Il considère que les lois sur la fin de vie constituent des garde-fous contre les dérives euthanasiques tout en respectant le droit de chacun à disposer de vie, mais il estime que les lois ne donnent pas toutes les réponses. La décision à prendre sur l’arrêt des traitements est humaine et doit se construire entre la personne, sa famille et les équipes de soignants et pour cela, il faut du temps, une matière première pas toujours disponible.
Dr Philippe Denormandie : Globalement, l’équilibre est respecté et le cadre juridique permet de répondre à la majorité des situations. La vraie question est, s’agissant de l’euthanasie, de connaître l’avis de la personne, de savoir s’il y a un tiers de confiance, si on se situe dans la bienveillance ou la bientraitance. La vraie difficulté est l’interprétation de la volonté de la personne. Par exemple, il y a les directives anticipées. Mais c’est relatif. Comment être sûr qu’une personne saine et en bonne santé qui a donné des directives sur sa fin de vie, ait la même approche le moment venu ? À l’inverse, quelqu’un qui a fait connaître son opposition à l’interruption des soins peut se trouver dans une situation psychologique de renoncer à la vie. C’est la notion du « lâcher prise ». En clair, la personne n’en peut plus. Dans ce cas, extrêmement difficile, il faut pouvoir interpréter les signes. Si elles ne sont plus en capacité de parler, les personnes en fin de vie ont des capacités d’expression qu’il faut saisir et savoir interpréter. L’important est que la décision soit collégiale.
Dr P. D. : Ce n’est évidemment pas une bonne solution. On est dans l’humain et si on judiciarise tout, on fait abstraction de la réalité. La question qui se pose est de savoir comment, collectivement, on est sûr de l’issue à donner. Celle-ci est d’autant plus difficile à déterminer qu’il faut prendre en considération deux éléments. D’une part, Internet, sur lesquels les familles trouvent toujours un espoir qui remettra en cause les certitudes de l’équipe médicale sur la fin inévitable de leur proche. D’autre part, la réponse n’est pas la même selon l’âge de la personne. Entre quelqu’un de très âgé et un jeune de 25 ans, il y a la question du temps. Pour le premier, c’est une question de court terme. Pour le second, c’est prendre le risque de retirer un espoir d’avenir. Qui sait ce que sera la médecine dans 10 ou 15 ans ? Dans ce domaine, le rapport au temps est un vrai sujet. Une décision de ce type doit se construire dans la durée. Il faut laisser le temps aux soignants de construire leur réflexion.
Dr P. D. : Qu’il se dégage un travail et une intelligence collective qui prennent en compte toutes les sensibilités, y compris religieuses et que cela puisse permettre de faire des choix car il y a une différence entre le droit et la réalité.