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« Il n’y a pas de liberté sans limites »

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L’ancien magistrat montre une hostilité certaine à la PMA et à la GPA. Il estime que ces techniques de procréation artificielle consacrent une dérive sociétale du droit à l’enfant, engendrent une marchandisation du corps humain et font muter les médecins du rôle de soignant à celui de créateur de vie. Pour lui, la loi doit mettre un frein à ces évolutions.

Actualités sociales hebdomadaires : Une partie importante des débats lors des États généraux porteront sur l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes, ainsi que la gestation pour autrui (GPA). Quel regard portez-vous sur les enjeux de ces discussions ?

Jean-Pierre Rosenczveig : La première vraie réflexion qu’il va falloir mener porte sur la médecine. Il va falloir qu’on se demande si on préfère une médecine de soins ou de construction de l’humain. Avec la GPA surtout, on se dirige vers la fabrication d’un humain, avec des personnes qui fabriquent un enfant à la demande. Les médecins sont-ils des sorciers de la vie ? La vraie question qui va être, pour moi, le vrai enjeu aux états généraux est : le médecin est-il là pour créer ou pour soigner ?

La deuxième problématique, est la marchandisation. Pour parler franc, quand il y a du fric à faire, des gens feront du fric quoi qu’il arrive. On le voit avec les passeurs par exemple ou la traite des adultes en Libye. On ne doit pas négliger cet enjeu. Donc, je m’interroge. La société peut-elle garantir le « droit à » ? Des enfants ont besoin de parents, c’est certain. Et dans 1 000 cas par an, on leur en trouve.

Quel est le problème si on consacre le droit à l’enfant ?

J-P R : Le problème, c’est qu’on n’aura aucun moyen de s’y opposer, y compris pour des situations absurdes. Par exemple, quand trois personnes vont demander à élever un enfant on ne pourra pas leur refuser. La Cour européenne des droits de l’Homme leur donnera raison. Ce que je crains, c’est qu’on puisse acheter un enfant à trois ou quatre personnes, comme on achète un appartement. L’autorisation de la PMA pour les couples de femmes interviendrait hors raisons médicales.

Il faut se projeter à 20 ou 30 ans et non pas être collé à la vitre et satisfaire des promesses politiques à la va-vite. Encore une fois, si on autorise la PMA pour les couples de femmes, ce sera hors raisons médicales. De plus, cela posera un autre problème de taille : un distinguo du traitement selon l’identité de genre. Les femmes homosexuelles auront droit à la PMA, au droit à l’enfant, et pas les hommes homosexuels. Or, on ne peut pas traiter différemment les hommes et les femmes, quelle que soit leur orientation sexuelle.

La PMA est une avancée médicale, pour soigner les personnes médicalement stériles. On était encore dans la conception qui faisait du mariage un projet de vie : vivre ensemble et avoir des enfants. Au fond, on a ouvert la PMA pour une seule raison : répondre à la stérilité dans le mariage.

Et sur la GPA ?

J-P R : Depuis la fin de la guerre, il y a un combat mené pour que les femmes ne soient plus des ventres à procréer. La GPA permet de créer un enfant artificiellement. Cela pose un problème de filiation. Est-ce qu’un enfant doit ou peut avoir trois filiations différentes ?

Je milite pour l’accès aux origines. Beaucoup de questions se posent, notamment sur la négociation de la mère. De plus, est-ce qu’il y aura pour l’enfant, un droit à savoir qui est sa mère ? J’ai milité pour que les enfants de l’aide sociale à l’enfance aient le droit d’entretenir des liens avec leur assistante maternelle. La même question se pose dans le cadre de la GPA.

Tout le débat est centré sur le désir d’enfant et rien n’est dit sur la prise en compte des droits de l’enfant. Tout ne doit pas être analysé en fonction du bon ou du mauvais droit des personnes d’avoir un enfant.

Est-ce à dire que le débat sera plus juridique que médical ? Ce serait un comble pour des États généraux d’une loi bioéthique, qui parle d’abord de médecine.

J-P R : Le droit n’est que l’expression du politique. Il est au service du politique. Rappelons par exemple que dans les années 1960, lorsque les parents divorçaient, l’un avait le droit de garde sur l’enfant et l’autre un droit de visite. Notre rapport à l’enfant a changé, il n’est plus un objet, aujourd’hui, on parle d’autorité parentale. Le droit tient compte des évolutions.

Votre combat est-il perdu ?

J-P R : De mon point de vue, il l’est. On a basculé dans une libéralisation totale des esprits. Mais je pense qu’il ne peut pas ne pas y avoir des limites. Il n’y a pas de liberté sans limites. Vous avez beau être le plus libéral des hommes, je doute que vous soyez content qu’un de vos amis qui entre chez vous se comporte mal et ne respecte pas votre intérieur. Les limites aux libertés, ce sont ce qui nous permet de vivre ensemble, en société.

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