La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle – dite loi « Justice 21 » – tend, dans son chapitre IV, à « [améliorer] l’organisation et [le] fonctionnement de la justice des mineurs ». Cette réforme est le fruit d’un long cheminement commencé 3 ans avant son adoption. Dès 2013, Christiane Taubira, alors garde des Sceaux, avait annoncé vouloir réformer la justice des mineurs afin de redonner de la « lisibilité » à l’ordonnance du 2 février 1945, texte de référence en matière de justice des mineurs, de « re-spécialiser la justice des mineurs » et de « redonner force à l’éducation ». En effet, les multiples modifications de l’ordonnance du 2 février 1945 ont rapproché la justice des mineurs de la justice des majeurs et ont introduit de l’incohérence, avait alors déploré la ministre de la Justice. La suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, l’introduction du principe de césure du procès pénal étaient déjà au menu de la réforme.
Après la démission de Christiane Taubira en janvier 2016, la présentation de la réforme au Parlement, annoncée pour le premier semestre 2016, n’a pas vu le jour.
Remanié par son successeur, Jean-Jacques Urvoas, tout en gardant son essence initiale, à savoir donner la primauté à l’éducatif sur le répressif, le projet de réforme de la justice des mineurs a finalement été présenté à l’Assemblée nationale en mai 2016 et adopté définitivement le 12 octobre 2016.
Les tribunaux correctionnels pour mineurs créés en 2011, pour juger les délits punis d’au moins 3 ans d’emprisonnement et commis par des mineurs récidivistes de plus de 16 ans, ont été supprimés par l’article 29 de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, à compter du 1er janvier 2017.
La suppression de ces tribunaux s’explique par (circulaire du 13 décembre 2016) :
→ des raisons organisationnelles. Cette juridiction ne traitait que 1 % des contentieux des adolescents ;
→ des raisons juridiques. Les tribunaux correctionnels pour mineurs étaient contraires au principe de primauté de l’éducatif, principe directeur de l’ordonnance du 2 février 1945 ;
→ des raisons pratiques. Ils ne pouvaient pas être saisis directement par le parquet et prononçaient moins de peines d’emprisonnement que les tribunaux pour enfants.
Ainsi, depuis le 1er janvier 2017, tous les mineurs devant être déférés auprès du tribunal correctionnel pour mineurs sont de plein droit renvoyés devant le tribunal pour enfants, et tous les majeurs devant être jugés par le tribunal correctionnel pour mineurs sont renvoyés de plein droit devant le tribunal correctionnel. Et ce, sans qu’il y ait lieu de renouveler les actes, formalités et jugements régulièrement intervenus avant cette date, à l’exception des convocations et citations données aux parties et aux témoins qui n’ont pas été suivies d’une comparution devant la juridiction supprimée (loi du 18 novembre 2016, art. 29, III).
En outre, les convocations ou citations devant le tribunal correctionnel pour mineurs délivrées avant la publication de la loi au Journal officiel, soit le 19 novembre 2016, pour une audience fixée après le 1er janvier 2017, doivent être renouvelées (circulaire du 13 décembre 2016).
Lorsque le renvoi est décidé par une juridiction de jugement ou d’instruction au jour de la publication de la présente loi ou postérieurement, les mineurs relevant de la compétence du tribunal correctionnel pour mineurs en application de l’ordonnance du 2 février 1945 relèvent de la compétence du tribunal pour enfants et doivent être renvoyés devant ce dernier (loi du 18 novembre 2016, art. 29, III). Ainsi, les mineurs récidivistes âgés de plus de 16 ans, qui relevaient de la compétence du tribunal correctionnel pour mineurs, pouvaient être jugés, avant la suppression de cette juridiction, par le tribunal pour enfants.
L’article 30 de la loi « Justice 21 » permet au tribunal pour enfants de prononcer, si la personnalité du mineur le justifie, une mesure éducative en plus de la condamnation pénale (ordonnance du 2 février 1945 [ord. 1945], art. 2).
De plus, lorsqu’une juridiction spécialisée pour mineurs prononce une mesure éducative, elle peut, en outre, placer le mineur jusqu’à ses 18 ans, sous le régime de la liberté surveillée (ord. 1945, art. 2).
Lorsqu’il est décidé de ne pas faire application de l’excuse de minorité et que la peine encourue est la réclusion ou la détention criminelle à perpétuité, la peine maximale pouvant désormais être prononcée est la peine de 30 ans de réclusion ou de détention criminelle. Cette disposition est applicable à compter du lendemain de la publication de la loi au Journal officiel, soit depuis le 20 novembre 2016, y compris aux dossiers en cours qui n’ont pas encore fait l’objet d’une condamnation définitive. Néanmoins, elle ne remet pas en question la légalité des peines de réclusion ou détention criminelle à perpétuité déjà prononcées, qui doivent continuer à s’appliquer (circulaire du 13 décembre 2016).
