquennats de Nicolas Sarkozy (l’instauration d’un cinquième risque de la protection sociale couvrant la dépendance, restée lettre morte) et de François Hollande (le second volet de la loi « vieillissement », qui devait faciliter la prise en charge en établissement, mais qui a été abandonné). Sous l’« ère Macron », le gouvernement ne compte toujours pas de secrétariat d’Etat chargé de la perte d’autonomie et ne fait « pas de grandes promesses »… Mais il montre « une volonté d’aller vers des solutions », a dépeint Claudy Jarry.
Ces derniers mois, il a relevé « de petits signaux, bien trop modestes par rapport aux enjeux, mais auxquels on ne s’attendait pas », comme la « mission flash » sur les EHPAD menée par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale(1), et aussi la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018, qui a prévu 100 millions d’euros « pour améliorer les taux d’encadrement », des créations de places d’EHPAD, d’accueil de jour et d’hébergement temporaire, ou encore 10 millions d’euros pour les expérimentations d’astreintes d’infirmières de nuit(2).
Claudy Jarry a récapitulé les attentes de sa fédération, qui représente à la fois des établissements et le domicile, dans le privé comme le public. Il a prôné, sans surprise, une « diminution du reste à charge des résidents » et « des moyens nouveaux supérieurs dans les années à venir », programmés dans l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM), plutôt que puisés dans les ressources de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Il a réclamé ensuite « un soutien à l’investissement », en particulier dans les résidences autonomie où « l’on a un parc extrêmement détérioré qu’on ne rénove pas, parce qu’il faut tenir dans des plafonds de loyer [versé par les résidents] qui sont intenables ».
Si la Fnadepa soutient la réforme en cours de la tarification des EHPAD, son président a appelé à des corrections sur le volet « dépendance » : « Il faut un système de convergence nationale avec un système de péréquation, car il n’est pas possible que les départements les plus riches accompagnent mieux les personnes âgées que les plus pauvres, ou que des départements qui [fixent une valeur du point très faible] ne soient pas pénalisés. » Claudy Jarry a par ailleurs prôné « une tarification plus favorable au secteur du domicile » avec l’instauration d’un « modèle économique » plus stable, pour sortir des « perfusions » sous forme de fonds d’urgence.
Le président de la Fnadepa s’est aussi inquiété de l’absentéisme, trois fois plus élevé dans les EHPAD que dans la moyenne des entreprises françaises, et cinq fois plus élevé dans l’aide à domicile, en raison notamment de la fréquence des accidents du travail. Cet absentéisme persiste « malgré nos actions », et il « aggrave la pression psychologique sur ceux qui sont présents, [il] énerve les familles, [il] augmente l’intérim, [il] creuse les déficits. »
Il a brièvement abordé la grève organisée mardi 30 janvier par sept syndicats avec le soutien de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) : « Je ne sais pas si [ce] sera un grand mouvement, je crains que non, [car dans ce secteur], nous n’avons pas une culture du mouvement », a commenté Claudy Jarry. Il n’a pas appelé à participer à cette journée d’action mais a estimé qu’il faudrait à l’avenir faire parler « trois voix concomitantes », celles des salariés, des employeurs et des familles, pour réclamer des moyens.
Par ailleurs, la Fnadepa va lancer cette année un prix appelé Millési’Age. L’objectif sera de valoriser les équipes qui se mobilisent autour d’outils numériques avec pour effet d’améliorer la qualité de vie au travail. L’appel à candidatures sera lancé début février et les prix seront remis lors du prochain congrès de la fédération, organisé à Nantes les 4 et 5 juin.
Au colloque de la Fnadepa, Stéphane Corbin, le directeur de la compensation de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), a évoqué l’avenir des conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie, créées par la loi « vieillissement » de 2015. La caisse en a dressé un bilan positif en novembre dernier (voir ASH n° 3036 du 01-12-17, p. 12). Le mode de fonctionnement des conférences, qui réunissent l’Etat, les départements ou encore les organismes de sécurité sociale, « fait plutôt consensus, ce qui nous amène à réfléchir, à la CNSA et notamment les membres [de son] conseil, à un potentiel élargissement du périmètre » de ce dispositif, a glissé Stéphane Corbin. « Les acteurs du handicap nous disent : “C’est pas mal, ce modèle, est-ce que cela ne pourrait pas fonctionner aussi sur des aspects qui [nous] concernent” », a-t-il rapporté. Autre idée en gestation : une extension des conférences à un soutien à l’investissement, pour que la prévention soit conduite « dans la durée ». La CNSA travaille par ailleurs avec les départements pour leur donner une vision pluriannuelle sur les crédits qui leur sont délégués au titre des conférences.