Supprimée par la loi du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, la procédure de convocation par officier de police judiciaire (OPJ) aux fins de jugement devant le juge des enfants a été réintroduite par l’article 31 de la loi « Justice 21 » (ord. 1945, art. 8-1).
Elle permet, pour rappel, par dérogation au principe de l’information obligatoire, de juger un mineur, y compris primo-délinquant, dès sa première comparution devant le juge des enfants et, par conséquent, de répondre immédiatement aux demandes éventuelles de la partie civile (circulaire du 13 décembre 2016).
Enfin, pour combler un vide juridique, l’article 31 de la loi « Justice 21 » précise que cette procédure peut également concerner les contraventions de la cinquième classe (ord. 1945, art. 5).
En cas de convocation pour jugement, la victime doit être avisée par tout moyen de la date de comparution du mineur devant le juge des enfants (ord. 1945, art. 5).
Le juge des enfants doit constater l’identité du mineur et s’assurer qu’il est assisté d’un avocat (ord. 1945, art. 8-1, I).
Si les faits ne nécessitent aucune investigation supplémentaire, le juge des enfants statue sur la prévention par jugement en chambre du conseil et, s’il y a lieu, sur l’action civile (ord. 1945, art. 8-1, II).
De plus, lorsqu’il estime que l’infraction est établie, le juge peut (ord. 1945, art. 8-1, II) :
→ s’il constate que des investigations suffisantes sur la personnalité du mineur ont déjà été effectuées, prononcer l’une des mesures prévues aux 2° à 6° de l’article 8 de l’ordonnance du 2 février 1945, à savoir une dispense de mesure, une admonestation, une remise à ses parents, une mise sous protection judiciaire, un placement, ou ordonner une mesure ou une activité d’aide ou de réparation ;
→ s’il constate que les investigations sur la personnalité du mineur ne sont pas suffisantes, renvoyer l’affaire à une prochaine audience.
Par ailleurs, si les faits nécessitent des investigations supplémentaires, le juge des enfants peut faire application des articles 8 et 10 de l’ordonnance dans le cadre d’un supplément d’information (ord. 1945, art. 8-1, III). A cet effet, il peut charger les services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse et du secteur associatif habilité d’effectuer des mesures d’investigation relatives à la personnalité et à l’environnement social et familial du mineur. De plus, le juge peut effectuer toutes investigations utiles pour parvenir à la manifestation de la réalité, telles que procéder à une enquête, décerner tous mandats utiles, ordonner un examen médical ou médico-psychologique (ord. 1945, art. 8 et 10).
La procédure de césure a été modifiée via l’article 32 de la loi « Justice 21 ». Elle se compose d’une audience d’examen de la culpabilité, puis, si le mineur est déclaré coupable, d’une période de césure de 6 mois durant laquelle peuvent être mises en œuvre des mesures d’investigation et éducatives, avant une audience de prononcé de la mesure ou de la peine. La décision finale portant sur la mesure éducative, la sanction éducative ou la peine doit désormais intervenir au plus tard 1 an après la première décision d’ajournement, contre 6 mois précédemment (ord. 1945, art. 24-5).
Cette prolongation permet de consacrer plus de temps à la réalisation de mesures d’investigations, éducatives ou coercitives ordonnées lors de la première audience (circulaire du 13 décembre 2016).
Le juge des enfants peut dorénavant recourir à la force publique pour l’exécution d’un placement de mineur qui n’aurait pas été mis en exécution ou pour lequel les services éducatifs rencontreraient des difficultés d’exécution, y compris pour les placements prononcés antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi « Justice 21 » (ord. 1945, art. 43). « La décision exceptionnelle de recourir à la force publique [doit] s’apprécier au regard notamment du constat avéré d’un comportement faisant échec à la mise en place de la mesure » (circulaire du 13 décembre 2016).
Néanmoins, ce dispositif n’est pas applicable à l’égard d’un mineur devenu majeur puisque la mesure de placement ne peut, dans ce cas, se poursuivre qu’avec l’accord de l’intéressé. Il n’est pas non plus applicable aux placements ordonnés par le juge des enfants en matière civile (circulaire du 13 décembre 2016).
Afin de renforcer les droits des mineurs, l’article 31 de la loi « Justice 21 » rend obligatoire l’assistance par un avocat de tout mineur placé en garde à vue (ord. 1945, art. 4). Pour rappel, auparavant, le recours à un avocat pour les mineurs de plus de 13 ans en garde à vue était une possibilité et non une obligation.
Ainsi, lorsque le mineur ou ses représentants légaux n’ont pas désigné d’avocat, le procureur de la République, le juge chargé de l’instruction ou l’officier de police judiciaire doit, dès le début de la garde à vue, informer par tout moyen et sans délai le bâtonnier afin qu’il en commette un d’office (ord. 1945, art. 4).
Si en cours d’audition, les représentants légaux du mineur, qui n’avaient pu être joints au début de la garde à vue, font le choix d’un avocat, l’audition doit se poursuivre avec ce dernier dès son arrivée. Dans l’intervalle, elle peut se dérouler avec l’avocat de permanence (circulaire du 13 décembre 2016).
Enfin, à titre exceptionnel, sur demande de l’officier de police judiciaire, le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention peut autoriser, par décision écrite et motivée, le report de présence de l’avocat lors des auditions ou confrontations, si cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’enquête, soit pour permettre le bon déroulement d’investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte grave et imminente à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne. Ce report peut être d’une durée maximale de 12 heures. Par exception, lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à 5 ans, le juge des libertés et de la détention peut, sur requête du procureur de la République, autoriser à différer la présence de l’avocat, au-delà de la 12e heure, jusqu’à la 24e heure (code de procédure pénale, art. 63-4-2).
La loi « Justice 21 » a modifié les règles relatives à la prise en charge des prestations d’aide sociale à l’enfance (ASE). Ainsi, les dépenses d’entretien, d’éducation et de conduite de chaque mineur sont prises en charge par le département du siège de la juridiction qui a prononcé la mesure en première instance (code de l’action sociale et des familles [CASF], art. L. 228-4).
Toutefois, par exception, lorsque la juridiction qui a prononcé la mesure en première instance a un ressort territorial s’étendant sur plusieurs départements, les dépenses sont prises en charge dans les conditions suivantes (CASF, art. L. 228-4) :
→ les dépenses d’aide sociale à l’enfance liées à l’entretien, l’éducation et la conduite de chaque mineur confié à l’ASE sont prises en charge par le département auquel le mineur est confié par l’autorité judiciaire, à la condition que ce département soit celui qui a prononcé l’admission dans le service de l’ASE ;
→ les autres dépenses d’entretien, d’éducation et de conduite de chaque mineur confié par l’autorité judiciaire à des personnes physiques, établissements ou services publics ou privés, ou pour chaque mineur pour lequel est intervenue une délégation d’autorité parentale à un particulier ou à un établissement habilité, résultant de mesures prononcées en première instance par l’autorité judiciaire sont prises en charge par le département sur le territoire duquel le mineur réside ou fait l’objet d’une mesure de placement, à la condition que ce département soit celui qui a prononcé l’admission dans le service de l’ASE.
Suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs. Les tribunaux correctionnels pour mineurs ont été supprimés à compter du 1er janvier 2017. Les mineurs déjà renvoyés devant le tribunal correctionnel pour mineurs sont de plein droit renvoyés devant le tribunal pour enfants. Quant aux majeurs ceux-ci sont de plein droit renvoyés devant le tribunal correctionnel.
Réponses pénales. Le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs peuvent prononcer une mesure éducative en plus de la sanction pénale si la personnalité du mineur le justifie. Par ailleurs, la peine de réclusion à perpétuité à l’encontre d’un mineur a été supprimée. Ainsi, la peine maximale pouvant être prononcée est la peine de 30 ans de réclusion ou de détention criminelle.
Assistance du mineur gardé à vue. L’assistance en garde à vue du mineur de plus de 13 ans par un avocat est rendue obligatoire. Lorsque le mineur ou ses représentants légaux n’ont pas désigné d’avocat, le procureur de la République, le juge chargé de l’instruction ou l’officier de police judiciaire doit, dès le début de la garde à vue, informer par tout moyen et sans délai le bâtonnier afin qu’il en commette un d’office. Si en cours d’audition, les représentants légaux du mineurs, qui n’avaient pu être joints, font le choix d’un avocat, l’audition doit se poursuivre avec ce dernier dès son arrivée.
• loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, J.O. du 19-11-16.
• Ordonnance n° 45-174 du 4 février 1945 relative à l’enfance délinquante, J.O. du 4-02-45.
• Circulaire du 13 décembre 2016, NOR : JUSD1636964C, B.O.M.J. n° 2016-12 du 30-12-16.